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jeudi 13 novembre 2025

Duel to the Death - Xian si jue, Ching Siu-tung (1983)

 Tous les dix ans, les écoles de Chine et du Japon organisent un duel entre leurs meilleurs champions afin de déterminer lequel des deux pays règne sur le monde des arts martiaux. Dans l'ombre, des ninjas dissidents tentent de saboter la rencontre tandis qu'un clan chinois conspire pour imposer son champion...

Duel to the Death est la première réalisation de Ching Siu-tung figure emblématique du cinéma hongkongais des années 80/90, que ce soit pour ses réussites à la mise en scène ou en tant que chorégraphe, notamment pour les productions FilmWorkshop de Tsui Hark. Ching Siu-tung est un véritable enfant de la balle, puisqu’il est le fils de Chen Kang, fameux réalisateur de la Shaw Brothers connu pour le classique Les 14 Amazones (1972). Il fréquente donc les plateaux de cinéma dès le plus jeune âge sur les films de son père, sa formation martiale à l’Opéra de Pékin l’introduisant aux métiers de cascadeur et chorégraphe tout au des années 70. Il va significativement se faire remarquer en signant les chorégraphies martiales de The Sword de Patrick Tam (1980), ses trouvailles réinventant le wu xia pian en le pliant l’esthétique de la Nouvelle Vague hongkongaise.

Tout comme The Sword, le scénario de Duel to The Death est une réflexion désenchantée sur la vacuité du jiang-hu (le monde des arts martiaux), la vaine quête de puissance et de renommée de ses combattants. C’est un thème au cœur des plus fameuses adaptations de Chu Yuan du romancier Gu Long, mais la refonte formelle du film lui confère un nouveau souffle à cette thématique. La quête de pouvoir concerne ici deux nations, la Chine et le Japon qui, tous les dix ans, opposent leurs deux champions afin de déterminer le dominant sur le monde des arts martiaux et par extension asseoir une suprématie nationale. 

Dès là scène d’ouverture voyant des ninjas japonais s’introduire pour voler les secrets d’un temple Shaolin, les dés de ce combat semblent pipés. Si les deux guerriers, le chinois Ching Wan (Damian Lau) et le japonais Hashimoto (Norman Chu), semblent animés de nobles intentions, la fourberie de leurs nations respectives les dépasse rapidement. Un enchevêtrement de traitrises et de complots détourne l’intention du duel dont tout deux doutent de la raison d’être pour des raisons différentes. Hashimoto se heurte à la soif de victoire morbide de son camp, pour lequel tous les sacrifices sont nécessaires pour imposer la puissance japonaise. Ching Wan va lui rencontrer la traitrise d’un maitre chinois avide de restaurer le prestige de sa maison.

Ce fil rouge thématique et narratif et suffisamment tenu et prenant pour ne jamais nous égarer malgré l’avalanche de morceaux de bravoure. Ching Siu-tung a en effet l’intelligence d’alterner moments de mélancolie réflexive avec une véritable démesure hystérique et inventive durant les joutes martiales. Il y a une continuité avec The Sword dans la volonté d’inscrire les combats dans des décors naturels afin de s’éloigner du filmage studio de la Shaw Brothers. L’usage virtuose des câbles permettant aux bretteurs de défier les lois de la gravité est poussé à son paroxysme et préfigure véritablement tous les travaux à venir de Ching Siu-tung. La nervosité du montage n’égare jamais et rend toutes les bottes secrètes et coups furtifs bien visibles, les travellings frénétiques accompagnent les cavalcades en forêt et les effets spéciaux inventifs prennent le relais dès qu’il faut mettre en valeur les facultés surnaturelles des ninjas. 

L’extravagance de la trilogie Swordsman (1990, 1992, 1993), la vélocité du climax de L’Auberge du Dragon (1992) et même la sensualité d’Histoires de Fantômes Chinois (1987, 1989, 1991) sont déjà là de fort belle manière. De plus, la caractérisation des personnages est partie prenant de leur posture martiale à travers leur nationalité. Hashimoto tout de noir vêtu, traits taciturnes, s’impose par ses postures figées et hiératiques, un sentiment d’attente intimidant avant l’explosion typique du fantasme cinématographique du samouraï à l’écran. Ching Wan, silhouette fluette et visage androgyne, existe quant à lui par sa gestuelle virevoltante qui semble démultiplier sa présence dans la plus pure tradition de légèreté de l’épéiste chinois.
Tout ces partis-pris sont transcendés par une sublime confrontation finale où tout est grandiose, de l’incroyable cadre d’une falaise à la hargne résignée et désespérée que mettent les deux combattants à suivre inévitablement le chemin vain des armes. 

Sorti en bluray français chez Metropolitan 

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