Thésée, duc d'Athènes, va épouser Hippolyta, la reine des Amazones. Des comédiens répètent, sous la direction de Quince, le spectacle qui sera joué le soir des noces. Autour du couple royal, un imbroglio sentimental rapproche ou oppose Lysandre et Démétrius, l'un et l'autre amoureux d'Hermia, qui a élu le premier alors que le second est le favori d'Hélèna. Espérant résoudre leurs querelles, les jeunes gens se réfugient dans une forêt où, la nuit venue, la réalité bascule dans le rêve...
Quelques années après l'accueil en grandes pompe de Murnau pour la réalisation de L'Aurore, Hollywood déroulait le tapis rouge à un autre artiste germanique avec le metteur en scène de théâtre Max Reinhardt accueillit pour réaliser cette fastueuse adaptation de Shakespeare. N'ayant aucune expérience du cinéma on lui adjoint en co réalisation William Dieterle qu'il connaît bien puisqu'il contribua a lui donner ses premiers rôles au théâtre en Allemagne quand celui ci n'était encore qu'acteur. Installé alors depuis quelques années déjà aux Etats-Unis et maîtrisant mieux les mécanisme du système hollywoodien, Dieterle sera chargé de traduire de manière cinématographique les idées de mise en scène de Reinhardt, s'occupant aussi des aspect plus techniques comme la photographie et les effets spéciaux.
Le film est réellement un triomphe de direction artistique à tout les niveaux où on sent le raffinement de Reinhardt qui prolonge ses expérimentations visuelles scéniques sur grand écran, magnifiée par Dieterle. La musique est notamment un réarrangement par Erich Wolfgang Korngold (pour son premier grand ouvrage à Hollywood) de la suite pour violon composée pour la scène par Mendelssohn et inspirée de la pièce de Shakespeare. D'autres pièces musicales de Mendelssohn seront utilisée comme la Symphonie écossaise, la Symphonie 4 dite italienne ou Romance sans paroles. Les chorégraphies sont signée de la maîtresse de ballet russe Bronislava Nijinska tandis que le casting prestigieux se partage entre acteurs "sérieux" comme Ian Hunter,Verree Teasdale et Anita Louise dans les rôles des puissants (Duc D'Athènes, Hippolyte et Reine des Elfes) d'autres qu'on aurait pas attendu dans le registre shakespearien comme James Cagney ou Dick Powell et des débutants appelés à de grandes choses tel Olivia De Havilland (pour son premier rôle à l'écran) ou un tout jeune Mickey Rooney.
Dès les premières images sur l'arrivée d'Hippolyte et Thésée à Athènes, force est de constater que cette somme de talent est réellement payante. Le gigantisme et la recherche extrême des décors (très factice et imposant à la fois), l'originalité des costumes, la musique et la mise en scène ample forme d'emblée un tout cohérent et époustouflant. On est également vite rassuré sur le fait que la tonalité frivole de la pièce ne sera pas sacrifiée au service de la réussite esthétique avec un quatuor qui s'en donne d'emblée à coeur joie dans ses amours contrarié avec notamment une merveilleuse Olivia De Havilland en Hermia, Dick Powell très à l'aise en Lysandre (pourtant sa performance semble décriée) et l'autre couple Helena/Demetrius incarné par Jean Muir et Ross Alexander est tout aussi remarquable dans la comédie enlevée.
L'autre aspect du texte de Shakespeare, la mise en abyme avec une pièce dans la pièce créée par le peuple pour les noces est tout aussi réussie. Les portraits brossés de ces apprentis acteurs sont irrésistibles surtout James Cagney hilarant en Bottom égocentrique et exalté et aussi Joe E. Brown (plus connu pour le fameux "Nobody's Perfect !" de Certains l'aime chaud beaucoup plus tard) absolument génial dans son interprétation placide et ahurie de flûte. Tout ce petit monde est amené à se réfugier en forêt soit pour répéter, soit pour résoudre ses conflits amoureux et la vraie magie peut alors commencer.
La séquence d'éveil du royaume des fées est un extraordinaire moment de cinéma où le grotesque côtoie la magie la plus pure. La nature semble s'animer d'elle même à mesure que le jour s'éteint et alors nymphes drapées en blanc, licornes, diablotins et autres créatures étranges surgissent dans un grand tourbillon de chants et de danse magnifié par des effets visuels d'une inventivité et d'une poésie envoutante.
On pense grandement au futur Bambi de Disney durant ce moment, l'ambiance dionysiaque païenne en plus. On découvre alors le désaccord opposant Titania la Reine des Fées (Anita Louise magnifique de charme et de présence éthérée) et son époux Oberon (ténébreux et hiératique Victor Jory dont Gilliam reprendra le look à l'identique pour le méchant de son Bandits Bandits) quand à la destinée d'un jeune chérubin indien à leur soin.
Leur conflit amènent ainsi à se lancer une suite de sortilèges dont seront victimes nos amoureux et la troupe de théâtre ce qui prolongera dans un cadre surnaturel le marivaudages et la comédie pure déployées au début. Les différents basculement de sentiments au sein des couples et les envolées de surjeu qui s'ensuivent sont constamment drôle et percutante, tandis que la grâce et le ridicule se bouscule durant la drôle d'histoire d'amour entre Cagney transformé en âne (la maquillage est réellement fabuleux) et Titania.
Le lien entre légèreté et féérie se fait par le personnage de Puck extraordinairement joué par le tout jeune Mickey Rooney. Cabot, bondissant et innocent dans le jeu insouciant qu'il se fait des sentiments d'autrui, il est clairement l'âme omnisciente et omniprésente du récit qu'il traverse dans un grand éclat de rire. L'esthétique du film aura une influence considérable par les nombreuses idées qu'il développe et son utilisation des effets spéciaux.
L'usage des fondus enchaînés pour les transformations, la photo qui se voile d'une aura diaphane (avec l'usage de tulle devant la caméra que Dieterle réutilisera dans Le Portrait de Jennie) lors des séquences en forêt (magnifique travail de Hal Mohr), le costume de Oberon se mettant en scintiller, les effets de fumées, les effets de montage toute la poésie du film résiste à l'épreuve du temps. L'apothéose est atteinte lorsque s'effacent les elfes alors que les premières lumières du jours percent dans une grande procession baroque totalement hypnotique. Les humains peuvent alors reprendre leurs destin en main lors de l'épilogue farceur, se moquant de leur aventures qu'ils ont pris pour le songe d'une nuit d'été. Ironiquement malgré l'impact du film Reinhardt sera contraint de retourner au théâtre faute de nouveau projet alors que son meilleur disciple Dieterle fera la carrière que l'on sait.
Sorti en dvd zone 1 chez Warner (disque multizone compatible sur tout les lecteurs) et doté de sous titres français. Ai je besoin de dire que l'image du dvd est splendide ? J'en remet une petite couche parce que les images sont fabuleuses
J'attends cette merveille, et j'ai encore plus hâte, après avoir vu ces images. Tu vas dans le sens que j'entrevois: ce film est le point de départ d'une nouvelle ère pour la Warner, qui se lance dans de grandes choses, un peu comme à la grande époque du muet quand la MGM est née, et que des films délirants sont apparus. Les photogrammes que tu as publiés sont sublimes, et si ça n'est pas un texte qui donne à lire tout l'amour du cinéma, alors je n'y comprends rien...
RépondreSupprimerAh merci beaucoup ! En y repensant une autre personne qui a dû être durablement traumatisé par le film c'est Ridley Scott, son "Legend" est un véritable décalque de ce film ça en est troublant...
RépondreSupprimerJe tombe par hasard sur cette chronique (je voulais m'assurer qu'Anita Louise n'était pas Anita Loos : "Les hommes préfèrent les blondes, mais ils épousent les brunes") que je trouve aussi fabuleuse que son sujet.
RépondreSupprimerJe connais bien la pièce pour l'avoir vue trois fois au
théâtre, mais il apparaît ici que l'élément onirique est
mieux compris : le rêve est souvent régression au païen en nous, à l'expression des véritables désirs qu'étouffe la civilisation de l'éveil. Le meilleur exemple
d'une sexualité comblée est l'amour de Titania pour l'âne (puis-je le dire : réputé pour ses érections phénoménales ?). Bref, la lecture de Reinhardt est profonde et le cinéma offre des possibilités extraordinaires que Stanislavski (prêtre du non-décor au
profit du seul jeu d'acteur, destiné à servir un grand texte) ne pourrait pas renier. Ce merveilleux stakhanoviste nous ouvre une porte secrète du cinéma.
Un grand merci !
le vendeur d'Amazon n'a pas répondu, sans doute sa version est-elle exclusivement Zone 1.
RépondreSupprimerJ'ai pu, grâce à Youtube voir 39 minutes de ce film donné intégralement (2 heure 20) et me faire une idée visuelle de ce jeu d'acteurs dans un décor de l'antique Athènes (revisitée en kitsch). Je trouve merveilleuse l’idée du serpent qui borde l’encolure d’Hypolita (la reine « nourrit un serpent dans son sein ». Olivia de Havilland en Hermia a un visage épanoui comme une fleur (une fleur de rhododendron), elle sera si différente dans « Hush, Hush… sweet Charlotte ; je vous parlerai ailleurs de sa jeune sœur, Joan Fontaine, probablement en écho de ce que vous en aurez dit vous même !)
et Cagney en Bottom est irrésistible : il veut tous les rôles, y compris celui du lion, dans Pyram et Thysbé (the play within the play).
Le jeu de coups d'oeils échangés entre les deux rivaux (qui courtisent Hermia) et le spectateur, font de ce dernier un complice : c’est très drôle et vient probablement de la Comedia dell’ Arte.*
Le décor naturel est très soigné. Il y a en ombres chinoises, des profils de cerfs ou/et de biches, de branchages magnifiques d’inspiration japonaise. Mais je n'ai pas insisté : il y a trop de nymphes dans la brume de ce petit format. Oberon est magnifique . J'ai vu au Théâtre de la ville (avec ma mère musicienne), le spectacle de Mendelsohn — musique et chorégraphie — mais j'ai le souvenir d'une chose très poussiéreuse à laquelle manquait le théâtre. Ariane Mnouchkine, femme très inspirée, a monté la pièce au cirque d’hiver entièrement tapissé de fourrures, C’était très beau. Il y en a eu d’autres à Paris
.
Un jour j'aurai le lecteur Zone 1 …
j'ai, mine de rien, passé une partie de la journée dans vos colonnes. Je ne me suis pas ennuyée !
*Mamoulian vient aussi du théâtre, mais certains de ses films sont très dégradés et c’est dommage. Il y a chez lui des hauteurs de plafond « métaphysiques », tentures à l’avenant. En bon état ce bal qui précède Waterloo, le 18 juin 1816, avec Wellington
en personne serait une petite merveille (le film est « Becky Sharp », qui est l’héroïne de
Vanity Fair, roman de Thackeray dont Mira Nair (Indienne) — qui enseigne le cinéma à NY — a fait un beau film avec Reese Witherspoon.
Faut-il, à un moment donné, s’arrêter ?
Mamoulian encore (pare qu’il n’a pas la plce qu’il mérite) a fait avec Frederick March le plus convaincant des Dr Jekyll and Mr Hyde de toute l’histoire du cinéma à ce jour..
Le zone 1 est multizone donc compatible sur tout les lecteurs vous pouvez tenter sans crainte ce sera bien plus agréable à suivre que sur youtube...
RépondreSupprimerthank you ! Mais ce que vous dites est nouveau…
RépondreSupprimerje n'aurais pas insisté au dela de cette demi heure sur youtube. D'autant plus que la définition est meilleure sur l'ordinateur qu'à l'écran télé.
Au théâtre j'ai vu la pièce au TNP pour la première fois
avec la charismatique Maria Casares en Titania :
amoureuse de l'âne c'était inoui. Je pense que c'est une pièce difficile à monter. Reinhardt, peut-être plus marxiste que les autres, a fait la part belle aux artisans.
Mais il y a une chose que je n'ai pas vue ou pas comprise en si peu de temps : quel est l'acteur qui fait "le mur" dans Pyram et Thysbé?