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mardi 18 juillet 2017

La Belle Ensorceleuse - The Flame of New Orleans, René Clair (1941)


Une aventurière qui se fait appeler « comtesse » (Marlène Dietrich) débarque à La Nouvelle-Orléans en quête d'un homme fortuné. Avec la complicité de sa servante Clementine (Theresa Harris), elle séduit Charles Giraud (Roland Young) un banquier naïf. Elle rencontre par hasard Robert Latour (Bruce Cabot), un beau marin. Alors que le mariage avec Giraud est imminent, la comtesse est reconnue par le russe Zolotov (Mischa Auer) qui l'a bien connue à Saint-Pétersbourg. Sans le vouloir, ce dernier compromet le mariage et la comtesse se voit forcée de faire croire qu'elle est la cousine vertueuse d'une femme de mauvaises mœurs dénommée « Lili ».

Premier des cinq films hollywoodiens de René Clair, La Belle ensorceleuse n’est pas la plus grande réussite de cette période américaine (ce titre revenant au délicieux Ma femme est une sorcière (1942)) mais s’avère néanmoins un divertissement fort plaisant. Le scénario de Norman Krasna est bien évidemment un véhicule pour Marlène Dietrich mais René Clair le fait sien en y apportant le meilleur de ses réussites françaises dans la comédie. A l’élégance et l’opulence hollywoodienne de cette Nouvelle-Orléans du 19e s’ajoute ainsi la mise en scène précise et le sens du rythme irrésistible du réalisateur de Le Million (1931) ou À nous la liberté (1931). Mais surtout, René Clair donne un fort plaisant avatar hollywoodien à la comédie façon Feydeau et au vaudeville bien français.

Tout le film fonctionne sur le dédoublement des couples, traits de caractères et situations. L’ouverture annonce cette dimension théâtrale avec le « drame » narré ironiquement par la voix-off de cette robe de mariée retrouvée flottant sur le fleuve Mississipi. Pour en comprendre les raisons, René Clair nous invite littéralement dans ce théâtre comique avec une caméra s’introduisant sur une scène d’opéra. La comédie se joue plutôt en loge où l’aventurière Lili (Marlène Dietrich) opère son numéro de séduction bien rôdée au banquier Charles Giraud (Roland Young) vite au petit soin après une feinte d’évanouissement. Le dédoublement s’opère à la fois pour duper l’autre mais aussi révéler la vérité profonde des personnages. Sous ses atours de fausse comtesse, Marlène Dietrich ne peut que repousser le rustre mais attachant marin Robert Latour (Bruce Cabot) malgré l’attrait qu’on peut deviner, le temps d’une séquence cruelle. Mais quand son passé ressurgit et menace son mariage lucratif avec le banquier, elle sera forcée de s’inventer une cousine vulgaire à qui attribuer cette réputation sulfureuse. 

René Clair opère par étape, ce double de mauvaise vie n’étant dans un premier temps qu’une voix, puis une présence grossière avant de finalement laisser entrevoir les vrais sentiments de Lili. Tout fonctionne par le glissement et le décalage, Marlène Dietrich prenant une porte dérobée pour signifier la basse extraction de son double, jouant d’un effet de poupée russe en autant la robe criarde de la « cousine » pour révéler celle élégante en diable de la comtesse. L’aspect manipulateur et intéressé du personnage s’estompe par les nuances de jeu de l’actrice, dont la tristesse se laisse brièvement entrevoir lorsqu’elle est une première fois démasquée (le calcul reprenant ses droits dans la minute) et réellement marquée par le rapport aux autres différents selon ses identités. 

Le marin balourd et attachant n’a cure de ses origines et s’avère tout autant sous le charme de ses deux alias qu’il démasque vite, à l’inverse le banquier plus attiré par l’image que l’être qui s’y dissimule rejette celle non conforme à son milieu par des moyens assez radicaux. Marlène Dietrich se délecte de ce personnage peu à peu dépassé par ses sentiments, dont la froide ambition s’estompe face à la sincérité bourrue du marin. Tout cela s’opère avec une fluidité exemplaire, tant dans la narration jouant habilement des multiples quiproquos que par la mise en scène de René Clair escamotant toute explication trop bavarde par des ellipses parfaite. Il suffit d’un regard intense pour orchestrer les retrouvailles finales et un jeu de reflet mêlé à un fondu enchaîné dans une vitre nous signifie le grand départ en bateau qui conclut le film, et explique enfin cette robe de mariée flottante d’ouverture. Sautillante et plaisante réussite.

Sorti en dvd zone 2 français chez Elephant Films 

Extrait

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