1890. Le Show Boat est un bateau qui sillonne les eaux du Mississipi avec à son bord une troupe de danseurs et musiciens donnant des spectacles de ville en ville. Andy Hawks règne sur ce petit monde et sa fille Magnolia apprend les ficelles du métier avec son amie Julie Laverne, une vedette du show. Un nouvel artiste est engagé au Show Boat, Gaylord Ravenal. Un jour, des autorités locales apprennent que Julie a du sang noir dans les veines et est mariée à un blanc. Ils contraignent Andy Hawks à la renvoyer du spectacle au grand désarroi de Magnolia. Celle-ci fait désormais partie de la troupe, elle tombe amoureuse de Gaylord et l’épouse.
Showboat est la seconde adaptation d’une des plus fameuses comédies musicale du duo Jerome Kern /Oscar Hammerstein qui connut une première version signée James Whale en 1936. En ce début des années 50, le genre connaît depuis quelques années déjà un nouvel âge d’or et il paraissait logique de délivrer une nouvelle version calibrée aux nouveaux canons Hollywoodien.
L’histoire nous plonge parmi une troupe d’artiste itinérant sillonnant le Sud des Etats-Unis via le Mississipi sur leur bateau, le bien nommé Show Boat. Dès la spectaculaire ouverture, le pouvoir de ce monde de fête et de lumière s’avère au-delà des maux et des clivages qui rongent la région.
La rumeur annonce l’arrivée du Show Boat tandis qu’il apparait progressivement dans toute sa splendeur et c’est enfants, adultes, bourgeois et travailleurs des champs de coton qui accourent dans un même mouvement et le regard émerveillé pour s’offrir un moment d’évasion. Pour les artistes c’est également un refuge aux tentations et épreuves de l’extérieur qui fera office de paradis perdu pour ceux qui seront amenés à le quitter.
La vedette Julie Laverne (Ava Gardner) va ainsi sombrer dans une lente déchéance morale et physique lorsque la découverte de ses origines métisses (audacieuse thématique raciale malheureusement peu approfondie) la contraigne à quitter le Show Boat. Pour la douce et innocente Magnolia (Kathryn Grayson) l’idylle avec Gaylord Ravenal (Howard Keel) vire au cauchemar lorsque ce dernier, joueur invétéré, est soumis à la tentation du jeu et de la malchance qui accompagne ce vice.
Les destins des deux amies se croisent donc dans ce même malheur d’être abandonnées par leurs hommes et éloignée du cocon du Show Boat. La tonalité des chansons varie d’ailleurs dans ce sens, le Can't Help Lovin' Dat Man entonné tour à tour par Ava Gardner et Kathryn Grayson se faisait amoureusement exalté en début de film puis les malheurs survenus prenant des airs lugubres, désabusés et mélancolique.
L’interprétation est également pour beaucoup dans l’attrait exercé par Show Boat. Kathryn Grayson poursuit son ascension ici avec une prestation touchante faisant passer la pilule des bons sentiments exacerbés et le couple qu’elle forme avec Howard Keel (excellent également entre jovialité et facette plus sombre) sera reconstitué dans un tout aussi réussi Kiss me, Kate deux ans plus tard toujours sous la direction de George Sidney.
Ici l’alchimie étincèle le temps d’un Make Believe romantique à souhait où les deux ne simulent leur amour que pour mieux se l’avouer. La chanson aura également sa bouleversante reprise lors de la conclusion quand Howard Keel « jouera » à être le père de sa fille Kim. C’est vraiment leur prestation qui fait passer l’aspect relativement convenu de la progression dramatique de leur personnage.
Ava Gardner quant à elle et malgré un temps de présence à l’écran plutôt réduit (elle disparaît même au bout de 20 minutes) est merveilleuse de fragilité, que ce soit quand elle chante (doublée dans le film par volonté de la MGM alors qu’elle offre une belle interprétation sur la bande originale) passionnément l’addiction à « son » homme ou plus tard quand ravagée par les excès elle perd de sa superbe dans un écho prémonitoire aux futurs dérapages de l’actrice.
Ironiquement avec un tel sujet, Ava Gardner avait remplacé l’actrice noire Lena Horne car les histoires d’amours interraciales étaient interdites à l’écran soit un des thèmes centraux du film. On saluera également Joe E. Brown et Agnes Moorehead en seconds rôles attachant. L’expressivité du premier n’est que bienveillance tandis que la seconde cache une vraie tendresse sous ses airs de sévérité.
Les numéros musicaux, pas si nombreux finalement sont tous des prouesses où George Sidney trouve toujours le ton juste. La virtuosité accompagne donc les virevoltantes chorégraphies du couple Champion notamment un éblouissant second numéro où Sidney déploie un extraordinaire plan séquence où le couple apparaît/disparaît alternativement du champ sans coupure apparente.
Ce qu’on retiendra surtout c’est le lyrisme des deux fabuleuses interprétations d’Old man river par le chanteur ténor noir William Warfield (qui fait honneur à Paul Robeson qui l'interprétait dans le film de 1936) . Celui-ci délivre toute la tristesse voulue à au deux moments clés où intervient la chanson :
la première lors du départ cruel d’Ava Gardner où elle fait figure d’apaisement douloureux au malheur et la seconde élevant le sentiment de quiétude fragile de la conclusion transcendé à l’écran par les images de Sidney et un ultime regard embué d’Ava Gardner… La joie, la peine, l’espoir et le courage, tout le film est contenu dans cette chanson.
Sorti en dvd zone 2 français chez Warner
"Old man river"
Mon Dieu... Ava... <3
RépondreSupprimerFini de baver oui ! ^^
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