Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram
Un noble sicilien veut se remarier, mais comme le divorce est illégal en Italie, il fait tout pour que sa femme tombe amoureuse d’un autre homme, pour pouvoir les surprendre ensemble, la tuer et n’avoir qu’une peine légère pour crime d'honneur.
Divorce à l’Italienne fut le film du grand changement pour Pietro Germi. Auparavant apparenté à un cinéma sérieux et intellectuel le réalisateur tente sur les conseils de son ami Mario Monicelli (qui vient de triompher avec Le Pigeon et La Grande Guerre) de se réorienter vers la comedia all'italiana soit la comédie italienne grinçante désormais genre phare depuis le succès du Pigeon. Le regard acerbe de Germi se fait donc désormais sous la forme de l'ironie, la distance, l'humour noir et force est de constater qu'il déploie des capacités extraordinaire pour cette première tentative.
Sous l’enrobage de la comédie, le film dénonce un archaïsme de l’Italie d’alors, l’interdiction de divorcer qui ne sera autorisée qu’en 1971. Le scénario délivre une critique grinçante et tordante du pouvoir encore prédominant de l'église dans le quotidien des Italiens de l'époque, où la bondieuserie grotesque et hypocrite va pousser Mastroianni à monter un plan rocambolesque pour tout simplement quitter sa femme et aller avec celle qu'il aime. Germi fustige également les mœurs moyenâgeuses qui règnent encore en Sicile avec ce fameux article de loi italien sur le crime d'honneur, moins sévèrement puni s'il est attesté, et dans lequel va s'engouffrer le héros pour arriver à ses fins.
Les années ont passées et on a cette fois l'impression par instant de regarder une version bien plus méchante des Pain, amour et fantaisie dont toute la tendresse a disparu pour ne garder que le côté moqueur. L'ouverture est un grand moment avec Mastroianni décrivant en voix off la petite communauté avec acidité et annonce la tonalité générale du film. Ce héros totalement blasé profitant des travers de son monde occasionne pas mal de grands moments : le running gag de la soeur constamment trouvée en situation compromettante avec son fiancé, la très irritante femme de Mastroianni (Daniela Rocca fabuleuse) toujours en demande de preuve d'amour ou les voisins du château et le père frisant l'arrêt cardiaque dès qu'il est question de la vertu de sa fille.
Timing comique une nouvelle fois extraordinaire de Mastroianni, visage placide toujours détaché, la mine fatiguée et toujours le petit tic génial qui vous fait plier de rire, ici un petit claquement de bouche machinal de satisfaction dès que les choses tournent en sa faveur. Un petit chef d’œuvre corrosif qui est également l’occasion de découvrir une toute jeune Stefania Sandrelli au visage virginal et à l'allure provocatrice affolante, notamment lors d’une dernière scène d’une ironie mordante.
Le film est un véritable triomphe commercial en Italie (et sera récompensée de l'Oscar du meilleur scénario tandis que Germi sera nominé pour le meilleur réalisateur) et lance Germi dans le genre pour d'autres immenses réussites futures. Séduite et abandonnée prolongera les thèmes et le cadre sicilien de Divorce... pour aborder la question du mariage forcé et l'extraordinaire Signore & Signori offrira un regard mordant sur la bourgeoisie provinciale italienne.
Los Angeles, années 1920. Alexandria, cinq ans, est hospitalisée à la suite d'une chute. Elle se lie d'amitié avec Roy, cascadeur à Hollywood, lui aussi victime d'un accident. Le jeune homme se lance dans le récit d'une histoire épique avec le gouverneur Odieux et les 5 fantastiques déterminés à le combattre. Très vite, la frontière entre la réalité et ce monde éblouissant de magie et de mythes commence à disparaître quand la petite Alexandra réalise qu'il existe un véritable enjeu...
Ancien clippeur renommé (dont le célèbre clip de Losing my religion de REM) Tarsem Singh eut enfin l'occasion de déployer son génie visuel pour le cinéma en 2000 pour le film The Cell. Le film narrait comment à l'aide du machine révolutionnaire la psychologue incarnée par Jennifer Lopez pénétrait dans l'esprit d'un serial killer afin de localiser dans son inconscient le lieu où il avait caché une jeune otage. Le pitch était donc prétexte à un déploiement visuel stupéfiant afin de dépeindre la psyché torturé du tueur incarné par Vincent D'Onofrio. C'était d'ailleurs là la grosse limite du film, passé sa grande réussite plastique ce n'était qu'un policier de plus à l'intrigue rebattue.
Pour son second film The Fall, Tarsem mis beaucoup plus de lui même puisqu'il officie ici en tant scénariste, producteur (finançant une grande partie de sa propre poche même s'il eut le soutient de ses amis Spike Jonze et David Fincher) pour un tournage aussi épique que l'histoire qu'il raconte dans plus de 20 pays. Le récit narre la rencontre dans un hôpital d'une petite fille au bras cassé et d'un jeune cascadeur victime d'un accident sur un tournage.
Une amitié se noue entre eux quand l'adulte captive l'enfant en lui racontant les fantastiques aventures du Bandit Masqué, le Mystique, l'ancien esclave, Darwin et l'armurier Luigi en lutte contre l'infâme Odieux. Pourtant très rapidement des révélations progressives sur le passé des deux héros amène une certaine contamination dans le conte. On découvrira ainsi que Roy (Lee Pace) nature torturée a fait une tentative de suicide par chagrin d'amour et que la jeune Alexandria a perdu son père dans des circonstances dramatiques quelques années plus tôt.
Thématiquement, on est très proche du chef d'oeuvre de Terry Gilliam Les Aventures du Baron de Münchausen. On retrouve le regard enfantin magnifiant les héros imaginaires qui sont des transpositions de personnes croisées dans la réalité. De même, l'état d'esprit du narrateur dans le monde réel influant sur les différentes directions et tonalité que peut prendre le récit dans le récit est une idée commune aux deux films. Mais alors que chez Gilliam cela est est prétexte à un ébouriffant et foisonnant film d'aventure (avec en toile de fond une vrai réflexion sur le pouvoir de l'imaginaire amorcée dans Brazil et Bandits Bandits) Tarsem délivre lui une histoire profondément intimiste.
La naïveté et la candeur de la petite fille s'oppose ainsi constamment à l'humeur dépressive de Roy qui fait ainsi basculer le conte de rêve éveillé hypnotique et charmant à une pure atmosphère cauchemardesque et sombre selon la personnalité dominante dans le conte. Ce récit épique parallèle ne pourra se résoudre que quand Alexandria aura réussi à persuader Roy de vaincre ses démons et qu'elle même aura su oublier ses douleurs passées plus insideuses et subtiles dans la narration du fait de son jeune âge.
Le tournage pris plus de quatre ans et comme déjà dit s'étala dans tout les coins du globe. Le résultat à l'écran est tout simplement stupéfiant et en fait réellement un des plus beaux film des année 20000. Tarsem filme des coins incroyablement reculées parfois jamais vus au cinéma, déserts monumentaux, forêt foisonnante, bâtisse à l'architecture déroutante situées dans des lieux inédits (le château situé plein milieu de l'océan) ... Bien que tous existants (et retouché numériquement sans les dénaturer) ces différents cadres où se déroule le conte contribue au côté dépaysant et fantastique du film porté par la mise en scène contemplative de Tarsem et la photo prodigieuse de Colin Watkinson.
Les costumes très inventifs de Eiko Ishioka (habituée de Tarsem sur The Cell et des clip pour Bjork et responsable des costumes du Mishima de Paul Schrader et Dracula de Coppola) renforce ses atouts porté par l'utilisation récurrente de la 7e symphonie de Beethoven accompagnant les superbes images. Les ambiances grandiloquentes du conte se partage donc aux moments plus intimistes de l'hôpital, certaines idées folle venant perturber cette alternance comme une séquence en stop motion. Là on sent une énorme influence du cultissime film documentaire Baraka de Ron Fricke dont Tarsem reprend certains passages à l'identique.
C'est pourtant encore et toujours la pure émotion qui nous guide tout au long du film et atteint des sommet lors de la conclusion. Alexandria suppliant l'autodestructeur Roy de ne pas tuer les héros qu'ils ont créés, la mort d'un singe éveillant une tristesse inattendu soit autant de moments puissants et poignants où la petite Catinca Untaru et Lee Pace (anecdote amusante il simula tout le tournage à la demande du réalisateur d'être réellement paraplégique) délivre de formidable interprétations. Méconnu en France et n'ayant scandaleusement pas bénéficié d'une sortie salle, un bel ode à l'imagination, au cinéma (le final en hommage à tout les cascadeurs du splapstick) et incitant aux voyage pour voir de ses yeux tous les étranges et magnifiques lieux aperçus...
Deuxième et dernière réalisation de Howard Hughes (après les exploits aériens de Hells Angels), ce Outlaw ne manque pas de défauts: rythme très inégal, réalisation la plupart du temps très plan plan et malgré les nombreuses péripéties qui l'émaille un récit étonnement anti spectaculaire. Malgré tout ça c'est pourtant un western unique en son genre, très attachant et surprenant par son ton atypique. Le scénario (officieusement signé Howard Hawks et Ben Hecht entre autre) se propose de nous offrir une vraie relecture des figures mythique de l'Ouest que sont Billy The kid, Doc Holliday et Pat Garret. Loin des tueurs chevronnés qu'on connaît, on découvre ici à travers l'amitié vacharde Doc Holiday/ Billy The Kid de grands enfants qui passent leur temps à se chamailler la propriété d'un cheval.
Walter Huston campe un Doc Holiday roublard et malicieux qui se plaît à titiller la susceptibilité à fleur de peau d'un Billy The Kid excellemment interprété par Jack Bueler, grand gamin boudeur et capricieux dont la profonde violence peut néanmoins ressurgir à tout moment. Entre blagues potaches et gros coup de sang leur relation conflictuelle fait des étincelles et culmine dans une amorce de duel final dont la réconciliation amène une des séquences les plus autre du film, Pat Garret piquant une crise de jalousie tendancieuse lorsqu'il voit les deux compères se rabibocher.
Autre élément perturbateur, le personnage de Jane Russell qui non content d'être victime des séquences les plus machistes du film (Billy The Kid souhaitant récupérer son cheval contre elle) se voit filmée par ce pervers de Hughes de manière très perturbante. Le réalisateur passe ainsi plus de temps à cadrer ses décolletés pigeonnant qu'à soigner ses plans, notamment une poursuite à cheval avec des indiens où l'attention se focalise sur la poitrine opulente de Russell qui tressaute alors qu'elle galope. A la longue le procédé dont on s'interroge encore de l'utilité (Jane Russell fut une des nombreuses maîtresses hollywoodienne de Hughes qui lança sa carrière avec ce film) fini par être très déstabilisant même pour le spectateur moderne moins susceptible d'être choqué.
D'autres séquences chargé d'érotisme vont attirer les foudres des censeurs du code Hays (on peut en apercevoir les démêlées dans le Aviator de Martin Scorsese) comme celle où elle se déshabille pour réchauffer un Billy fiévreux, un baiser en gros zoom avant sur sa bouche où une baignade tout habillé laissant plus qu'apparaitre ses formes. Ces outrances ainsi que le ton léger et tendu à la fois annonce presque certains western décontractés des 70's comme Butch Cassidy et le Kid ou les moments les plus outranciers des futurs westerns spaghetti et donnant un cachet unique au film. Ultime audace, une belle pirouette finale offre une relecture sympathique de la légende où le face à face entre Billy et Pat Garret prend un tour inattendu tout en restant dans la tradition.
Disponible en dvd zone 2 dans une copie honnête chez Arcade Video mais devrait être réédité en 2011 par Wild Side dans un bien meilleur transfert à n'en pas douter.
'Inspecteur Somerset, un vieux flic blasé, est à une semaine de la retraite. Le voilà obligé de faire équipe avec son remplaçant, le jeune et impétueux David Mills. Leurs collaboration commence par un crime monstrueux : dans un sous-sol sordide, un homme obèse, ligoté à sa chaise, gît le nez dans son assiette; son estomac a éclaté Ce meurtre n'est que le premier d'une série : aucun rapport entre les victimes Sauf une mise en scène horrible qui s'inspire des sept péchés capitaux. La course contre la mort commence...
Au départ un bon pitch de thriller du samedi soir plus malin que la moyenne écrit par le très doué Andrew Kevin Walker, responsable plus tard de celui de Sleepy Hollow entre autre), doté d'une vraie noirceur et de scènes chocs dont un final tellement jusqu'au boutiste que personne dans la production n'envisage sérieusement qu'il terminera dans le film. Arrive David Fincher passablement traumatisé par sa première expérience derrière la caméra avec Alien 3 (1992) où il s'est totalement fait déposséder de son film (qu'il renie encore aujourd'hui au point de refuser l'opportunité d'enfin faire son director's cut pour le dvd alors qu'on lui en a offert la possibilité) par les exécutifs de la Fox. Le script de Seven va donc servir d'exutoire à Fincher qui va totalement le transcender.
Seven c'est tout d'abord une esthétique des plus révolutionnaires qui fit sensation à l'époque. Une indistincte et étouffante cité pluvieuse symbole du cauchemar urbain (et qui doit beaucoup Blade Runner (1982)) et une recherche extrême dans les décors et ambiances afin de coller au ton désespéré du film. Scènes de crime craspecs et glauques (l'ouverture avec la gourmandise met immédiatement dans le bain), murs suintant (décors exceptionnels de Arthur Max) et photo ultra sombre de Darius Khondji, l'imagerie du film de serial killer est définie pour les 10 ans à venir avec foule de copies pitoyable (le tréfond étant atteint avec les Saw). Le fameux générique de Kyle Cooper (qui gagne son ticket pour Hollywood avec) qui nous plonge dans l'esprit du tueur sur fond de Nine Inch Nails en dévoilant ses cahiers demeure également un modèle d'introduction. Il faudra que Fincher lui même revienne au genre avec Zodiac pour briser la chaîne de la médiocrité.
S'il cède bien volontiers au poncifs du buddy movie (tout le début avec l'antagonisme entre le vieux sage Freeman et le chien fou Pitt) le film s'avère bien plus profond qu'il n'en a l'air. Un ton des plus désespéré et nihiliste notamment à travers le personnage de Morgan Freeman, vieux flic usé ne croyant plus en la nature humaine et qui multiplie les répliques désenchantés (et voyant avec effroi John Doe reprendre ses thèses lors du dialogue en voiture lors du final) la plus terrible étant la dernière Ernest Hemingway once wrote, "The world is a fine place and worth fighting for." I agree with the second part. L'ensemble dévoile un constat des plus noir sur la nature humaine, l'apathie et le mal de vivre urbain qui culmine avec le triomphe du mal lors du final.
Grand admirateur du cinéma des 70's (dont le Klute (1971) de Pakula, son film préféré ça se ressentira encore plus dans Zodiac), Fincher en applique les recettes dans le film avec une première heure plus posée pour développer son intrigue (passé les deux premiers crimes pour donner le ton) et développer ses personnages avec l'apprivoisement progressif entre Mills et Somerset, ainsi que l'introduction du personnage peu présent mais si important de Gwyneth Paltrow. En résulte quelques beaux moment comme la très élégante séquence de la bibliothèque, le dîner chez Mills ou encore l'entrevue matinale entre Somerset et Tracy qui nous rendent immédiatement les personnages attachant. Freeman est impeccable en vieux sage et Pitt trouvait là un de ses meilleurs rôles, traits tirés et tout en nervosité, on est loin du bellâtre de Légende D"Automne.
Le raffinement et le sadisme apporté dans les crimes de Doe les rendent plus terrifiant encore que si on avait assisté à leurs exécutions avec un Fincher particulièrement inspiré et méticuleux. La gourmandise avec son obèse empiffré à mort est des plus répugnantes, la mise en scène virtuose de la mythique séquence de la paresse (avec un maquillage terrifiant de Rob Bottin) retourne toujours le coeur par son coup de théâtre même après plusieurs visions et on est sacrément heureux et soulagé que les meurtres ne soit pas filmés quand arrive l'explication du crime de luxure. Loin de ne donner que dans l'esthétisant, Fincher nous concocte également une course poursuite des plus percutante et inattendue à la steadycam qui évoque le meilleur de French Connection.
La dernière partie tétanisante fait toujours son effet, presque plus fort encore quand on revoie le film (John Doe qui change ses plans après le face à face avec Mills, les dialogues où il le prévient mystérieusement de son destin, le sang sur lui dont on devine fatidiquement désormais la provenance lorsqu'il se rend à la police) avec une gestion incroyable du suspense de Fincher et un Brad Pitt au bord de la rupture lors du climax final. Dans une apparition aussi brève que mémorable Kevin Spacey incarne vraiment la représentation du mal absolu en 1995 puisque viendra plus tard dans l'année le terrifiant Keyzer Söze de Usual Suspect (1995).
Disponible depuis longtemps déjà dans une somptueuse édition dvd zone 2 français et bluray chez Metropolitan
Trente ans déjà... Les derniers épisodes de la guerre, de la Résistance italienne contre le nazisme... Gianni, Nicola et Antonio sont trois amis... Mais, la guerre finie, la paix sépare le trio. L'un, Nicola, est marié et professeur dans une petite ville de province. L'autre, Antonio, brancardier dans un hôpital de Rome. Le troisième, Gianni, avocat-stagiaire chez un grand du barreau. Mais dans l'Italie de l'immédiate après-guerre, il est difficile de réussir avec des idées de gauche : communistes et socialistes sont écartés du gouvernement par les émocrates-chrétiens. Chacun des trois amis va donc suivre sa propre voie selon son caractère et le hasard des rencontres. Les années passent. Nicola, Antonio et Luciana se retrouvent par à coups et par hasard : au détour d'une rue, d'une émission de télévision, d'une liaison éphémère... Le temps des bilans est arrivé.
Sans doute la comédie italienne la plus populaire en France et qui sera même récompensée d'un César, et un des derniers grands sursauts d'un genre en perte de vitesse. Trente ans d'histoire de l'Italie vue à travers le destin de trois personnages représentant chacun une figure sociale et politique. La bourgeoisie avec Gianni campé par Vittorio Gassman (de nouveau en ordure mais plus humain que chez Risi) dont le bon fond sera rapidement corrompu par son ambition, la gauche intellectuelle avec Stefano Satta Flores (dans un personnage voisin du Alberto Sordi de Une Vie Difficile de Risi) qui va perdre famille et carrière pour ses idéaux et le prolétariat avec Antonio joué par Nino Manfredi, finalement le personnage le plus équilibré du film et qui malgré quelques aléas est celui qui s'en sortira le mieux.
Autour de ses trois là papillonne Stefania Sandrelli qui passe de l'un à l'autre et souhaite mener une carrière d'actrice. L'évolution de ce petit monde permet à Scola d'établir un constat amer et désabusé sur tout les espoirs déçu de l'Italie d'après guerre qui pensait faire évoluer la société dans le bon sens. Au contraire les intellectuel s'avèrent être des égocentriques qui parlent plus qu'il n'agissent (Nicola), la soif de réussite entraîne la corruption et l'enrichissement des plus cyniques (Gianni mais aussi le personnage du beaux père archétype de l'entrepreneur véreux) et la vie est de plus en plus difficile pour les plus pauvres (les hauts et surtout les bas de la carrière de Antonio).
Parallèlement à ça, Scola dresse également en filigrane une histoire du cinéma italien. Tout d'abord par le cadre et la mise en scène avec un début en noir et blanc fleurant bon le néo réalisme avec nos personnages évoluant des des milieux populaires et luttant encore pour survivre. Puis avec des références directes comme me personnage de Nicola admirateur de Vittorio De Sica (extrait du Voleur de Bicyclette et les déboires qui en résultent pour lui dans un jeu télévisé) qui apparait en personne (décédé peu après le tournage, le film lui est dédié), la reconstitution du tournage d'une séquence de La Dolce Vita avec Fellini et Mastroianni dans leurs propre rôle (prouvant la grande famille que constituait le cinéma italien) où encore les références à Rosselini. On peut aussi citer l'apparition d'images issues de L’éclipse d'Antonioni et pour rester dans la vine cinéphile le moment où Stefano Satta Flores décrit la scène des escaliers du Cuirassé Potemkine.
Les seconds rôle ne sont pas en reste comme le très beau personnage de Giovanna Ralli, jeune fille simple devenant une intellectuelle par amour mais qui finira tragiquement. Une thématique universelle sur le renoncement aux idéaux mais qui trouve une résonance particulière à travers l'histoire italienne, pour ce qui est sans doute le meilleur Scola avec Affreux, Sales et Méchants.
Charles Lepicard, Maître Lucas Malvoisin et Éric Masson veulent monter une affaire de « fausse mornifle ». Éric pense avoir « à sa pogne » un graveur hors pair, celui d'un certain Mandarès, Robert Mideau, le « Cave », c'est-à-dire dans le langage des truands, un être ordinaire, crédule et ignorant des pratiques et des codes du milieu.
Mais l'affaire ne devient possible qu'avec le concours de Ferdinand Maréchal alias « Le Dabe », ancien faux-monnayeur de haute volée. Retiré sous les tropiques après une dernière affaire ratée, il reçoit la visite de Charles qui lui propose un dernier coup d'anthologie sur le Florin. Le Dabe accepte de s'occuper de l'affaire et revient à Paris. La fine équipe se met au travail. Sous la houlette du Dabe, Robert Mideau ne se montrera pas aussi « cave » que prévu…
Deux ans avant Les Tontons Flingueurs, le film de Grangier traçait toutes les grandes lignes de la comédie policière à la française. C'est en fait une adaptation d'un roman de Albert Simonin dont il ne reste pas grand chose hormis la trame principale, le livre étant le 2e volet d'une trilogie comprenant Touchez pas au grisbi et Les Tontons Flingueurs et narrant les aventures du truand vieillissant Max Le Menteur qui se verront grandement modifiées dans les versions filmiques. Gilles Grangier illustre à merveille le scénario brillant co écrit avec Simonin et Audiard, ce dernier livrant un festival quasi ininterrompu de répliques d'anthologie.
Gabin est génial en faux monnayeur chevronné, sûr de sa force et hautement méprisant envers les abrutis qui lui servent de complices notamment un Bernard Blier excellentissime. Maurice Biraud, éternel et grand second rôle, livre une de ses meilleures prestations en "cave" qui ne s'en laisse pas compter et est avec Gabin le seul personnage vraiment droit (à sa manière) du film tandis que Blier, Villard et Balpetré constituent des acolytes retords et cupides, aux antipodes du professionnalisme assuré du Dabe. A noter aussi une Martine Carol sur le déclin et très amusante en greluche adultère et un peu idiote régulièrement rabrouée par Gabin ainsi que ce bon vieuxux Robert Dalban dans un petit rôle de flic . Sous la rigolade et les bons mots, l'art de la fausse monnaie est vraiment bien traité avec tout un processus très documenté que ce soit l'aspect technique ou la manière codée et discrète dont s'effectue les transaction, ça reste crédible de bout en bout.
Le film aligne les scènes cultes comme lorsque Gabin raconte sa combine ratée avec le florin, son outrance pour amadouer Biraud où encore la conclusion (énorme lorsqu'il file une énorme gifle à Villard "Et ça c'est une surprise ?") en forme d'arnaque parfaite. Un vrai plaisir pour l'amateur de ce type de polar français sous ce mode léger.
Et petit florilège de Audiard parce que c'est bon !
- Ah évidemment j'en suis pas encore aux toiles de maître, mais enfin c'est un début!
- Oh... c'est un début qui promet. Mais tu vois si j'étais chez moi comme tu le disais si gentiment, bah j'mettrai ça ailleurs.
- Qu'est-ce que je disais, y s'rait mieux près de la fenêtre. Tu le verrais où toi ?
- À la cave.
B.Blier/J.Gabin
- Entre nous, Dabe, une supposition... Hein, je dis bien une supposition, que j'ai un graveur, du papier, et que j'imprime pour un million de biftons. En admettant, toujours une supposition, qu'on soit cinq sur l'affaire, ça rapporterait, net, combien à chacun ?
- Vingt ans de placard. Entre truands, les bénéfices ça se partage, la réclusion, ça s’additionne. B.Blier/J.Gabin
- J't'enverrai un gonze dans la semaine. Un beau brun avec des petites bacchantes. Grand. L'air con
- Ca court les rues les grand cons.
- Oui mais celui là, c'est un gabarit exceptionnel! Si la connerie se mesurait, il servirait de mètre étalon! Y serait à Sèvres! J.Gabin / F.Rosay
Seule pour élever ses filles après le départ de son mari à la guerre, Anne Hilton reçoit de nombreuses lettres de celui-ci et aime partager leur lectures avec ses filles. Mais un jour, elle reçoit un avis de disparition.
Adaptation d'un roman de Margaret Buell Wilder, une belle production O'Selznick qui s'attarde sur les laissés pour compte des récits sur la Seconde Guerre Mondiale à savoir les familles dont les membres furent mobilisés au front. Sans réelle intrigue directrice, le film nous fait ainsi suivre la manière dont est vécue l'absence du père au sein de la famille Hilton, désormais réduite à la mère courage incarnée par Claudette Colbert et ses deux filles, l'adolescente Jane (Jennifer Jones) et la plus jeune Bridget (Shirley Temple).
Le poids du vide laissés par l'absent se manifeste dès la magnifique séquence d'ouverture où la caméra s'attarde sur son fauteuil vide, puis parcourant la pièce sur les objets évoquant le passé heureux de la famille. Tout les éléments sont là pour donner dans la mièvrerie agaçante (hormis l'odieuse mégère jouée par Agnès Moorehead tout les personnages sont globalement positif et ont un bon fond) mais la justesse des situations et l'interprétation inspirée distille finalement une incroyable chaleur et émotion.
Claudette Colbert incarne à merveille cette femme seule héritant sans y être préparée de l'entière gestion d'un foyer et alterne douce mélancolie et vraie légèreté avec brio. La plus impressionnante est cependant Jennifer Jones passant de l'ado insouciante à l'amoureuse transie puis la jeune femme accomplie avec une prestance et une grâce qui laisse pantois, pas la plus spectaculaire de ses performances (on est loin des rôle sulfureux et volcanique qui feront sa gloire) mais sûrement la plus touchante. Shirley Temple complète le trio pour un de ses premiers rôles adolescent (si ce n'est le premier) où elle s'avère tout aussi pétillantes que dans ses interprétations enfantines (elle parait d'ailleurs bizarrement plus jeune que dans I'll be seing you sorti la même année).
La vie continue donc au rythme des amours et amitiés naissante tandis que l'attente fébrile des nouvelles du front pèse tel une chape de plomb dans l'esprit de chacun. C'est réellement un films de personnages ici nombreux à graviter autour des Hilton et dont le caractère et les problématique oriente chaque direction narrative du film. Robert Walker (mari de Jennifer Jones à la ville avant qu'elle soit avec David O'Selznick) est ainsi très attachant en soldat timide et emprunté amoureux de Jennifer Jones, ayant du mal à sortir de l'ombre de son bougon grand père campé avec énergie par Lionel Barrymore. Joseph Cotten amène une légèreté bienvenue avec sa figure d'oncle (presque une lecture positive de son personnage de L'Ombre d'un Doute amusant) séducteur au bagout irrésistible. Sous ce détachement il tire également son épingle du jeu en dévoilant subtilement les réels sentiments qu'il a pour Claudette Colbert.
D'un début très drôle et insouciant, le ton du film avance dans une certaine mélancolie alors que le manque de l'autre se fait sentir et que les drames rattrapent forcément la famille. L'alchimie entre les trois actrices fait merveille que se soit la communion lors de la lecture des lettres du père au coin du feu ou la réaction de chacune lors des moments douloureux tel cette réaction digne et bouleversante de Jennifer Jones à une terrible annonce pour elle.
Nous sommes dans une production O'Selznick donc en dépit du ton intimiste, les moments visuellement spectaculaires abondent : une séquence de bal extraordinaire aux décors impressionnants et surtout scène de séparation à la gare qui multiplie les prouesses et transcende totalement l'émotion du moment,fabuleux. Tout juste reprochera t on peut être une longueur un poil excessive, les 3h se font clairement ressentir dans la dernière demi heure mais le film est tellement vibrant (superbe musique de Max Steiner) et plein de grâce qu'on pardonnera aisément ce petit défaut.
Sorti en dvd zone 1 chez MGMet doté de sous titres français
Le magnifique pré générique d'ouverture et la première séquence sur la belle musique de Max Steiner
L’architecte Larry Coe, marié et père de famille, se retrouve pris dans une relation complexe avec la belle Maggie Gault, une voisine ayant elle-même une famille.
Sous leur aspect faussement policé et grand public, les mélodrames à succès de Douglas Sirk auront largement contribué à l’évolution des mœurs dans l’Amérique des années 50. Ces films « ripolinés » et léchés, ciblant les ménagères, abordaient des questions audacieuses comme le racisme, la médisance ou l’adultère. D’autres mélodrames moins marquants lui emboîtèrent le pas durant la décennie. A Summer Place de Delmer Daves osait ainsi parler de la sexualité adolescente tandis qu’un ancêtre des soap operas (format dans lequel il fut d’ailleurs adapté par la suite) comme Peyton Place de Mark Robson traitait des noirs secrets d’une petite ville américaine impliquant viols, inceste et meurtre. Liaisons secrètes, sorti en 1960, témoigne de cette liberté nouvelle et annonce les œuvres plus ouvertement dérangeantes des années à venir. Sur une structure dramatique calquée sur Brève Rencontre de David Lean, le film de Richard Quine ne se contente pas de traiter l’adultère sous l’angle de la seule culpabilité, mais l'utilise pour des questionnements plus profonds qu'il implique sur les transformations de la société américaine de l’époque.
Liaisons secrètes analyse, à travers les motifs qui vont rapprocher les amants, les mutations en cours d’une Amérique à la veille des bouleversements majeurs des 60’s. Le personnage de Kirk Douglas interroge notamment la place de l’homme, sa fonction et ses aspirations, sorti de ses obligations à subvenir aux besoins de sa famille. Architecte brillant, Larry Coe est peu satisfait de sa vie, enfermé dans un train de vie conformiste.
Par son souhait de ne travailler que pour des projets novateurs et stimulants, il fait preuve d’un volontarisme et d’un libre arbitre peu en rapport avec son statut de chef de famille. Incompris par sa femme le poussant à choisir des emplois plus lucratifs, il est en quête d’autre chose que ce que le monde moderne lui réclame (travailler dur et nourrir les siens). Les discussions qu’il partage avec le personnage d'Ernie Kovacs, écrivain pour qui il construit une maison hors norme, sont à ce titre passionnantes sur la perte de repères de la figure masculine. Kirk Douglas offre une de ses plus poignantes prestations sous les traits de ce Larry Coe, anticipant grandement son futur rôle dans L’Arrangement d'Elia Kazan.
La présence froide, éthérée et sensuelle de Kim Novak sied à merveille à son personnage de femme esseulée. Le film se montre là tout aussi audacieux autour de cette mère de famille ordinaire, affirmant son désir et sa frustration. Quelques indices et dialogues en filigrane nous indiqueront que, élevée par une mère abusive aux mœurs légères, elle s’est mariée avec le premier venu lui permettant de quitter sa situation. Désormais mariée et mère, elle n’en est pas plus satisfaite pour autant. Une scène est particulièrement marquante quant à la rupture entre la mentalité masculine ordinaire des 50’s et l’affirmation moderne de la féminité. Kim Novak accueille son mari rentré du travail en se montrant particulièrement pressante, l’ « allumant » corsage défait et tout en poses suggestives provocatrices de désir. Ce dernier, homme de la vieille école, se montre tour à tour faussement indifférent puis décontenancé car incapable de comprendre que l'expression de la libido puisse émaner de manière aussi affirmée du sexe faible (en tout cas pas s'il s'agit de sa propre femme).
Tant au niveau des dialogues que des situations équivoques, le film est d’ailleurs assez précurseur dans son rapport au sexe, abordé sans détour ni métaphore (inoubliable moment où Douglas dit à Novak « I want make love to you » de manière crue et directe). Confrontés à leur solitude respective et à l’incompréhension de leur entourage, Larry et Maggie sont donc fin prêts à entamer leur liaison, mais seront rattrapés par le règne des apparences.
La relation entre Kirk Douglas et Kim Novak s’avère des plus poignantes, en grande partie par le jeu fragile de cette dernière. L’actrice évolue en toute confiance avec Richard Quine, son réalisateur fétiche avec qui elle tournera trois films ( la belle screwball comedy teintée de fantastique, L’adorable voisine, la comédie loufoque L'Inquiétante Dame en Noir ou le film noir Pushover). Elle se met grandement en danger avec ce personnage de femme glaciale et fuyante dont la distance et les refus sont autant d'appels du pied inconscients que ne manquera pas de déceler Kirk Douglas. L’alchimie entre les deux est parfaite, le désir et la complicité se dégageant de toutes leurs scènes communes, même avant que la relation adultère ne soit entamée. Un lien fragile mais sincère entre ces deux êtres, bientôt obscurci par le cadre dans lequel ils évoluent.
Tim Burton n’aura eu de cesse de l’affirmer dans certains de ses meilleurs films comme Edward aux mains d’argent : les banlieues pavillonnaires proprettes made in US ne sont qu’hypocrisie et malveillance. Le couple va ainsi peu à peu se désagréger, précisément à cause de ce cadre malsain. Une première scène nous aiguille avec une douloureuse confession de Kim Novak révélant avoir subi un quasi-viol un an plus tôt dans le quartier. Plus tard, ce sera au voisin sournois et faussement puritain campé par Walter Mathau (sa bonhomie rassurante cachant une vraie perversité) de tenter sa chance avec la femme de Douglas (jouée par Barbara Rush), profitant d'avoir précédemment découvert la liaison des héros.
Comme dans Brève Rencontre, on use ici de l’artifice de la promotion à l’étranger (construire une ville dans la jungle hawaïenne pour Kirk Douglas) pour rendre définitive la séparation des amants. Loin d’être une facilité, ce choix aura été appuyé par la force des dernières scènes montrant le paisible quartier sous son vrai jour, une prison oppressante et malsaine. S’aimant d’un amour pur, Larry et Maggie sont donc contraints de se quitter, et c’est dans la maison fraîchement construite, symbole d’espoir et de déception, qu’ils vont se voir pour la dernière fois, fantasmant l’existence qu’ils auraient pu y mener.
A l’image du reste du film, Richard Quine filme le moment tout en sobriété, au plus près des personnages, le montage et les cadrages appuyant la force de chacun de ces derniers regards. Volontairement dépourvue de l’emphase picturale d’un Douglas Sirk ou de la dramatisation exacerbée du David Lean de Brève Rencontre, la conclusion reste à la hauteur touchante et pathétique de ses héros, renonçant au vrai bonheur. Les larmes de Kim Novak et sa voiture s’éloignant vers une existence morne seront les dernières images de cette fin magnifique.
Classique oublié, Strangers when we meet mérite grandement d’être redécouvert tant il s’affirme comme une des plus belles réussites du mélodrame moderne.