Anna, fleuriste, et Jean, chauffeur de taxi, se font des serments un soir de bal du 14 juillet à Paris. Jean succombe malgré tout à l'enjôleuse Pola, qui le délaissera vite elle-même. Sans amour, Jean sombre dans la délinquance.
Après la tonalité loufoque et burlesque de Le Million (1931) ainsi que l’esthétique surréaliste de A nous la liberté (1931), Quatorze juillet voit René Clair atténuer cette approche poétique pour revenir à la veine semi-réaliste de Sous les toits de Paris (1930), film inaugurant sa période parlante. Il revient là aux atmosphères parisiennes et milieux populaires de ce film qui sera d’ailleurs le dernier où la capitale française est aussi centrale avant Le Silence est d’or (1947) – opus marquant son retour en France après ses escapades anglaises et hollywoodiennes.
Si Le Million et A nous la liberté avaient marqué une évolution stylistique et thématique intéressante, Quatorze juillet fait malheureusement un peu figure de régression. La narration un peu lâche ne réitère pas malgré le charme du couple principal l’intérêt de Sous les toits de Paris. René Clair laisse davantage la part belle au dialogue ici que dans les précédents films, mais la magie ne fonctionne que quand il se repose sur de pures idées formelles. Le vis-à-vis des fenêtres des immeubles d’Anna (Annabella) Et Jean (George Rigaud) parvient ainsi le temps d’une superbe entrée en matière à nous présenter la douceur du quartier par un beau panoramique qui définit également la relation « je t’aime moi non plus » du couple se répondant entre œillades et grimaces. Ce dispositif servira les retrouvailles et séparations, houleuses ou tendre, des amoureux tout au long du récit. Le dialogue révèle la posture boudeuse pour elle, gentiment machiste pour lui, quand sans un mot un mot il suffit d’un regard ou d’un petit geste infantile pour les faire tomber dans les bras l’un de l’autre.C’est le problème du film qui patine dès qu’il cherche à trop introduire la parole. Le duo de voleurs est brillamment croqué le temps d’une scène de fête, à la fois peu recommandables et maladroit, mais lorsqu’il s’agira de traduire cela dans le drame (la déchéance délinquante de Jean) et par le dialogue le récit patine immédiatement. Même problème avec Pola (Pola Illery) l’ex-amante sulfureuse de Jean, magnifiquement introduite dans toute sa lascivité sulfureuse par l’image mais dont la présence est alourdie par les dialogues explicatifs. Les précédents films montraient René Clair apprivoiser l’outil parlant, laissant par instant penser qu’ils fonctionnaient encore selon une logique évocatrice du muet mais avec le son amenant une inventivité et un contrepoint par d’autres éléments que le dialogue. Ici il y a l’impression claire que l’ensemble du film aurait largement mieux fonctionné en muet, y aurait gagné en efficacité.C’est notamment le cas dans l’excellent usage du décor et sa symbolique, tel le jeu entre intérieur et extérieur, ombre et lumière durant la scène d’attaque du bar marquant les retrouvailles entre Jean et Anna. Un élément sonore intéressant est néanmoins les interruptions constantes de l’orchestre lors des scènes de bal, élément comique mais signifiant aussi la relation tumultueuse et chaotique de Jean et Anna. Une nouvelle fois, ce gimmick est plus efficace que les dialogues assez quelconques de la dispute qui accompagne cette séquence. Il y a donc un constant va et vient entre inspiration géniale et surlignage poussif tout au long du film, et c’est à croire que s’essayer à un film en langue étrangère va permettre de briser les derniers carcans de René Clair avec Fantôme à vendre (1935) à suivre, puis l’aisance de sa période hollywoodienne quelques années plus tard – La Belle ensorceleuse (1941), Ma femme est une sorcière (1942), C’est arrivé demain (1944).Sorti en bluray français chez Tamasa