Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram
Ma femme est une sorcière - I Married a Witch, René Clair (1942)
Au XVIIe siècle, une sorcière et son père sont condamnés au bûcher par Jonathan Wooley, geste funeste car une malédiction est jetée à travers les siècles sur les héritiers de Wooley. Trois siècles plus tard, Wallace Wooley s'apprête à épouser Estelle Masterson.
Deuxième film américain de René Clair, I Married a Witch sans égaler les hauteurs de ses films des années 30, s'affirmait comme le premier grand succès du cinéaste ans son nouvel environnement après La Belle Ensorceleuse où la collaboration avec Marlène Dietrich fut compliquée. Là il parvient merveilleusement à mêler sa veine poétique et décalée aux codes de la screwball comey. Le script mêlant romance et surnaturel permet ainsi au réalisateur de donner libre cours à son imaginaire à travers cette drôle d'histoire d'amour entre une sorcière et le descendant de son bourreau à qui elle avait jeté une malédiction jetant le malheur sur les mariages de sa famille.
Clair amène dès l'ouverture une ironie comique et un rythme mêlant touche typique de la comédie américaine en vogue à la Preston Sturges (ami de René Clair à Hollywood et qui lui a peut-être recommandé Veronica Lake dirigée dans Les Voyages de Sullivan) lors de cette vente de pop-corn aux spectateurs du bûcher au XVIIe. L'illustration de la malédiction conjugale à travers les époques, tout en mouvement et montage inventif dans une approche essentiellement visuelle semble quant à elle faire le lien avec les travaux antérieurs de René Clair.
Tout le film fonctionne sur cet habile décalage, que ce soit à travers le script où les idées de mise en scène du réalisateur. Le cadre solidement réaliste de la politique et des élections de gouverneur est ainsi progressivement dynamité par l'irruption du fantastique, l'univers des sorciers et les manifestations de leurs pouvoirs. Pour le héros Wallace Wooley (Fredric March), c'est un avenir tout tracé avec fiancée revêche (Susan Hayward géniale en mégère en puissance) et carrière politique ambitieuse qui est balayée par l'imprévisible Jennifer (Veronica Lake). Auréolée des aptitudes hors-normes de son personnage, Veronica Lake ajoute encore à la dimension surréaliste du film puisque cette enquiquineuse charmante typique de la screwball comedy va s'en avérer d'autant plus envahissante.
On la découvre nue dans la fumée d'un incendie, elle apparaît/ disparaît à sa guise dans l'existence de Wallace en défiant toute les règles de la bienséance et Veronica Lake mêle à merveille charme mutin (aussi affolante nue sous sa fourrure que dans les grandes robes sombres qui lui sied parfaitement), présence érotique et innocence enfantine de celle pour qui tout est permis. Les scènes de séduction n'en sont que plus savoureuses notamment celle où en un panoramique et quelques tours d'aiguille sur l'horloge Fredric March passe de réticent à amoureux transi. La géniale séquence de mariage avorté et sa simili Castafiore toujours à contretemps des évènements est également sources de nombreux rires.
Ce va et vient entre sérieux et distance se joue bien sûr dans la nature de l'histoire d'amour, au départ guidée par la vengeance puis par des éléments artificiels (le philtre d'amour) avant un final tout en candeur où les sentiments transcende même les sortilèges. Ce retour au réel crée le romantisme dans un ton à la fois rétrograde (Jennifer renonçant à sa séduction agressive pour essayer d'être la parfaite ménagère) mais surtout humain puisque c'est en abandonnant les artifices que Jennifer se désinhibe et découvre finalement l'amour. Une mélancolie brève mais inattendue se dévoilent donc dans les dernières minutes (avec de jolie vision comme notre couple enlacé près de l'arbre maudit dans un superbe décor studio) où les amoureux se perdent et se retrouvent.
Entre temps, René Clair aura fait preuve d'une inventivité constante distiller la féérie burlesque de l'ensemble, que ce soit les esprits sous formes de nuages des sorciers fraîchement libérés où ce taxi survolant la ville. Le film n'est pas parfait loin de là (rythme un peu décousu et pas mal e moment de creux et des personnages secondaires sous exploités hormis le père joué par Cecil Kellaway) mais procure un charme certain. Ce sera une des grandes sources d'inspiration (avec L'Adorable Voisine de Richard Quine) de la célèbre série Ma Sorcière bien-aimée.
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