Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram
Un écrivain à succès, directeur d'une revue littéraire et dont le mariage est miné par les petits mensonges, rencontre une hôtesse de l’air. Ils ont une liaison à Lisbonne qui perdure par la suite.
La Peau Douce est avec le bien plus tardif La Femme d'à côté le grand film de Truffaut sur l'adultère. Malgré cette base commune les deux films sont antinomiques dans leurs traitement comme dans leur influence. Film fiévreux et tumultueux sur l'amour passion La femme d'à côté est une des oeuvres les plus célébrée de Truffaut qui engendrera foule de descendant plus (le beau Les Sentiments de Noémie Lvosky en 2003) ou moins (le catastrophique Les Regrets de Cédric Kahn vrai film clone raté) convaincants. La Peau Douce n'aura pas le même impact et sera un échec public cuisant à sa sortie après un accueil glacial à Cannes.
Les raisons se trouvent dans l'approche de Truffaut, cinéaste du romanesque littéraire qui dépeint là l'adultère dans sa trivialité quotidienne la plus sordide. Cet aspect se manifeste d'emblée dans le héros incarné par Jean Desailly, intellectuel bourgeois un peu falot embarqué dans une histoire qu'il s'avère incapable d'assumer. Faisant constamment tout les mauvais choix par manque de courage ou témérité déplacée, il snobera lamentablement Françoise Dorléac lors d'une longue et triste séquence de voyage à Reims puis ne saura ménager la sensibilité de sa femme une fois son écart découvert avec cet instant presque comique où il accepte sans ménagement la séparation qu'elle lui propose par dépit. Les rencontres des deux amants se font ainsi furtives, coupables et dans la crainte du regard d'autrui au point d'émousser toute passion lorsqu'un amour au grand jour sera enfin possible.
La facette charnelle du film est dont finalement à chercher à travers ses deux héroïnes, la femme et la maîtresse. Françoise Dorléac trouve peut être là son meilleur rôle, Truffaut réfrénant ses ardeurs et son jeu pour jouer sur sa présence sensuelle, son élégance et le mystère qu'elle dégage pour Jean Desailly dans la première partie, renforçant ainsi l'extériorisation de ses émotions dans la seconde comme la très belle scène où elle font en larmes à Reims suite au comportement de Lachenay. A l'inverse Nelly Benedetti en épouse légitime affirme un charme beaucoup plus agressif et un bouillonnement bien plus manifeste qui crée d'ailleurs un déséquilibre inhabituel dans le film d'adultère puisqu'aucune des deux n'est désavantagée dans le triangle amoureux et rend plus fort le dilemme du mari. Malheureusement la conclusion passionnelle jure un peu avec le côté volontairement terne et retenu de l'ensemble du film (et pour le coup annonce La Femme d'à côté) et ne fonctionne pas complètement.
C'est également un des films les plus plastiquement réussi de Truffaut, notamment dans toute les scènes d'amours. Le jeu de regard fuyant dans l'ascenseur entre Desailly et Dorléac est très réussi, et surtout surtout les mouvements de caméra caressant, le jeu d'ombre et la gestuelle des acteurs lors de la première nuit où on sent l'influence du mentor Hitchcock sur Truffaut. Superbe moment également lorsque Jean Desailly caresse langoureusement les jambes de Françoise Dorléac endormie puis lui enlève ses bas, la délicatesse se mêle à la sensualité la plus prononcée porté par une musique envoûtante de George Delerue. Volontairement glacial et peu attrayant, un très beau film qui dissimule sous sa froideur une vraie force dans l'expression de ses amours quelconques.
Satan (Jules Berry) délègue, sous l'apparence de ménestrels, deux de ses suppôts, Dominique (Arletty) et Gilles (Alain Cuny), pour semer malheur et destruction sur Terre en l'an de grâce 1485. Alors que Dominique réussit sa mission en soumettant à son emprise séductrice le baron Hugues (Fernand Ledoux) et Renaud (Marcel Herrand), le fiancé de sa fille Anne (Marie Déa), Gilles faillit à sa tâche en succombant amoureusement devant la pureté d'Anne à laquelle il ne devait apporter que tourments. Leur amour déchaîne le courroux de Satan qui intervient en personne pour achever son œuvre de désolation comme il l'entend.
Les Visiteurs du soir est un projet de longue haleine qui trouve son origine dans diverses œuvres avortées de ses principaux instigateurs. Marcel Carné avait signé à regret un contrat avec la Continentale (fameuse société de production chapeautée par les Allemands durant l’Occupation) dont il réussit à se défaire lorsque son patron Greven refusa d’engager Jean Cocteau comme scénariste. La production en cours, Les Evadés de l’an 4000, aurait dû lui permettre de faire une première incursion dans le fantastique. Sa tentative de film d’époque (déjà avec Alain Cuny dans le rôle principal), Juliette et la clé des songes, tourne court également faute de financement. Il décide alors de renouer avec son partenaire privilégié, Jacques Prévert, avec lequel il rencontra le succès avant-guerre avec Quai des brumes ou Drôle de drame. Ce dernier, réfugié en zone libre, rencontre les même difficultés pour mener à bien ses projets. Ainsi une adaptation du Chat botté (d’après le conte de Perrault) dont la préparation était très avancée se voit également annulée. Les deux partenaires décident de réunir dans leur nouveau film plusieurs éléments émanant de ces différentes déconvenues.
Le contexte d’époque (afin d’éviter toute allusion contemporaine et risque de censure), la tonalité de conte et bien sûr le surnaturel seront donc les principales composantes de départ des Visiteurs du soir, scénario original cette fois. Ces options destinées à une production luxueuse rendent le tournage particulièrement compliqué dans une France sous pénurie et sans le soutien d’une grosse société comme la Continentale. La séquence de banquet du film voit ainsi les mets régulièrement dévorés par les figurants affamés, la production devant arroser les aliments d’un produit toxique pour les maintenir intacts (les acteurs étant bien sûr prévenus !). Si les maquettes déjà réalisées pour Le Chat botté accélèrent grandement la production, il en est tout autrement pour les costumes dont Carné peine à dissimuler la nature sommaire à l’image. L’amitié d’Arletty avec Josée Laval, fille de Pierre Laval (second du régime de Vichy et chef de la Zone libre) aida grandement pour que la circulation des techniciens juifs lors des nombreux allers-retours (le tournage se partageait entre extérieurs dans le sud et tournage en studio à Paris) se déroulent pour un temps sans risques d’arrestation. Comme on peut le voir, l’adversité était de mise tout au long de la conception, la réussite du film n’en étant que plus éclatante.
Les Visiteurs du soir s’inscrit dans cette nouvelle école du cinéma fantastique instaurée en France, le fantastique poétique. Laissant de côté l’épouvante pure du gothique américain ou les visions dantesques de l’expressionnisme allemand, c’est dans le merveilleux, le romantisme et une inspiration issue des contes et légendes françaises qu’il trouve sa source. A la même période des films pétris des mêmes caractéristiques font leur apparition comme Sylvie et le fantôme de Claude Autant-Lara en 1945, L’Eternel Retour de Jean Delannoy en 1943 (transposition moderne de Tristan et Iseult) scénarisé par Jean Cocteau, qui délivrera lui-même les deux classiques que sont La Belle et la Bête et Orphée. Les Visiteurs du soir, sorti en 1942 se pose donc en jalon d’un genre qui s’éteindra au milieu des années 50.
La pureté et l’innocence des sentiments expriment parfaitement le côté romantique exacerbé et sans cynisme de ce cinéma. La première rencontre entre Anne et Gilles est ainsi typique de l’ode à l’amour absolu que célèbre le film. Entourée d’un fiancé cynique et de convives paillards à son banquet de fiançailles, elle est subitement bouleversée par la beauté du chant de Gilles, ménestrel venu distraire l’assemblée. Par un champ/contre champ intense entre les deux, soudainement plus rien n’existe. Le temps s’arrête, les invités bruyants alentour se font inaudibles pour ne plus capter que le jeu de regards et la douce voix de Gilles. Tout au long du film, chacun des échanges entre les deux héros sera traversé par cette candeur, cette expression d’amour pur déclamée par la poésie des mots de Jacques Prévert. Les cyniques y verront un charme désuet, les autres de la sincérité.
Le phrasé lent et chevrotant atypique d'Alain Cuny, associé aux élans passionnés et à la figure virginale de Marie Déa offrent sans doute un des couples les plus flamboyants du cinéma français. Cette tonalité est d’ailleurs contrebalancée par le fascinant personnage de Dominique, incarné par une Arletty en total contre emploi. La gouailleuse parisienne célébrée dans Hôtel du Nord devient ici une figure mutique, androgyne et mystérieuse. Véritablement investie de sa fonction de suppôt de Satan, elle exprime à l’inverse du couple Gilles/Anne tous les aspects néfastes de l’amour et de la passion. Manipulatrice lorsqu’elle se joue de la solitude du Baron Hugues (formidable Fernand Ledoux) ou qu’elle titille la jalousie et les penchants violents de Marcel Herrand, elle n’est source que de rancœur et de conflits. C’est également elle qui révèle les penchants plus sombres de Gilles, au travers d’un dialogue tendu laissant à supposer qu’un crime passionnel du temps où ils formaient un couple est la source de leur soumission au Diable.
Cette dualité entre le bien et le mal s’exprime dans une des plus belles séquences du film. Durant le bal, Gilles et Dominique observent au loin leur proie dansant. Dominique empoigne soudain son instrument dont les notes transforment l’atmosphère des lieux, les danseurs ralentissent jusqu’à l’arrêt total, les fêtards se figent progressivement dans le silence… Quant à Dominique/Arletty, présentée au départ comme un homme, elle se pare de ses plus beaux atours féminins pour emmener et séduire Marcel Herrand. Gilles va faire de même en détachant Anne de ce décor statufié. Se déroulant en parallèle, les deux phases de séduction sont antinomiques. D’un côté, Gilles qui malgré sa mission néfaste tombe réellement sous le charme d'Anne et échange avec elle des pensées profondes en déambulant dans ce décor de statues humaines. De l’autre, on trouve Dominique et Renaud, allongés dans le jardin. Arletty malicieuse et manipulatrice laisse Renaud s’exprimer tout en flattant ses bas instincts, avide qu'il est de possessions et de pouvoir. Une séquence amorcée de la même manière débouche sur deux moments à la tonalité et aux enjeux totalement différents. L’amour des héros s’affirme, alors que parallèlement les sombres desseins du Diable se dessinent.
Une des constantes de l’œuvre de Carné à cette époque, c’est l’oppression d’un monde extérieur faisant obstacle pour diverses raisons à l’amour de ses protagonistes. Le couple suicidaire de Hôtel du Nord, Jean Gabin et Michelle Morgan dans Quai des Brumes, Gabin/Arletty dans Le Jour se lève ou plus tard Arletty/Jean-Louis Barrault dans Les Enfants du Paradis, tous sont autant de couples brisés par les lois et contraintes cruelles d’une réalité néfaste. Les Visiteurs du soir s’inscrit évidemment dans cette veine. Les moments les plus heureux du couple sont ceux où il s’isole, que ce soit par l’usage du surnaturel dans la séquence précitée, en pleine nature à l’occasion d’une partie de chasse, ou dans un onirisme entre rêve et réalité évoquant Peter Ibbetson de Henry Hathaway. Des instants de bonheur précieux régulièrement brisés par l’irruption d’un réel, voire d’un irréel malfaisant, ici incarné par un Jules Berry cabot, théâtral et terrifiant en figure du Diable. Il est d’ailleurs étonnant de constater à quel point Berry semblait être l’incarnation du mal briseur de rêves à cette époque, si l'on repense à des rôles proches (le fantastique en moins) dans Le Jour se lève ou Le Crime de Monsieur Lange de Jean Renoir. Il offre ici un très un grand numéro, qui culmine lors de cette scène où il glace l’assemblée en anticipant par le dialogue (et une ellipse astucieuse permettant d’éviter la censure) la découverte de Gilles et Anne dans la chambre de cette dernière.
A nouveau, l’aspect le plus vibrant de la passion entre Gilles et Anne trouve son pendant négatif par l’intermédiaire d’Arletty. Les moments où elle s’isole avec des personnages masculins sont soit teintés d’ambiguïté avec Fernand Ledoux (dont une scène en extérieur à la photo somptueuse de Roger Hubert) soit franchement sombres lorsque le brutal Marcel Herrand est en place. L’isolement est alors une manière de mieux envoûter sa victime, de déformer sa vision de la réalité afin de l’amener à céder à ses plus mauvais penchants. Le départ final de Dominique avec le Comte et son attitude relativement bienveillante laissent finalement le mystère entier sur ses motivations, grâce au jeu énigmatique d'Arletty.
La dernière partie voit ce tourbillon de sentiments s’élever à des hauteurs insoupçonnées. L’union entre Gilles et Anne s’orne d’une aura sacrificielle lorsque cette dernière cède son âme au Diable pour le salut de son aimé, qui ne gardera pourtant plus aucun souvenir d’elle. La force poétique de Prévert et la maîtrise de Carné s’expriment magnifiquement ensuite par la répétition de la scène romantique de la partie de chasse sous un jour plus mélancolique, Gilles répétant les même paroles à Anne sans en saisir le sens puisqu’il ne se souvient plus d’elle. Carné parvient ainsi à donner un équivalent visuel et narratif à l’allitération ou la rime, ces motifs poétiques consistant à appuyer la teneur dramatique ou la puissance des mots par la répétition. C'est cette quintessence du verbe et de la foi qui anime celui qui le prononce, qui redonne la mémoire à Gilles, rendant invincible son union avec Anne. Victime d’un ultime maléfice par le Diable les transformant en pierre, ils trouveront finalement leur refuge dans cette prison éternelle. Les interprétations furent diverses sur la nature de cette conclusion.
Durant cette période chargée politiquement, le cœur battant des deux amants sous la pierre représentait la France toujours vibrante sous le joug allemand symbolisé par le Diable. Carné et Prévert se sont toujours défendus de cette analogie, bien que Prévert ait déjà usé d’une telle métaphore dans son poème La Crosse en l’air de 1936 pour la résistance au régime franquiste. Pour nous, les silhouettes de pierre figées et unies à jamais de Gilles et Anne symboliseront toujours l’expression de la dévotion et de l’amour le plus pur et sincère.
Sorti dans une très belle édition dvd chez SND/M6 et pour les parisiens le film ressort en salle cette semaine !
Une jeune américaine, Ann Lake, vient d'emménager à Londres avec sa fille Felicia Lake, surnommée Bunny Lake. Son frère, Stephen Lake qui habite déjà sur place, l'aide à s'installer. Lorsqu'elle vient chercher sa fille à l'école, Ann Lake ne retrouve pas Bunny. Stephen arrive pour résoudre le problème et à eux deux ils cherchent dans les tous les recoins de l'école, en vain. La police est rapidement contactée, avec à leur tête le Lieutenant Newhouse. Ce dernier, voyant les recherches ne pas aboutir, remet en cause l'existence même de Bunny Lake.
Après une série de productions prestigieuses à grands sujets et casting haut de gamme (Exodus, Tempête à Washington, Le Cardinal, Première Victoire...) Preminger exilé en Angleterre pour l'occasion revenait au thriller psychologique pur et dur avec cet brillant Bunny Lake is missing.
Le postulat est simple, Ann Lake (Carol Linley) fraîchement installée à Londres dépose sa petite fille pour son premier jour d'école le jour de son emménagement mais, revenu la chercher quelques heures plus tard elle s'avère introuvable. Le récit part ainsi dans une direction mystérieuse tant la disparition semble inexplicable puisque personne ne semble avoir vu la fillette et qu'aucun accès possible à l'extérieur n'aurait été possible sans que sa présence s'avère manifeste. Preminger déplace le cadre du roman de Evelyn Piper de New York à Londres où il use largement de lieux existants pour fixer l'ancrage urbain de l'histoire. Dans une escalade cauchemardesque nous emmenant de la pleine journée à la nuit la plus inquiétante, la ville passe donc des coins pavillonnaire ensoleillée aux arcanes les plus sombres. Ce basculement se fait avec celui de la tonalité du film elle même puisque soudain les faits troublants remettent en cause l'existence même de Bunny et la santé mentale de Ann.
Ce changement se sera fait progressivement par la rencontre de figure de plus en plus étranges. Une maîtresse d'école retraitée isolée et guettée par la folie, un voisin au ton doucereux mais à la perversité réelle tandis que les lieux traversés donnent dans le gothique baroque le plus prononcé comme ce magasin de poupée, cet hôpital au corridor tortueux et au sous sol menaçant. Le générique avec ses découpages enfantins aura donné le ton de ce qui s'avère une plongée dans les terreurs de l'enfance, faîtes de rencontres étranges et de lieux oppressants. Carol Linley (qui aura tourné précédemment Le Cardinal avec Preminger) offre une stupéfiante interprétation parfaitement sur la corde raide entre lucidité et schizophrénie.
Laurence Olivier, seul personnage réellement la tête sur les épaules apporte un soupçon de lumière face à cet univers qui annonce les pires cauchemars orchestré par un Polanski, tout en bénéficiant dans ses audaces du travail de Hitchcock dans Psychose. Keir Dullea futur héros de 2001 est entouré de la même aura trouble sous des airs proprets. Preminger nous balade au fil de la santé mentale vacillante de Ann en plein doute, les gros plans saisissants de visages, les basculement d'échelles en plongée ou contre plongée laissant figurer un refuge dans l'enfance.
N'ayant jamais craint d'aborder des sujets sulfureux, Preminger fait fort ici en faisant planer les spectres de l'inceste, l'infanticide et la pédophilie. La dernière partie est un sacré tour de force où un rebondissement inattendu nous emmènent vers un suspense diabolique où les peurs enfantines, la tonalité de conte offrent des situations dérangeantes et déstabilisante.
Le ridicule n'est pas loin tant l'audace de Preminger est grande mais c'est la fascination qui domine grâce à sa mise en scène inspirée où il retrouve les accents les plus onirique de ses films noirs (la photo noir et blanc tout en ombres lourdes de menaces et de présence innommable, le tour de balançoire final assez incroyable) et l'interprétation fabuleuse. Etonnant que le film soit si oublié aujourd'hui, le suspense est au moins aussi anxiogène que Psychose et alors le méchant n'a pas grand chose à envier à un Norman Bates dans l'esprit dérangé. A noter pour les amateur de pop anglaise 60's une apparitions des Zombies (carrément crédités au générique) dont les paroles font directement échos à l'intrigue à divers moments.
Sorti en dvd zone 1 doté de sous titres français et pour les anglophones le zone 2 anglais est bien moins cher et doté de sous titres anglais.
Treize siècles avant notre ère, en Égypte. Sinouhé, enfant abandonné, est élevé par un médecin qui lui transmet sa vocation et sa science. Devenu adulte, il s'installe à Thèbes et met ses compétences médicales au service des plus pauvres. Un jour, dans le désert, Sinouhé et son ami, l'ambitieux Horemheb, sauvent des griffes d'un lion un inconnu en prière. Cet homme n'est autre que le pharaon Akhénaton. En signe de gratitude, il nomme Horemheb officier de la garde et Sinouhé médecin du Palais. Pour fêter cet heureux événement, les deux hommes se rendent dans une maison de plaisir tenue par la belle et mystérieuse Néfer. Sinouhé succombe au charme de la courtisane. Mais derrière la plastique parfaite de la jeune femme, se cache une âme cupide, dénuée de tout sentiment humain.
Peu reconnaissante pour tous les services rendus et les nombreux succès qu'il lui apporta, la Warner suite à plusieurs onéreux échecs commerciaux ne renouvela pas le contrat de son réalisateur emblématique Michael Curtiz en 1953. Celui ci passa donc une partie de la dernière partie de sa carrière a distiller son savoir-faire dans divers studios dont la Fox où il réalise cet impressionnant Égyptien en 1954. On peut s'étonner de voir le modeste Edmund Purdom (qui entre Le Fils Prodigue de Richard Thorpe l'année suivante et diverses productions italiennes peu glorieuses le succès envolé allait devenir un vrai spécialiste du péplum) dans le rôle titre alors que le casting prestigieux relègue Gene Tierney, Jean Simmons, Peter Ustinov ou encore Victore Mature a de seconds rôles.
Le rôle était à l'origine prévu pour Marlon Brando qui désapprouvant le scénario (adapté d'un roman de Mika Waltari) fit faux bond à la production à la dernière minute. Farley Granger fut contacté pour le remplacer mais déclina l'offre qui échoua donc au quasi inconnu Edmund Purdom. Loin d'avoir le charisme et la présence des autres interprètes envisagés, il en fait finalement une force en enlevant toute envergure à ce personnage faisant constamment tout les mauvais chois et se laissant manipuler.
L'histoire dépeint donc le parcours initiatique de Sinouhé (Edmund Bloom) que nous découvrons vieux et solitaire dans une demeure isolée au milieu de nulle part alors qu'il décide d'écrire ses mémoires. On découvre dans un premier temps la lente ascension de cet enfant adopté qui va parvenir à s'élever en compagnie de son ami Horemheb (Victore Mature) en tant que médecin du palais. Seulement là il tombe sous le charme de Nefer, courtisane babylonienne qui va le perdre en le poussant à s'abaisser à toutes les vilenies. Cette première partie est fort impressionnante dans la mesure où elle donne l'occasion à Curtiz de se frotter au cinémascope, le résultat étant souvent bluffant.
Les moyens sont monumentaux et le réalisateur s'y entend pour les mettre en valeur que ce soit les palais monumentaux, les extérieurs à l'ampleur titanesque où le luxe raffiné des intérieurs. La narration suit le point de vue d'un Sinouhé en pleine découverte de cet univers et la part belle est laissée à un certain pouvoir d'émerveillement devant toute ses splendeurs. Cette logique s'applique également au personnages rencontrés par le héros que ce soit le pharaon mystique Akhenaton lors d'une stupéfiante séquence dans la vallée des rois ou bien sur la vénéneuse Nefer incarné par Bella Darvi qui souffla le rôle à Marilyn Monroe grâce à la liaison qu'elle entretenait avec Darryl Zanuck. Malgré un jeu plutôt approximatif, Curtiz se montre particulièrement inspiré pour illustrer l'érotisme ravageur qu'elle dégage, une vraie femme fatale antique. On est pas près d'oublier ce plan de nudité fort osé vu à travers le reflet d'un bassin et on comprend aisément qu'elle puisse causer la perte du héros.
Edmund Bloom est fort convaincant en Sinouhé victime de ses pulsions et tombant dans tout les pièges, ne sachant reconnaître à temps le vraie amour de sa vie en la douce Merit (Jean Simmons un peu en retrait mais toujours aussi convaincante). Le véritable intérêt du film se trouve pourtant dans son surprenant scénario qui avance masqué pour se qui s'avéra être un récit biblique qui n'en est pas tout à fait un. Le pharaon Akhénaton est vu comme un illuminé d'une nouvelle religion monothéiste aux antipodes du culte égyptien connu, et qui le détache complètement des réalités y compris l'invasion imminente de son royaume.
On a ainsi un questionnement sous forme d'intrigue de palais où les ambitions de chacun se manifestent par la disparition de ce pharaon encombrant. Tout concourt a faire le lien avec la religion chrétienne, le monothéisme bien sûr mais aussi le symbole de ce culte qui une variante de la croix chrétienne et ce alors que les évènements se déroulent treize siècle avant la naissance du Christ. L'ambiguïté est de mise entre ce pharaon apathique et la nécessité de l'éliminer. Notre héros ayant réussi à s'élever à s"lever socialement va donc être à nouveau entraîné dans une suite de complots où il se trompera une fois encore.
La bonté du pharaon dans ses derniers instants, les élans céleste du score de Bernard Hermann et Alfred Newman, les séquences impressionnante de martyrs et la tirade finale de Sinouhé ne laisse guère de doute sur le côté vers lequel penche le film et le lien avec la chrétienté est ouvertement fait dans l'ultime séquence. C'est cependant subtilement amené puisque Sinouhé accède enfin à la sagesse lorsqu'il cède à ces préceptes lui qui a passé le film à s'interroger et se tromper.
Malgré les moyens déployés, le film adopte donc un ton essentiellement intimiste dans les réflexions qu'il soulève et son héros indécis mais Curtiz n'en fait pas moins preuve d'une grande inspiration.Les échanges fiévreux du début entre Sinouhé et Nefer, alternant l'érotisme contemplatif avec une brutalité inattendue sont saisissant notamment dans les variations de la photo somptueuse de Leon Shamroy.
Plus tard ce sera l'ultime entrevue entre Victore Mature, Sinouhé et Michael Wilding qui montrera par la science du cadrage le pouvoir d'évocation religieuse que dégage le pharaon et la hauteur qu'il a sur les évènements et les personnage qui l'entoure. Ce n'est pas sans défauts (un peu trop bavard, un vrai morceau de bravoure spectaculaire manque tout de même) mais c'est la preuve que Curtiz maîtrisait encore son sujet même en fin de carrière. Pour l'anecdote une bonne partie des décors seront racheté par la Paramount pour être réutilisés dans Les Dix commandements de Cecil B. Demille, le lien étant même poussé jusqu'à reprendre une partie du casting avec John Carradine, Michael Ansara et Mimi Gibson.
China Valdez rejoint les Cubains clandestins après que son frère ait été tué par le chef de la police secrète, Ariete. Elle fait la connaissance de Tony Fenner, un Américain expatrié, dont elle tombe amoureuse. Il planifie de creuser un tunnel sous le cimetière de la ville jusqu'à un terrain appartenant à un officiel, de le tuer et ainsi de provoquer le rassemblement de toute la hiérarchie cubaine à son enterrement afin de les tuer.
Alors que le Macarthysme s'apprête à jeter sa chape de plomb de suspicion sur Hollywood, We were strangers s'avère un film étonnant et risqué par la teneur de son sujet. Le film dépeint le destin de quelques résistant durant les dernières heures de la présidence tyrannique de Morales en 1933. Véritable ode à la liberté et incitation exaltée à briser le joug du pouvoir oppresseur, le film pouvait facilement être apparenté à une veine gauchiste tel que l'exécrait McCarthy notamment par la présence tout sauf anodine au casting de John Garfield communiste convaincu et dont la carrière sera brisée par la liste noire. Il semble cependant que les studios (McCarthy n'arrive réellement aux affaires que l'année suivant la production du film) avaient encore le libre arbitre dans le choix de leur sujets.
Dès les premières minutes, Huston appuie ses effets dans sa volonté d'opposer la corruption des puissant face à la noblesse et la solidarité du film. Le film s'ouvre sur une séquence au sénat où est votée une loi répressive interdisant les réunion publique de plus de trois personnes sous peine d'emprisonnement. La volonté de toute puissance, la lâcheté et l'opportunisme s'illustre alors à travers la caméra de Huston captant les expressions de chacun des sénateurs qui vont tous accepter cette mesure révoltante. Les effets s'en font ressentir dès la scène suivante lorsque la police apparaît sous forme d'ombre menaçante venant briser tout velléité d'insurrection en massacrant dans la plus grande indifférence le peuple.
Ayant dressé magistralement la vision globale de la situation cubaine, Huston ne se détachera plus alors des destins individuels de ses protagonistes. Jennifer Jones libéré par O'Selznick pour l'occasion trouve là un bien beau rôle en fille du peuple toute simple qui s'est engagée pour venger l'assassinant de son frère. Entre détermination et fragilité, haine et besoin d'affection elle offre une sobriété touchante à son personnage. Face à elle John Garfield, américain taciturne et mystérieux faisant preuve d'une conviction sans faille pour faire tomber le gouvernement. John Garfield confère son humanité et son charisme naturel à ce Tony Fenner. Pedro Armendáriz redoutable chef de la police secrète complète le trio avec une interprétation aussi pathétique (l'entrevu nocturne avec Jennifer Jones) que réellement menaçante avec un personnage retors et imprévisible.
Dans une construction proche de Pour sonne le glas (en bien meilleur heureusement) les préparatifs d'une manoeuvre historique (l'assassinat de l'ensemble du gouvernement dans un attentat rien de moins) servent à réunir différents révolutionnaires, capter leur rapprochement, leurs joie mais aussi leur doute. Malgré le manichéisme très prononcé destiné à renforcer l'empathie, le scénario n'en oublie pas de questionner les actions de ses héros, l'attentat étant amenés à créer des dommages collatéraux sur des innocents. Loin de stimuler une ferveur aveugle, l'action est donc considéré comme un mal nécessaire mais ne sera pas sans dégâts sur l'équilibre du groupe. Huston comme souvent fait merveille pour dépeindre les moments de camaraderies intimistes, ses petits rien anodins et cette proximité qui scellent des liens indéfectible. Tout le long épisode de la creusée de tranchée en sous sol est donc particulièrement chaleureux malgré la menace ambiante.
Huston délivre une mise en scène claustrophobique traduisant le danger permanent et la paranoïa latente provoquée par les manoeuvres de la police secrète. La photo tout en clair obscur de Russel Metty affirme cette idée, les visages dans la pénombres dissimulant toujours de noirs desseins ou des secrets douloureux notamment la révélation quant au passé de Garfield.
La grande fusillade finale avec ces ennemis invisibles et sans visages exprime parfaitement cela, avec comme seul rempart face aux balles la conviction d'une juste cause et l'amour pour l'autre avec une Jennifer Jones empoignant la mitrailleuse pour une pose et un carnage inoubliable. Elle ne retrouve d'ailleurs son jeu outré que pour une mémorable et passionné tirade final, en forme d'ode à son amant et à la révolution tandis que le chaos se déchaîne enfin dans toute La Havane.
Sorti en dvd zone 1 chez Columbia et doté de sous titres français.
Extrait de la dernière scène ne pas regarder jusqu'au bout sinon vous connaîtrez la fin !
Trois filles de riches chacune prénommée Heather sont les reines du lycée de Westerburg. Elles acceptent néanmoins dans leur clan Veronica, dont elles exploitent la candeur et la naïveté. Celle-ci, sous l'influence de J.D., un autre jeune marginalisé, organise une petite vengeance qui va mal tourner...
Breakfastclub, chef d'oeuvre de la teen comedy signé John Hughes avait montré dans un regard tendre, drôle et tragique la scission communautaire régnant dans les lycées américains et le mal être qui pouvait en résulter. Heathers (le titre français anglicisé est des plus stupides pour le coup retirant une partie du sens symbolique) prolongeait cette réflexion et allait plus loin encore en adoptant la tonalité de comédie noire d'une virulence encore surprenante aujourd'hui.
Cette volonté de conformisme et de paraître des années lycée est symbolisé dans le film par le trio des Heathers, jeunes filles populaires faisant la pluie et le beau temps des réputations de chacun et humiliant constamment les laissés pour compte. Parmi elles est admise Veronica (Winona Ryder), se pliant à leurs volontés pour profiter des avantages de leur compagnie mais qui n'est pas dupe de leur influence. Tout change avec l'arrivée de JD (Christian Slater) nouvel élève psychotique et rebelle qui va l'inciter à se venger radicalement de la meneuse des Heathers après une terrible humiliation. Maquillant le crime en suicide, l'évènement va amener une série de réaction en chaîne qui vont plonger le lycée dans le chaos.
Le script de Daniel Waters (qui enchaînait les scénario ambitieux et déjanté à l'époque puisqu'on lui doit au même moment ceux de Hudson Hawk, Batman le défi et Demolition Man) est d'une violence psychologique dérangeante, captant les maux du moment mais se montrant aussi incroyablement visionnaires sur ceux à venir. Le récit tourne ainsi en dérision le suicide adolescent, provoqué ici par une mort accidentelle et qui va tourner au véritable phénomène de mode dans le lycée. Personne n'est épargné.
Les lycéens eux même faisant preuve d'un détachement et d'un cynisme glaçant face au gestes désespéré de leur camarade notamment une hilarante scène de messe où chaque élève y va de son monologue intérieur narcissique au moment de se recueillir une dernière fois devant le corps de la première suicidée. Les parents sont totalement déphasé également, fixant l'attention sur leur progéniture selon les tendances et chiffres données par la télévision plutôt que d'aller les consulter directement. Les professeurs ne sont que des exaltés se voyant investis d'une pseudo mission et posant pour les médias, eux même vautours de faits divers attirant les jeunes en quête de lumière. L'humour et la satire décapante sous jacente sans tempérer la férocité de l'ensemble lui donne une verve ironique s'exprimant dans des dialogues mordants et des situations d'une cruauté féroce.
Le constat est donc des plus sombre mais délivre une lueur d'espoir à travers le parcours de Veronica, seul personnage lucide. Winona Ryder délivre une performance parfaite entre la superficialité latente et vraie prise de conscience. Face à elle Christian Slater démontre combien il fut un grand acteur à l'époque en donnant ici le pendant négatif du héros de son cultissime Pump up the volume qu'il jouera l'année suivante. Il est donc à nouveau un personnage rebelle et anticonformiste mais au lieu de révéler les fêlures de ses camarades pour dénoncer le système, il s'en sert pour les détruire et nourrir son propre mal être. Une performance assez fascinante à laquelle on peut ajouter celle de Shannen Doherty passante de victime à tyran en un clin d'oeil.
Michael Lehman donne une imagerie totalement en contre point de ce malaise ambiant avec une esthétique idéalisée et très americana du lycée, que ce soit par sa photo diaphane immaculée ou ses couleurs criardes. Un choix judicieux qui fait basculer tel un conte le film du rêve au cauchemar pastel lorsque le factice de ce cadre idéal révèle tout son aspect nauséabond. Il serait fort difficile de refaire une telle conclusion aujourd'hui (et même en l'état on peut supposer qu'elle a été édulcorée) puisque anticipant rien de moins que le drame de Columbine. Incompris et échec en salle Heathers deviendra culte grâce à la vidéo et ses audaces ouvriront la voie à une autre fameuse teen comedy tout aussi intelligente, Lolita malgré moiavec Lindsay Lohan sommet du genre pour les années 2000.
Dvd zone 2 français à éviter absolument car ne comportant que la vf. Disponible en dvd zone 1 chez Anchor Bay et doté de sous titre anglais. Belle édition trouvable pour pas cher avec pas mal de bonus passionnant tel un documentaire rétrospectif ainsi que le scénario avec la fin originelle.
Le commissaire Maigret revient à Saint-Fiacre, village où il a passé son enfance, à l'invitation de la comtesse de Saint-Fiacre. Celle-ci connait le «petit Jules» devenu commissaire car le père de Maigret fut régisseur du domaine du château des Saint-Fiacre. La comtesse a reçu une lettre anonyme lui annonçant sa mort le jour de la messe des morts. Le lendemain, Maigret la retrouve morte à l'église, victime d'une crise cardiaque. Toutefois, le commissaire est convaincu que cette crise cardiaque n'est pas due au hasard et commence son enquête...
Huitième comédien à incarner Maigret dans Maigret tend un piège (1957), Jean Gabin endossait à nouveau suite au succès de ce premier essai l'imperméable et la pipe du héros de Simenon dans ce second film toujours sous la direction de Jean Delannoy (et avant un troisième réalisé par Gilles Grangier en 1963 Maigret voit rouge). Cette aventure revêt un ambiance très particulière puisque replongeant notre commissaire sur les lieux de son enfance lorsqu'une ancienne bienfaitrice, la Comtesse de Saint Fiacre le convoque suite à une lettre de menace. Les joyeux souvenirs d'enfances semblent bien fanés face au désolant spectacle qui s''offre à lui. Un château entièrement mis à sac par les dettes, un entourage de profiteurs pas très recommandable crée d'emblée une trouble suspicion avec le décès inattendu de la Comtesse. La mise en scène de Delannoy s'efface entièrement pour se mettre au service de son casting, exceptionnel en tout point.
Jean Gabin tout d'abord prête sa bonhomie et son autorité naturelle à Maigret tout en se fondant idéalement dans le personnage dans ses moments de silence, son sens de l'observation et son sens de la répartie. Simenon avait rêvé à une époque où il était encore trop jeune pour le rôle de le voir incarner Maigret et lui si difficile avec les comédiens qui eurent la lourde tâche de jouer son héros salua la performance de celui qu'il considérait comme le meilleur Maigret avec Pierre Renoir. Les autres comédiens sont tout aussi bons et parfaits d'ambiguïté : Michel Auclair en héritier dépensier et escroc, Robert Hirsch en fouine aux aguets à l'allure coupable, Michel Vitold en curé louche sans parler des seconds rôles truculents comme Paul Frankeur en médecin décontracté.
Le rythme se fait lent sans provoquer l'ennui pour autant, le temps de nous dépeindre cette atmosphère provinciale faussement chaleureuse où chacun dissimule un secret. Maigret se promène d'un lieu à un autre à travers les différents suspects dont les différentes révélations offre tire un constat peu reluisant de l'humanité lorsque les petites magouilles et profits de chacun conduise à la mort pathétique d'une femme.
La nature du crime en elle même est très originale et assez machiavélique et le scénario remarquablement équilibré distille intelligemment la somme de détails à saisir pour la résolution. La grande joute verbale finale est d'ailleurs un grand moment, les dialogues de Michel Audiard claque comme jamais dans la bouche de Gabin et Delannoy s'enhardit enfin pour insinuer une pointe de paranoïa quand au coupable (très inattendu). Belle réussite très curieux de voir les deux autres volets que je ne connaît pas du coup.
Geronimo ayant déposé les armes, l’Indien Massaï se considère comme ‘le dernier des Apaches’, le seul ne souhaitant pas capituler dans la lutte de son peuple contre ‘l’homme blanc’. Capturé et mis avec ses frères de race dans le train qui les conduit dans les réserves de Floride, il s’en échappe. Il va alors traverser le quart des Etats-Unis afin de retourner auprès de sa tribu.
Bronco Apache fait partie avec En quatrième vitesse et Vera Cruz du tir groupé qui enflamma la critique française sur Robert Aldrich. Dans chacune de ses oeuvres, le réalisateur s'emparait d'un genre emblématique pour mieux le déconstruire et l'emmener ailleurs. En quatrième vitesse déployait ainsi un sadisme et une aura mystique jamais vue dans un film noir tandis que Vera Cruz peuplé de personnages vénaux et immoraux anticipait sur bien des points le western spaghetti. Bronco Apache est quant à lui un des tout premiers western pro indien réalisés à Hollywood.
Malgré le parti risqué, aucun manichéisme facile ici de la part d'Aldrich grâce à toute l'ambiguïté qui entoure le personnage de Massai formidablement interprété par Burt Lancaster (grimé et maquillé en indien il évite avec prestance le ridicule potentiel). Tout à la fois fier guerrier et dernier garant des valeurs de son peuple sous le joug de l'homme blanc et vrai bloc de haine incapable d'évoluer par la haine qu'il voue àla terre entière, c'est un héros assez ambivalent. Lancaster lui confère un mélange d'innocence (toute la partie où il découvre l'existence paisible des Cherokee) et de dureté s'alternant selon ses volcaniques humeurs tel le traitement qu'il inflige à Jean Peters quand il pense avoir été trahi.
Cette approche intelligente n'en rend que plus poignante la très belle relation entre Massai et Jean Peters (magnifique scène où elle escalade envers et contre tout les montagnes pour le rejoindre) et saisissant la cruauté ordinaire du racisme des blanc lors de la séquence en ville sans une nouvelle fois faire preuve de manichéisme primaire notamment grâce au beau personnage de traqueur de John McIntire (accompagné d'un Charles Bronson encore Buchinski dans un petit rôle). Le brillant scénario de James R. Webb est emballé de main de maître par Aldrich qui en capte toute les nuances et lui confère son énergie habituelle dans l'action notamment cette formidable séquence de guérilla où Lancaster met à mal l'armée US. Contraint par ses producteurs de renoncer à la conclusion pessimiste initialement prévue, Aldrich achève donc son film sur un poignant final. Bien des années plus il donnera une lecture inversée du propos de Bronco Apache avec le virulent Fureur Apache où toute la noirceur qu'il n'a pu totalement exprimer ici explose avec fracas.