Dempsey Rae et Jeff
Jimson arrivent au Wyoming, dans une petite ville de l'ouest, où ils cherchent
du travail. Ils sont embauchés par Strap Davis, le contremaître du ranch Le
Triangle, dont la propriétaire est Reed Bowman, laquelle s'y entend à mener ses
affaires. Elle a pour voisin Tom Cassidy qui décide de clôturer ses terres de
fil barbelé, pour les protéger du bétail en divagation. Mécontente de Strap,
Reed le renvoie et nomme à sa place Dempsey qui n'apprécie pas — il en a
souffert autrefois — cette pose de clôture. C'est bientôt l'affrontement avec
Tom et ses hommes, menés par Steve Miles…
Presque dix ans après son mythique Duel au soleil (1946), King Vidor renoue avec le western quand il
réalise ce Man without a star. Le
film constitue une commande Universal destiné à combler un trou dans l’agenda de Kirk Douglas entre de deux productions et le tournage
devra se faire en quatre semaines. Le scénario de Borden Chase embrasse un thème
emblématique du western américain de cette période (Je suis un Aventurier d’Anthony Mann(1954) , La Chevauchée des bannis d’André de Toth (1959) à savoir les
conflits entre éleveurs, propriétaires terriens, causés par la fin des open range où les troupeaux de chacun se
nourrissaient en commun pour une séparation signifiant le territoire de chacun –
et la fin de l’Ouest sans frontière soudain délimité par des barbelés. Le sujet rejoint cependant totalement les préoccupations de
Vidor qui montre là les limites de l’utopie collectiviste qu’il magnifia dans Notre pain quotidien (1934).
L’open range que se partagent en bonne
intelligence des éleveurs du Wyoming est ainsi bouleversé par l’arrivée massive
du troupeau de la nouvelle venue Reed Bowman (Jeanne Crain). L’individualisme
et une forme de capitalisme sauvage guide sa démarche où elle ne se soucie pas
d’affamer les troupeaux des autres qui en retour prendront la démarche radicale
de poser des barbelés. Le héros Dempsey Rae (Kirk Douglas) navigue entre ces
deux eaux, fuyant l’horizon limité que symbolisent les barbelés mais également
victime par le passé d’éleveurs abusant de leur prérogative. Kirk Douglas par
son allant et sa gouaille incarne ces temps heureux d’aventures et d’insouciance
où les grands espaces appartenaient à chacun. Il inculque ses valeurs au jeune
et fougueux Jeff (William Campbell) et nous fait ainsi découvrir cette
existence dans une joyeuse première partie.
Avec l’arrivée du personnage de Reed Bowman surgit la
sophistication (le running-gag de la salle de bain intérieure), la duplicité et
l’individualisme à travers cette femme prête à tout pour imposer son élevage au
détriment du bien collectif. Kirk Douglas incarne aussi à sa manière les
personnages individualistes typique de Vidor, préférant la fuite en avant et la
rébellion plutôt que de se soumettre aux nouvelles règles. Il anticipe là son
rôle dans Seul sont les indomptés (1962)
de David Miller même si le film de Vidor constitue un sursis à cette fin d’un
monde. Kirk Douglas n’est pas encore un vestige d’un autre temps comme dans le
film de David Miller mais seulement un doux-rêveur qui acceptera le changement
(les barbelés plutôt que la tyrannie du plus fort) sans s’y soumettre comme le
montrera le final.
La relation entre King Vidor et Kirk Douglas fut
conflictuelle durant le tournage, le très interventionniste acteur-producteur
se plaignant de la lenteur d’exécution et des choix du réalisateur – il se
vantera d’avoir plus ou moins co-réalisé le film tandis que Vidor y verra une œuvre
mineure de sa filmographie. L’aura de Vidor transparait pourtant à l’écran, la
puissance des cadrages dans les grands espaces oscillant entre réalisme et
stylisation dans de superbes morceaux de bravoures (l’épique assaut final du
troupeau). L’érotisme brûlant et les éclairs de violence inattendus nous
rappellent bien aussi que malgré les entraves c’est bien le réalisateur du
Rebelle (1948) et La Furie du désir (1952) qui est au commande. On regrettera juste que le
personnage passionnant de Jeanne Crain semble un peu sacrifié dans la
résolution finale et empêche le film d’aller au bout de sa thématique. Il n’en
reste pas moins un des grands westerns américains des années 50.
Sorti en dvd zone 2 français chez Sidonis
Un trés grand western assurérement.
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