Les nouvelles aventures de la brigade de 21 Jump Street, un groupe de
jeunes policiers pouvant aisément se faire passer pour des adolescents
et ainsi infiltrer les réseaux des trafiquants de drogue qui sévissent
dans les milieux universitaires californiens.
C’est un programme des années 80 qu’on réactive, en ce moment on ressuscite les vieilles merdes. C’est sur une réplique de ce type que le boss bourru incarné par Ice
Cube décrit à nos héros leur future mission alors qu’il s’apprête à les
enrôler : une manière de rappeler la parenté du film tout en la balayant
d’un revers de la main. Pour les plus jeunes,
21 Jump Street est
une série culte de la fin des années 80 dont l’argument plutôt original
consistait à infiltrer de jeunes policiers dans des lycées pour
démanteler certains réseaux criminels. On en retient surtout aujourd’hui
le fait qu’elle révéla Johnny Depp (qui fait une savoureuse et
inattendue apparition dans le film) mais elle marqua les adolescents de
l’époque par les thèmes plutôt sombres abordés (drogues, alcoolisme,
mal-être adolescent…).
Ayant forcément vieilli, la série souffre
aujourd’hui du même malentendu que
Miami Vice ou
Starsky et Hutch,
synonymes dans la mémoire des téléspectateurs du kitsch 80’s et 70’s,
quand bien même ces dernières était plus intéressantes que leur
esthétique marquée (surtout
Miami Vice, chef d’œuvre télévisuel
et laboratoire de Michael Mann producteur pour ses films à venir). Le
traitement de cette transposition de
21 Jump Street se situe justement entre les approches des adaptations de Michael Mann et Todd Philips.
Starsky et Hutch
n’avait gardé de son modèle que l’ambiance seventies et la complicité
de son duo pour un traitement très potache. Les fans hurlèrent mais le
film était réellement drôle et réussi.
Miami Vice évacuait,
lui, tout le fatras visuel de la série pour une approche plus moderne
mais où le script mêlait différentes intrigues d’épisodes et en
respectait le ton sombre et désespéré.
21 Jump Street le film ne garde que le motif de la série (des
flics de retour au lycée) pour en faire une comédie policière sans
tomber dans la parodie. Les adaptations de série en roue libre ont pu
donner des résultats jouissifs (les survoltés
Charlie’s Angels qui surclasse la série) comme catastrophique (
Wild Wild West, de sinistre mémoire) ; il est donc inutile de faire un procès d’intention sur l’approche choisie. On a ici un pur
teen movie dont le ton rappelle le méconnu
College Attitude
(1999), où une Drew Barrymore adulte et journaliste retournait au lycée
pour un reportage et revivait une adolescence bien plus positive que
celle, difficile, qu’elle avait connue à l’époque. Il en va de même pour
Richard Jenko (Channing Tatum), sportif écervelé au lycée et Morton
Schmidt (Jonah Hill), ex souffre-douleur qui retournent sur les lieux de
leurs anciennes peines pour démanteler un réseau de dealer.
Le script a
l’idée brillante de les forcer à s’infiltrer dans des communautés
différentes de leurs vraies années lycée. L’ancien « intello » Jonah
Hill intègre ainsi les groupes les plus populaires tandis que l’ex «
cool » Channing Tatum rejoint les nerds scientifiques amateurs de chimie
pour une résolution progressive de leurs handicaps originels. Le
connaisseur de
teen movie savourera la manière dont les forces
en présence du lycée se trouvent redistribuées, les exclus d’antan
(geek, hippie, gay…) sont désormais les modèles à suivre tandis que les
footballeurs et autres pom pom girls sont invisibles ou moqués. Les
anciens clichés si brillamment dessinés dans le classique
Breakfast Club ou le plus récent et excellent
Lolita Malgré moi n’ont plus cours, et la réflexion aurait même pu être poussée plus loin
en détaillant ces communautés (comme les hipsters) ou les nouveaux codes
de cette génération élevée à Facebook, Twitter et Youtube.
L’intrigue policière est bien menée mais secondaire : c’est donc bien
cette facette qui captive grâce au complémentaire duo. Jonah Hill (qui
jouait les vrais ados il n’y a pas si longtemps encore dans
Supergrave)
est formidable de naturel dans le jeu émerveillé de cette seconde
chance, et Channing Tatum, faux gros bêta, dévoile une fragilité
étonnante. La série originelle ressurgit par quelques clins d’œil
(Channing Tatum porte le nom d’un attachant personnage secondaire de la
série, une télé diffuse la série lors du gunfight final et hormis Johnny
Depp, Holly Robinson fait un caméo en Judy Hoffs) mais n’est finalement
qu’un prétexte pour un formidable
teen movie.
Une réussite qui
ne doit rien au hasard puisque le duo de réalisateurs Phil Lord et
Chris Miller est l’auteur d’un des films d’animations les plus fous vus
ces dernières années,
Tempête de boulettes géantes, dont on retrouve de nombreux thèmes ici comme l’affirmation de soi et l’héroïsme avec le même humour ravageur.
Sorti en dvd zone 2 chez Sony