Avec son équipage, le
capitaine Nolan et ses acolytes Annie, Paul et Novak pêchent un requin. Il
revend les animaux qu'il capture à des aquariums. Un jour, il rencontre Rachel,
un professeur d'université qui voue une passion aux épaulards. Nolan se met
alors en tête d'attraper un de ces animaux, en espérant en tirer un profit plus
important. Lors de sa tentative de capture, il blesse mortellement une femelle
épaulard sur le point de mettre bas. Dès lors, le mâle, furieux, prend en
chasse le bateau du capitaine et dévore Novak. Il poursuivra Nolan jusqu'à ce
qu'il obtienne sa vengeance.
Après avoir laborieusement ressuscité King Kong le temps d’un piteux remake en 1976, le producteur Dino
de Laurentiis décide de surfer sur le succès des Dents de la Mer (1975) en produisant Orca. Voyant les recettes spectaculaires du film de Steven Spielberg, De Laurentiis
contacte son scénariste Luciano Vincenzoni en le chargeant d’écrire une
histoire mettant en scène un cétacé encore plus intimidant que le requin blanc
de Jaws. Vincenzoni après
renseignement auprès de son frère passionné de zoologie va donc se rabattre sur
l’épaulard pour son script (adapté du roman éponyme de Arthur Herzog même si étrangement pas crédité
dans le film).
Les Dents de la mer
était avant tout un pur film de terreur qui prenait une dimension plus épurée
et mythologique dans sa dernière partie. Cette facette mythologique imprègne à
l’inverse totalement Orca, notamment
dans la description de l’épaulard. Michael Anderson passe par l’imagerie
rêveuse dans la scène d’ouverture pour dépeindre l’harmonie et la communion des
épaulards, un coucher de soleil irréel accompagnant leurs sauts tandis que
leurs impressionnantes silhouettes se fond en surimpression dans le paysage maritime.
Des scènes plus réalistes et documentaires accompagneront ensuite leurs
pérégrinations, la caution scientifique du personnage de Charlotte Rampling
développant les caractéristiques spécifiques - sans doute extrapolées à des
fins spectaculaire – du mammifère qui serviront l’intrigue :
intelligence supérieure se rapprochant de l’homme, instinct familial et
monogamie… Ces qualités deviendront de terribles armes contre le capitaine
Nolan (Richard Harris), pêcheur cupide et désinvolte qui va décimer une famille
d’épaulards en tentant d’en capturer un. Le lyrisme des scènes mettant en
scènes les animaux constitue une dichotomie volontaire avec la légèreté des
passages sur terre laissant voir le détachement mais aussi la profonde
ignorance de Nolan sur ce monde sous-marin qui n’est rien de plus qu’un gagne-pain.
La compréhension de ce lien ancestral entre terre et mer,
l’équilibre du partage de ces eaux entre les hommes et les mastodontes, tout
cela va constituer le parcours initiatique de Nolan. Le scénario inverse
habilement le postulat de Moby Dick,
l’épaulard étant en quête de vengeance et harcelant sur terre celui qui a tué
sa famille. L’anthropomorphisme parfois appuyé (les gros plans sur le regard
hargneux de l’épaulard qui s’imprègne de façon indélébile du visage de Nolan
pour sa vengeance) s’inscrit constamment dans cette dimension mystique et
mythologique qui fait tout passer.
Les assauts redoutablement calculés de
l’épaulard sont l’occasion de séquences particulièrement impressionnante et
sans égaler la tension extrême d’un Jaws,
Orca se montre nettement plus
spectaculaire : ponton de port détruit, maison sur pilotis ensevelie,
bateaux coulés et cela sans compter le haletant final dans un champ d’iceberg.
Les effets spéciaux sont remarquable, le montage joue habilement des scènes tournées
en bassin (Marine World de Redwood City en Californie précisément), en pleine
mer (le tournage se partageant entre Malte la province de Terre-Neuve-et-Labrador,
au Canada) tandis que les répliques d’épaulards sont si réussies qu’elles
provoquèrent des échauffourées avec des défenseurs d’animaux pensant qu’ils
étaient réels.
La grandiloquence et mélancolie du score d’Ennio Morricone
complète la nature mystique de ce duel dont Nolan cherche en vain à se défiler.
L’épaulard l’aliène minutieusement de son entourage et environnement pour ne
plus lui laisser d’autre choix que de venir relever le défi lancé en mer. Le
récit façonne un mimétisme habile entre le chasseur et la proie, y compris dans
les fêlures familiale qui amènent Nolan à comprendre son adversaire dans ses
instincts primaires comme sa haine. Richard Harris est remarquable, tout comme
Charlotte Rampling amenant une vraie consistance (et la distance scientifique
et mythologique façon Moby Dick
justement par sa voix-off) à son personnage.
La terre et la mer n’existe plus
dans la dernière partie, la brume, le froid et le champ d’iceberg façonnant un
espace épuré et abstrait théâtre de l’ultime affrontement. Le jeu de massacre
réduit le champ au deux seuls adversaires, Michael Anderson multipliant les
idées formelles les plus folles pour s’éloigner du réel et signer de vrais
tableaux mythologiques. Une belle réussite froidement accueillie à sa sortie
(pour cause d’une ressemblance exagérée avec Jaws dont il s’éloigne pourtant
pas mal) mais qui au fil des ans et des rediffusions tv gagnera une aura culte
méritée.
Sorti en dvd zone 2 français chez Studiocanal