Yves Robert signe avec Alexandre le bien heureux une magnifique ode libertaire à l'oisiveté et au rêve. On est au fond pas très éloigné sur le fond du Boudu sauvé des eaux de Renoir. Dans ce dernier un feignant notoire et heureux de l'être (Michel Simon) se voyait rattrapé par la normalité d'une existence domestique classique avant un magnifique pied de nez final. Yves Robert ne raconte pas autre chose, même si la structure est différente et que le cadre rural offre d'autres possibilités. Contrairement à Boudu, Alexandre (Philippe Noiret) ne connaît que par brèves intermittences les joies du farniente tant sa rugueuse épouse lui mène la vie dure.
L'hilarante première partie du film fonctionne ainsi au rythme des claquement de doigt de "La Grande" sortant constamment notre héros de ses rêveries dans un quotidien à l'organisation millimétrée (câlin du soir compris) où il est quasiment réduit au rang de bête de somme (Tu m'as épousé par ce que j'étais le plus fort !).
Françoise Brion entre regard bleu séduisant, ses traits sévères et ses attitudes militaires est parfaite et offre une opposition de choix à un Noiret dépeint comme un gros ours à la bonhomie contrariée. Yves Robert multiplie les gags et les astuces narratives (l'armoire bloquée un an) pour souligner l'existence sans joie d'Alexandre et les quelques moments de respiration sont d'une poésie décalée brillante comme lorsqu'il s'arrête de travailler pour observer les oiseaux.
Le film se pose ainsi en défi à la normalité, aux responsabilités qui en découlent et au fardeau qu'elle constitue. Les autres agriculteurs auront bon employer les stratagèmes les plus extravagants pour tirer Alexandre de sa torpeur (la fanfare nuit et jour grandiose !) au fond ils ne rêvent que de faire de même.
Philippe Noiret qui obtenait là enfin un premier rôle majeur prête merveille sa nonchalance et son regard lunaire à cet ours paisible qu'est Alexandre. Marlène Jobert en double fainéant au féminin excelle également de candeur ambiguë alors que les seconds rôles regorgent d'habitués passé et à venir d'Yves Robert : Jean Carmet, un tout jeune Pierre Richard, Jean Carmet ou encore un savoureux Paul Le Person en Sanguin.
Boudu refusait la prison domestique par un beau plongeon final, Alexandre fera de même par un "non" vibrant avant de disparaître dans le paysage campagnard ensoleillé de l'Eure-et-Loir dont Yves Robert aura su si bien filmer la langueur.
Sorti en dvd chez Studio Canal
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire