Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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vendredi 29 juin 2012

Joseph Andrews - Tony Richardson (1977)



Angleterre, XVIIIème siècle. Joseph Andrews, abandonné par ses parents, est recueilli par Lady Booby. Plus le temps passe et plus la jeune femme est séduite par le charme et la jeunesse du garçon. Bien décidée à l'initier aux plaisirs de l'amour, elle ne comprend pas quand celui-ci, éperdument amoureux d'une autre, refuse ses avances. Mis dehors, contre son gré, par Lady Booby, Joseph Andrews va vivre des aventures extraordinaires et va tout faire pour conquérir sa Belle...

14 ans après son génial Tom Jones, Tony Richardson adaptait pour la seconde fois Henry Fielding avec ce Joseph Andrews. On se souvient qu'avec Tom Jones, Richardson avait idéalement transposé la truculence, la provocation et la touche picaresque et morale de l'auteur avec une approche visuelle pop outrancière jamais vue dans un film en costume. Joseph Andrews est dans cette continuité et plus excessif encore, les dernières entraves de la censure freinant (un peu) la provocation de Tom Jones étant ici totalement dynamité. Tony Richardson réalise là l'anti Barry Lyndon par excellence. Rarement le XVIIIème aura paru aussi laid à l'écran (quand Tom Jones sous le délire gardait encore une certaine élégance classique de film en costume).

Donc ici le manque d'hygiène de cette période se rappelle à notre bon souvenir avec son défilé de figures rougeaudes, crasseuses et grotesque à la dentition gâtée chez les démunis quand pour les nantis l'avalanche de poudre sur les visages semble dissimuler les maladies de peau les plus diverses et faire ressembler ses membres à des spectres ridicule (les maquilleurs exagérant la chose avec du grain de beauté bien immondes placés n'importe comment). Les costumes et décors sont à l'avenant dans le mauvais gout volontaire, tout en couleurs criardes affreuses et en corset monstrueux perdant tout aura érotique.

Les seuls à traverser cet ensemble sordide en conservant leur beauté et leur innocence son notre héros Joseph Andrews (Peter Firth) et son aimée Fanny (Natalie Ogle). Leur traits fin et juvéniles, leur candeur en font presque des intrus dans ce cadre horrible et le récit cherche constamment souiller cette innocence à travers diverses péripéties toujours plus folles. Fanny manque donc d'être sauvagement violée plus d'une fois dans des circonstances de plus en plus extravagante (le summum étant atteint lors d'un cérémonie "religieuse" où des nonnes au formes généreuse entament un cantique paillard) tandis que Joseph subira les assauts de tout ce que le casting compte de personnage féminin, de la noble au port altier à la servante obèse repoussante (Beryl Reid géniale en Mrs. Slipslop).

Le roman de Fielding dénonçait la perversion des classes aisées sous couvert de vertus morales et de valeurs chrétiennes auquel il confrontait des figures idéalisées de pureté. Richardson saisit bien cela avec un couple de héros frisant la niaiserie et la transparence tandis que le reste de la distribution s'en donne à cœur joie. A ce petit jeu, Ann-Margret au charme toujours aussi ravageur tire une performance jubilatoire en noble tiraillée par le désir pour son valet Joseph dont la vertu la désespère. Il faut voir ces tentatives de séduction outrancières sans succès et le machiavélisme dont elle fait preuve pour séparer le couple.

Le traitement anarchique des meilleurs moments de Tom Jones est ici étendu à tout le film où Richardson use d'une mise en scène toujours aussi peu conventionnelle et truffée d'astuces narratives (les passages chantés et poétique qui alimentent en informations qui conduiront aux révélations lors de la chute) inventive. Par contre le charisme d'Albert Finney permettait d'être captivé par le destin du héros de bout en bout quand ici (même si c'est voulu) Peter Firth s'avère un peu insipide, l'innocence n'empêchait pas un personnage plus volontaire quand ici il passe au second plan face à Ann-Margret. Très plaisant tout de même notamment le final qui ose les transgressions généralement évitées dans d'autres adaptations quand se révèleront les liens familiaux entre tout ce petit monde.

Sorti en dvd zone 2 français chez Doriane Films

Extrait avec Ann Margret au sommet de sa (ses) forme(s) !

jeudi 28 juin 2012

La Colline aux coquelicots - Kokuriko-zaka kara, Goro Miyazaki (2011)


Umi est une jeune lycéenne qui vit dans une vieille bâtisse perchée au sommet d’une colline surplombant le port de Yokohama. Chaque matin, depuis que son père a disparu en mer, elle hisse face à la baie deux pavillons, comme un message lancé à l’horizon. Au lycée, quelqu’un a même écrit un article sur cet émouvant signal dans le journal du campus. C’est peut-être l’intrépide Shun, le séduisant jeune homme qu’Umi n’a pas manqué de remarquer...
Attirés l’un par l’autre, les deux jeunes gens vont partager de plus en plus d’activités, de la sauvegarde du vieux foyer jusqu’à la rédaction du journal. Pourtant, leur relation va prendre un tour inattendu avec la découverte d’un secret qui entoure leur naissance et semble les lier…

La Colline aux Coquelicots arrive tout juste un an après le très mitigé Arriety, le petit monde des chapardeurs. Ce dernier avait contribué à entretenir la question de l’avenir de Ghibli sans Miyazaki père tant son ombre tutélaire imposante avait empêché l’émergence d’un successeur de talent. C’est bien simple, hormis le merveilleux Si tu tends l’oreille/Mimi wo sumaseba de Yoshifumi Kondo (dont on attend toujours une sortie DVD française d’ailleurs), aucune réalisation non signée par les fondateurs Isao Takahata et Hayao Miyazaki ne tenait réellement la route, allant du sympathique Le Royaume des Chats, vraie/fausse suite de Si tu tends l’oreille, au médiocre. Arriety, le petit monde des chapardeurs était significatif de cette impuissance. Hiromasa Yonebayashi n’y montrait aucune personnalité, se contentant de singer sans talent les motifs les plus récurrents du maître. Le passé glorieux de Ghibli et les nombreux chefs d’œuvres qui le symbolisent semblent donc être un sérieux frein pour tout nouveau venu. Cela tombe bien puisque le poids du passé, c’est toute la thématique centrale de La Colline aux Coquelicots.

Goro Miyazaki signe là son deuxième film après le mitigé mais pas inintéressant Les Contes de Terremer. On le sait, les rapports avec son illustre père sont très tendus, ce dernier s’étant violemment opposé à son passage à la réalisation sur le précédent et lui ayant mené la vie dure (le documentaire japonais Futari montrait la véritable guerre que fut la gestion du film) durant la production de La Colline aux Coquelicots. Le scénario de Hayao vu à travers le regard de Goro offre donc une remarquable dualité et ambiguïté sur le rapport à l’Histoire et au passé à travers un récit intimiste et ambitieux. Les élèves d’un lycée entrent en croisade lorsque la décision est prise de détruire le « Quartier Latin », la vieille bâtisse faisant office de foyer au profit d’une autre plus moderne. Parallèlement, un couple se forme entre les élèves Umi et Shun mais qui va se trouver menacé par un secret issu de leur histoire familiale.

On a donc d’un côté un passé symbole de souvenirs attachants avec une histoire à respecter sur le Quartier Latin, et de l’autre, une chape de plomb qui noircit l’avenir d’un joli couple d’adolescents. La période où se déroule le film est significative de ses interrogations. 1963, en pleine préparation des Jeux olympiques de Tokyo qui auront lieu l’année suivante. L’événement doit signifier aux yeux du monde la toute puissance économique désormais acquise par le Japon et effacer le souvenir encore vivace du pays guerrier totalitaire qui mena à la Seconde Guerre mondiale et au drame d’Hiroshima.

Les jeunes qui n’ont pas connus cette époque souhaitent donc pour certains préserver les vestiges du passé quand les plus vieux ayant vécus ces heures sombres ne pensent qu’à les effacer. Umi et Shun vont ainsi se trouver entre deux feux lorsque ce même passé qu’ils défendent à travers le Quartier Latin va faire ressurgir un douloureux événement pour eux. On peut bien évidemment y aller de son interprétation sur Goro Miyazaki , écrasé par l’aura de ce père qui ne lui fait aucun cadeau, et c’est justement par cet entre-deux que le film évite un passéisme tout de même assez prononcé dans le scénario de Hayao Miyazaki.

La Colline aux Coquelicots fait partie de la veine intimiste de Ghibli et on pense très fort ici à Souvenirs goutte à goutte de Isao Takahata pour la nostalgie dégagée et Si tu tends l’oreille avec cette timide romance adolescente. Si le fond s’avère plus ambigüe sur ce lien au passé, la forme, elle, le magnifie avec une reconstitution somptueuse des demeures, quartiers et tenues vestimentaire de l’époque ainsi qu’un fétichisme certain dans la description des rituels du quotidien : la cuisine, les courses, le ménage, les repas. Des instants synonyme de partage et de rapprochements discrets. Goro Miyazaki s’avère bien plus inspiré dans cette tonalité sobre que dans Les Contes de Terremer et même s’il peine encore à dégager un style visuel personnel (chose ô combien difficile chez Ghibli) il signe là un bien beau film.

Sorti en dvd zone 2 français chez Disney dans la collection Ghibli

mercredi 27 juin 2012

Le Dernier Rivage - On the Beach, Stanley Kramer (1959)


1964. Une guerre atomique a ravagé presque toute l'hémisphère nord de la planète. Un sous-marin américain fait alors escale en Australie. Mais les retombées radioactives se rapprochent lentement...

La fin du monde peut être racontée de bien des façons (spectaculaire, poétique) et s'inscrire dans des genres bien différents allant de la science-fiction au film catastrophe ou au drame. Avec Le Dernier Rivage, Stanley Kramer en offre une des visions les plus belle, intimiste mais aussi profondément déprimante. Le film est surtout une manifestation de l'engagement politique et de l'humanisme qui imprègne l'œuvre de Kramer qui plie cette adaptation du roman éponyme de Nevil Shute à sa vision d'une société rongée par la peur du nucléaire depuis Hiroshima et la course à l'armement ayant cours durant la Guerre Froide.

On the beach nous plonge dans un monde sans espoir où tout es déjà joué. Une guerre atomique (dont on ne connaître jamais les cause, les tenants et les aboutissants pour mieux en souligner l'absurdité) a ravagé l'ensemble de la planète y a fait disparaitre toute vie. Seul l'Australie a survécu à la catastrophe mais c'est une terre en sursis où les premières retombées radioactives arriveront d'ici quelques mois, laissant ses habitants dans une angoisse latente. Dans ce contexte, le récit s'attache à quelques personnages et à leur réaction face à cette fin inéluctable. On y trouve les jeunes mariés et parents Peter (Anthony Perkins) et Mary (Donna Anderson), le vieux scientifique alcoolique et désabusé Julian (Fred Astaire) et surtout le couple entre Dwight Towers (Gregory Peck) et Moira Davidson (Ava Gardner).

Lui est un capitaine de sous-marin américain qui a perdu sa famille dans la catastrophe et dont la solitude répond à celle de Moira, femme dépressive et alcoolique qui fait face à sa propre solitude alors que la fin approche. Stanley Kramer imprègne de manière progressive cette ambiance désenchantée. La vie continue dans un premier temps pour les personnages dans ce Melbourne bondés où se révéleront d'abord visuellement les manques matériels (la circulation délaissant les voitures pour les chevaux face à la pénurie d'essence) puis à travers le dialogues les échanges soulignent discrètement (Peck qui confond inconsciemment le prénom de sa femme et celui d'Ava Gardner) ou de façons appuyées (toutes les monologues désabusé de Fred Astaire) le malaise intérieur de chacun.

Pour le jeune couple, c'est l'acceptation que tout va s'arrêter alors qu'ils ont la vie devant eux qui se joue, l'aura juvénile et innocente d'Anthony Perkins et Donna Anderson (tous deux formidables) renforçant le sentiment d'injustice. Fred Astaire est lui au croisement de la culpabilité et de l'incompréhension quant à sa contribution au façonnement de l'arme nucléaire et à l'utilisation dramatique qui en a été faite, souligné par cette réplique : Qui a jamais cru que nous pourrions maintenir la paix en organisant notre défense avec des armes que toute utilisation rend suicidaire !. Le plus beau reste cependant la romance entre Gregory Peck et Ava Gardner où lui trouvera une forme de réconfort et elle connaîtra enfin l'amour, trop tard... Leurs hésitations et errances sont magnifiquement montrées par Kramer qui met vraiment en danger ses acteurs.

Gregory Peck n'a sans doute jamais paru aussi vulnérable (la scène à la gare où il est au bord des larmes) et Ava Gardner se déleste de tout son glamour (sa beauté n'étant que plus authentique par cette fragilité affichée) dans ce rôle de femme abîmée par la vie, les traits tirée et la mine anxieuse (les critiques accusant Kramer d'avoir réussi à rendre Ava Garner moche...). Stanley Kramer dans les changements qu'il opère par rapport au livre rend l'ensemble encore plus sombre et pessimiste. Dans le livre il existe d'autres survivants à travers le monde avec lesquels les protagonistes communiquent quant ici ils sont définitivement seuls. Les rares motifs d'espérances sont balayés dans des moments de profondes désolation notamment lors de l'expédition où l'on apercevra un San Francisco réduit à l'état de ville fantôme.

L'enjeu n'est donc pas une survie possible mais l'acceptation que tout va s'arrêter et de savourer aux mieux les derniers instants. Pour les uns ce sera sous la forme d'une ultime poussée d'adrénaline (Fred Astaire et sa course automobile), d'autres n'y parviendront pas et notre couple vivra enfin pleinement sa passion. Là encore Kramer réserve quelques moment de pure flamboyance visuelle entre eux comme ce long baiser où la caméra tourbillonne autour de Peck et Gardner enlacés, où ce sublime final où ils se disent adieux à distance sur la plage.

On pense d'ailleurs que Kramer conclura sur une note moins désespérée que le livre (où le personnage de Gardner se suicide seul avec des pilules lors de ce même moment d'adieu) mais c'est sans compter une chute implacable où l'on retraverse ce Melbourne également désertique à son tour (le thème romantique d'Ernest Gold disparaissant pour une rythmique martiale implacable) . La mort a triomphé.

On pourra trouver le message un peu trop lourdement appuyé (le film sorti simultanément dans dix-huit capitales mondiales pour signifier l'importance de l'évènement), le film sans doute trop long mais l'émotion est authentique et tient dans un équilibre miraculeux avec la beauté des images et la conviction des acteurs. Si parfois ses bonnes intentions ne donnent pars forcément les grands films espérés, cette fois en tout cas Stanley Kramer signe sans doute là son le chef d'œuvre.


Sorti en dvd zone français chez MGM

Extrait

lundi 25 juin 2012

Tarantula - Jack Arnold (1955)


Le professeur Gerald Deemer travaille sur la formule d’un nutriment spécial qui pourrait s’avérer bénéfique pour la population. Mais jusqu'à présent ses expérimentations n’ont pas réellement données de résultats probants. Accidentellement, suite à quelques problèmes survenus dans le labo, ce fameux produit va être injecté dans une tarentule qui va s’échapper et croître jusqu'à atteindre une taille exceptionnelle et ainsi menacer l’Arizona…

Spécialiste du genre, Jack Arnold un de ses tous meilleurs films avec ce Tarantula, belle réussite de la prolifique SF des années 50. L’intrigue est typique de l'époque avec cette peur et remise en cause de l’avancée scientifique forcément néfaste, même dotés de bonnes intentions.

S’il n’est pas tout à fait question de peur du nucléaire ici (même si on devine que c’est l’élément accidentel qui fait basculer la mutation de la tarentule), cette méfiance rejoint les angoisses du moment abordés plus frontalement dans Les Monstres attaquent la ville de Gordon Douglas sorti un an plus tôt et très proche du film d’Arnold (cette fois il sera question de mutations de fourmis géante).

Le crescendo dramatique est assez parfait dans cet art de la série B à doser ses effets, à créer le mystère avant de laisser exploser les morceaux de bravoures. La scène intrigue ainsi grandement avec cet homme défiguré succombant dans le désert avant qu’une intrigue linéaire dévoile peu à peu la créature pour dernier tiers sacrément impressionnant. Si l’on n’a pas encore la dimension philosophique de L'Homme qui rétrécit (le chef d’œuvre de Jack Arnold) réalisé deux ans plus tard, niveau spectaculaire Tarantula n'a absolument rien à lui envier.

Les transparences sont stupéfiantes de perfection encore aujourd'hui (pas d'effets mécanique comme Des monstres attaquent la ville justement mais une vraie araignée filmée et parfaitement agencée au décor) avec une foule d'idée visuelles inventives tel comme ces visions subjectives de la tarentule lors des attaques.

Le parti pris d’Arnold est clairement de jouer sur l’épouvante puisque hormis la créature, les maquillages montrant les effets dévastateurs des expériences ratées sur les humains provoquent le malaise aussi. Le parti pris d’user d’une vraie araignée en dépit du trucage va également dans ce sens, la bête en étant d'autant plus repoussante et effrayante.

Le réalisateur multiplie les choix d’une efficacité redoutable pour accentuer l’effroi avec des plans d'ensemble et des cadrages la faisant surgir de manière toujours plus graphique. Très réussi même si Jack Arnold a fait mieux (notamment L’étrange créature du lac noir déjà traité ici) et pour l’anecdote le film est l’occasion d’une des premières apparitions de Clint Eastwood qu’il faut néanmoins repérer derrière son casque de pilote de chasse mais ce regard ne trompe pas…

Sorti en dvd zone 2 français chez Bach Films


dimanche 24 juin 2012

Vaquero - Ride, Vaquero!, John Farrow (1953)


La guerre de Sécession passée, un ancien colonel sudiste du nom de Cameron (Howard Keel) arrive dans une région frontière au sud du Texas pour y reconstruire sa vie avec sa femme Cordelia (Ava Gardner). Or Cameron choisit une région où une bande de desperados menés par Jose Esqueda (Anthony Quinn) impose sa loi. Esqueda est contre tout progrès et s'oppose aux lois en compagnie de celui avec qui il a été élevé, un fin tireur nommé Rio (Robert Taylor). Entre la détermination de 2 hommes pour faire plier l'autre, Rio est attendrie par le charme de la belle Cordelia et compte bien ne pas en rester là ...

Plutôt spécialiste du film noir, John Farrow signe là une incursion remarquable dans le western (on lui doit aussi l'excellent Hondo n peu plus tard dans le genre) dans une veine romanesque voisine de Duel au soleil. Ride, Vaquero n'égale pas ce glorieux modèle la faute à un scénario à la construction un peu déséquilibrée (des personnages quittent et reviennent dans l'intrigue pendant de longues minutes sans raison) mais le trio d'acteurs et la tournure psychologique de leurs relation rend le tout captivant à suivre. L'histoire dépeint l'affrontement entre les nouveaux propriétaires terriens fraîchement installés à la frontières mexicaines et les bandits locaux voient ces arrivés d'un mauvais œil car l'arrivée de la civilisation et ses lois signifierait aussi la fin de leurs exactions.

Le redoutable chef des desperados José Esqueda (Anthony Quinn) va ainsi s'opposer au plus courageux des propriétaires Cameron (Howard Keel) qui va le défier publiquement après qu'il ait brûlé sa maison. Pourtant derrière ces grands enjeux, d'autres plus intimes se dessinent. Rio (Robert Taylor) frère adoptif et taciturne homme de main de José va tomber amoureux de l'épouse de Cameron Cordelia (Ava Gardner) ce qui va bouleverser l'équilibre des forces en présences et semer le trouble dans les relations liant les protagonistes.

Un des grands atouts du script de Frank Fenton est d'éviter avec brio de rendre ses personnages conventionnels. Le plus prévisible semble être Cameron typique de l'américain courageux prêt à défendre ses terres bec et ongles mais une péripétie inattendue le grandit encore quand il épargnera Rio pour au contraire s'appuyer sur lui pour étendre son domaine et gagner la confiance des autres mexicains de la région. Howard Keel amènent une droiture et un charisme formidable au personnage. Le grand méchant incarné par Anthony Quinn devient un être totalement déséquilibré par l'abandon de son frère, aux réactions incohérentes et uniquement guidées par sa détresse affective. L'acteur apporte une nuance surprenante à une figure de brute épaisse à laquelle il donne une vraie fragilité sans atténuer sa violence.

C'est bien sûr avec la relation entre Robert Taylor et Ava Gardner que ce parti pris s'avère le plus prenant. Tout de noir vêtu, la mine glaciale et totalement détaché de ce qui l'entoure, Taylor campe un être désabusé qui a renoncé à tout. Une attitude ébranlée par l'amour qu'il se découvre pour Ava Gardner et qui va lui faire trahir son frère. Ava Gardner (dans un rôle bien plus intéressant que Lone Star son grand western) est parfaite en enjeu romantique pour lequel tous se déchirent et absolument envoutante lorsqu'on devine peu à peu ses sentiments basculer pour Rio dans deux scènes formidables.

Alors qu'elle a l'occasion de tuer Anthony Quinn, sa volonté vacille en pensant que Rio sera tué. Plus tard face à Rio elle prend conscience de ce qui l'a fait réellement renoncer et lui cède (tout en affirmant le contraire dans le dialogue) et dans ces deux moments Ava Gardner est absolument prodigieuse de culpabilité et d'émotions contradictoires.

Il est dommage que le récit patine un peu après cette montée en puissance et la conclusion est assez maladroitement amenée et expédiée. John Farrow ne retrouve pas la sophistication de ses films noirs dans sa mise en scène ici (malgré quelques beaux morceaux de bravoures tout de même comme cette cavalcade nocturne entre Howard Keel et Robert Taylor) mais néanmoins offre un formidable pic émotionnel lors du duel final entre Robert Taylor et Anthony Quinn. Beau western.

Sorti en dvd zone 2 français chez Warner, copie pas fameuse... Et contrairement à la bande-annonce ci-dessous le film est bien en couleur comme le montre les captures.

vendredi 22 juin 2012

Marchands d'illusions - The Hucksters, Jack Conway (1947)


Publiciste, Victor Norman est chargé de trouver une veuve de guerre pour être le nouveau visage d'un savon de beauté. Il ne tarde pas à tomber amoureux d'elle.

The Hucksters est une audacieuse et surprenante production hollywoodienne par sa thématique remettant en cause les valeurs de réussite et d'argent ancrées dans la culture américaine. Le film adapte le best-seller éponyme de Frederic Wakeman paru l'année précédente et qui malgré son succès reçu un accueil critique mitigé de par la dureté de son propos. Clark Gable lui-même, guère convaincu, demandera une série d'ajustement divers aux trois scénaristes Luther Davis, Edward Choderov et George Wells lorsqu'il décidera de tourner dans l'adaptation signée Jack Conway.

Ces changements également voulus par la MGM concerne notamment le personnage de Deborah Kerr (ici dans son premier film américain) qui de femme adultère dans le livre deviennent une veuve vertueuse mère de deux enfants. Le livre incluait également des protagonistes inspirés de personnalité existantes tel l'agent David Lash (Edward Arnold) relecture du bien réel patron de l'agence MCA Jules Stein et pour s'en éviter les foudres le personnage est largement adouci, son honnêteté étant souligné plusieurs fois dans les dialogues lors du conflit qui l'oppose à Gable (ainsi que des particularités ethniques comme sa religion juive qui auraient fait polémique à l'écran). L'intrigue nous plonge dans le milieu de la publicité, pas si souvent vus au cinéma semble-t-il. Vétéran de guerre de retour aux affaires, Vic Norman (Clark Gable) est bien décidé à réussir et va mettre tous les atouts de son côté pour cela lorsqu'il est engagé dans la prestigieuse agence de Kimberly (Adolphe Manjou). Ses atouts ? Un culot, un charme et un bagout irrésistible qui lui permettent de convaincre les plus récalcitrants des interlocuteurs. Il faudra bien cela lorsqu'il aura affaire au client le plus important de l'agence, le tyrannique magnat de l'industrie du savon Evans (Sydney Greenstreet haut en couleur).

Clark Gable était bien évidemment l'acteur idéal pour un tel rôle de bonimenteur et le début du film le voit donner un grand numéro de séduction. Il faut le voir arriver tout en décontraction et détachement à son entretien d'embauche alors qu'il est aux abois financièrement, dérouler son numéro tout en regard plissé et sourire en coin à la fillette même de Kay Dorrance (Deborah Kerr) pour la convaincre d'apporter sa participation à son produit. C'est la relation avec cette dernière qui révèlera les failles de cette attitude. Norman agira ainsi de manière cavalière avec Kay dont il est réellement amoureux en l'invitant à l'hôtel comme la première conquête venue. Cette désinvolture et volonté de réussite à tout prix le voit se conduire de manière tout aussi odieuse dans son job lorsqu'il soumettra un vieil ami au chantage pour obtenir un de ses clients. Au-delà même du héros, le film multiplie les piques grinçant sur le monde de l'entreprise et le capitalisme.

Les réunions professionnelles ne sont que courbage d'échine au tout puissant patron qu'il ne faut surtout pas contredire. Les différents spots publicitaires sont plus d'une fois tournés en dérision (ainsi que les dramas ridicule y étant parfois associés) et leur aspect envahissant se voit mis en boite de manière cinglante durant la scène ou Ava Gardner éteint la radio de dépit car chaque chansons se voit interrompus par de la réclame. Les êtres les plus avenants peuvent s'avérer douteux tel ce moment anodin mais terrible où Adolphe Manjou révèle les origines de sa fortunes... L'ensemble est fort bien documenté et crédible dans la description du fonctionnement du métier, que ce soit les coups bas divers (la négociation roublarde de Gable pour obtenir une vedette) ou dans l'élaboration d'une réclame et de son script. Cet univers et cette mentalité figurent vraiment un monde à part du commun des mortels illustrés par le triangle amoureux où Gable hésite entre la normalité, la sincérité de Deborah Kerr et la frivolité plus proche de lui d'Ava Gardner, chanteuse évoluant dans les mêmes sphères. Ava Gardner encore starlette montante est fort convaincante malgré son faible temps de présence et aurait accepté le rôle pour Gable qu'elle admirait.

Prenant même peur au dernier moment elle failli abandonner le film avant que Gable ne l'appelle personnellement et la rassure, scellant ainsi leur amitié et leur future complicité dans leur autres films en communs notamment le fameux Mogambo. Deborah Kerr réalise elle un vrai miracle avec un personnage dont les attitudes la rendent constamment faible (cédant à toutes les demandes de Gable, accourant même vers lui malgré son attitude odieuse) et c'est finalement la sincérité constante de Kay qui s'illustre dans les sentiments purs lus dans son regard. Une bien belle prestation. La conclusion morale et quelque peu utopique est vraiment marquante avec une volte-face étonnante de Gable affirmée par une tirade puissante où il avouera enfin tout son mépris pour cette vie. Sans l'égaler, on n’est pas loin de l'insoumission ressentie dans Le Rebelle de King Vidor avec une même ode au libre arbitre plutôt qu'à la réussite à tout prix.

Sorti en dvd zone 2 français chez Warner dans la collection "Les Trésors Warner"

Extrait génial de comité d'entreprise

jeudi 21 juin 2012

Les Jours et les Nuits de China Blue - Crimes of Passion, Ken Russell (1984)

Un jeune père de famille, détective pour arrondir ses fins de mois, est engagé pour surveiller la trop discrète styliste Joanna que son patron soupçonne de vendre ses modèles à la concurrence. Mais la nuit, Joanna devient China Blue, prostituée dans les bas-fonds de LA où, parmi ses clients, elle fascine un prêtre défroqué psychopathe...

Les Jours et les Nuits de China Blue (une fois n'est pas coutume on préférera le fantasmatique titre français au plus quelconque Crime of Passion original) s'ouvre sur une scène de thérapie de groupe qui en résume en tout point la thématique à travers les échanges entendu et la maladroite confession finale de celui qui s'avérera être le héros. Il est ici question des difficultés des rapports hommes/femmes et des traumas qui en résultent pour qui ne sait pas les appréhender : détresse sentimentale et par extension sexuelle. Ces problèmes, Joanna Crain (Kathleen Turner) les as résolus de la plus schizophrène et radicale des manières. Le jour elle est une styliste solitaire et obnubilée par son travail et fuyante avec les hommes, facette traduite par ses tenues très masculine et dénuée de séduction.

La nuit, elle devient China Blue, prostituée des bas-fonds de LA prête à assouvir les fantasmes les plus fous de ses clients. Ce qui semble une audace est en fait une vraie fuite pour le personnage. Déçue par ses expériences avec les hommes et craintive de souffrir à nouveau, elle transpose toute son désir refoulé dans cet alter-ego sulfureux. En miroir des pulsions de ces hommes frustrés, elle peut alors endosser tous les rôles, accepter tous les outrages tant qu'elle a cette certitude : elle garde le contrôle de la situation. Ken Russell créer une dichotomie marquée entre le monde réel terne symbolisé par la vie de famille morne de Bobby (John Laughlin), le quotidien solitaire de Joanna et celui de tous les possibles intervenant la nuit venue.

Ken Russell et son style tout en excès confère donc une imagerie de conte sombre et pervers à cette dépravation. Imagerie tape à l'œil baroque tout en éclairages outrancier, théâtralité de tous les instants (extraordinaire première apparition de China Blue élue reine de beauté) et audace folle dans l'illustration du sexe parcourent ces instants-là. Kathleen Turner est réellement extraordinaire dans ce double rôle. Empruntée et touchante en Joanna, elle électrise à chaque transformation en China Blue. C'est une véritable femme frisson à la sensualité constamment agressive, que ce soit par le festival de dialogue truffé de jeu de mots et de sous-entendus tendancieux, les poses lascives et le dialogue brûlant. Tout cela n'est pourtant qu'une illusion qui va voler en éclat à travers deux rencontres. D'abord par Bobby, homme marié frustré et malheureux qui va la combler et éveiller ses sentiments de manière inattendue. Russell effectue ce mouvement le temps d'une fabuleuse scène d'amour où l'on quitte progressivement la sphère du fantasme pour toucher à l'intimité de Joanna sous le masque de China Blue.

La scène montre donc China Blue mener le jeu avec un déshabillage lent et langoureux, la stylisation et l'abandon se confondent à travers les multiples positions adoptées en ombres chinoises par les partenaires avant de se conclure par le visage de Kathleen Turner arborant un rictus de plaisir. Elle ne joue plus, ce n'est pas China Blue mais bien Joanna qui touche à l'orgasme ainsi. Sans un dialogue trop explicite et par la force de l'image on comprend que tout a basculé pour une vraie histoire d'amour.

L'autre élément révélateur sera le prêtre au désir sexuel coupable joué par Anthony Perkins. La conclusion ira dans ce sens en en faisant un double de Joanna qui déchiré entre ses perversions (nettement plus inquiétantes) et sa foi. Lorsqu'il harcèle China Blue de son inquisition moralisatrice, c'est en fait sa propre culpabilité qu'il nourrit. On y verra bien sûr une réminiscence du message de Les Diables du même Ken Russell à travers cette dimension religieuse bien que ce soit à relativiser puisque dans le script originel le personnage était un marchand de chaussure avant de devenir un prêtre à la demande d'un Perkins fiévreux et dérangé.

A travers ces deux figures masculines figurent aussi les choix possible de Joanna. S'autodétruire dans une double identité qu'elle n'assume plus ou accepter de fusionner ses sentiments et son désir en s'attachant à Bobby. Ken Russell tenait encore une grande forme dans les 80's et le film malgré les dérapages divers et les fautes de gouts 80's est impressionnant de maîtrise.

Son gout pour la provocation est toujours là (la scène SM avec le policier tout en zoom agressifs et inserts tordus) mais il peut également faire preuve d'une étonnante sensibilité comme lors de ce beau moment où China Blue doit réveiller la libido d'un vieil homme mourant.

Sorti en dvd zone 2 français chez Sidonis

mercredi 20 juin 2012

Ma cousine Rachel - My cousin Rachel, Henry Koster (1952)

Lorsque son riche cousin Ambrose meurt dans des circonstances mystérieuses, Philip Ashley soupçonne sa nouvelle épouse, Rachel, de l'avoir empoisonné pour toucher sa fortune. Or le mobile du meurtre ne semble pas valable puisque c'est Philip qui hérite de son cousin. Philip, soupçonneux, cherche quand même à la démasquer mais lors de leur première rencontre il tombe immédiatement sous le charme de la veuve...

Henry Koster signe avec My Cousin Rachel l'adaptation d'un des plus fameux roman de la grande Daphné Du Maurier. On peut aisément situer le livre dans la tendance gothique et psychologique d'autres de ses ouvrages célèbres comme Rebecca ou encore L'Auberge de la Jamaïque. My cousin Rachel se démarque pourtant quelque peu malgré des atmosphères très proches. Dans Rebecca comme dans L'Auberge de la Jamaïque, Du Maurier optait pour des points de vue féminin dans ces récits, et plus précisément des jeunes femmes innocentes dont l'arrivée dans un monde inconnu et peuplés de noirs secrets sous-entendait également une découverte de leur sexualité.

Ma Cousine Rachel s'avérait fascinant par la capacité de Daphné Du Maurier à revisiter ses éléments par une narration à la première personne d'un héros masculin tout autant victime d'un éveil des sens nouveau. Le danger ne viendrait plus des mystères enfouit dans un lieu, mais chez l'autre à savoir la figure fascinante de cette cousine Rachel si ambigüe et insaisissable. La tonalité gothique et l'influence du cadre laissait donc place à une pure tension psychologique teintée d'amours contrariés, de calcul et de paranoïa. Autant d'élément à côté desquels passent en grande partie cette adaptation pourtant quasi littérale du livre.

Un des éléments fondamentaux du livre, c'est la méconnaissance totale des femmes de Philip (Richard Burton) élevé dans un univers masculin par son cousin Ambrose et totalement à la merci d'une séduction féminine sournoise. Dans le film, Richard Burton tente de rendre cela par son jeu nerveux et ses moues qui l’associent à un petit garçon capricieux face à l'expérience de Rachel (Olivia De Havilland). Malheureusement le script ne souligne pas assez cet aspect et si l’on n’a pas lu le livre on pense surtout à un coup de foudre plus commun. Olivia De Havilland par sa mine bienveillante ne révélant son ambition que subrepticement au détour d'un regard est formidable de dualité et forme un couple captivant avec Burton, le feu et la glace. Malheureusement la mise en scène d'une rare platitude de Koster atténue progressivement l'intérêt.

Comme déjà dit, appuyer sur l'atmosphère gothique n'était pas primordial mais pourquoi pas (le Jane Eyre de Stevenson qui renforçait cette touche y gagnait grandement) sauf que là hormis quelques joli cadrages et idées visuelle intéressantes (le fondu enchaîné de Rachel et Philip malade et cloué au lit avec la mer illustrant son emprise sur lui) la comparaison avec l'autrement plus immersif Rebecca d'Hitchcock est cruelle. La psychologie est tout aussi décevante puisque la relative linéarité du récit était transcendée par le doute et la paranoïa constante amenée par le dialogue intérieur de Philip rongé par ses émotions contradictoires dans le livre.

Il y a bien une voix-off très présente ici mais il est impossible de reproduire tel quel les sensations du livre. Du coup il aurait sans doute mieux valu malmener un peu plus la structure du livre (à la Hitchcock toujours qui dynamitait l'intrigue de L'Auberge de la Jamaïque plus palpitante à l'écran que sur papier pour le coup) pour dynamiser la narration alors que là la fidélité à la virgule rend le tout attendu et prévisible sans les apports que l'écrit pouvait ajouter.

Plusieurs scènes tombent totalement à plat, que ce soit par un surlignage inutile (le portrait d'Ambrose derrière Philip lors de la première entrevue avec Rachel), la dimension sexuelle totalement ratée (aucun sentiment de montée en puissance du désir pendant tout ce qui précédera le premier baiser qui tombe comme un cheveux sur la soupe) et les grands élans dramatiques sont plombés par le manque de talent de Koster en particulier le final si marquant sur papier et quelconque ici. Seule l'introduction est plutôt réussie avec ce long mystère planant autour de Rachel avant sa première apparition où Olivia de Havilland est assez fascinante tout de noir vêtue. Avis un peu sévère, ça se laisse néanmoins regarder mais on ne peut qu'être déçu du résultat avec pareil matière. Une nouvelle adaptation serait la bienvenue.

Sorti en dvd zone 1 chez Fox dans leur collection Twilight Time et dénué de sous-titres anglais comme français.

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