Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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vendredi 18 mai 2018

L'Homme qui n'a pas d'étoile - Man without a Star, King Vidor (1955)


Dempsey Rae et Jeff Jimson arrivent au Wyoming, dans une petite ville de l'ouest, où ils cherchent du travail. Ils sont embauchés par Strap Davis, le contremaître du ranch Le Triangle, dont la propriétaire est Reed Bowman, laquelle s'y entend à mener ses affaires. Elle a pour voisin Tom Cassidy qui décide de clôturer ses terres de fil barbelé, pour les protéger du bétail en divagation. Mécontente de Strap, Reed le renvoie et nomme à sa place Dempsey qui n'apprécie pas — il en a souffert autrefois — cette pose de clôture. C'est bientôt l'affrontement avec Tom et ses hommes, menés par Steve Miles…

Presque dix ans après son mythique Duel au soleil (1946), King Vidor renoue avec le western quand il réalise ce Man without a star. Le film constitue une commande Universal destiné à combler un trou dans l’agenda de Kirk Douglas entre de deux productions et le tournage devra se faire en quatre semaines. Le scénario de Borden Chase embrasse un thème emblématique du western américain de cette période (Je suis un Aventurier d’Anthony Mann(1954) , La Chevauchée des bannis d’André de Toth (1959) à savoir les conflits entre éleveurs, propriétaires terriens, causés par la fin des open range où les troupeaux de chacun se nourrissaient en commun pour une séparation signifiant le territoire de chacun – et la fin de l’Ouest sans frontière soudain délimité par des barbelés. Le sujet rejoint cependant totalement les préoccupations de Vidor qui montre là les limites de l’utopie collectiviste qu’il magnifia dans Notre pain quotidien (1934). 

L’open range que se partagent en bonne intelligence des éleveurs du Wyoming est ainsi bouleversé par l’arrivée massive du troupeau de la nouvelle venue Reed Bowman (Jeanne Crain). L’individualisme et une forme de capitalisme sauvage guide sa démarche où elle ne se soucie pas d’affamer les troupeaux des autres qui en retour prendront la démarche radicale de poser des barbelés. Le héros Dempsey Rae (Kirk Douglas) navigue entre ces deux eaux, fuyant l’horizon limité que symbolisent les barbelés mais également victime par le passé d’éleveurs abusant de leur prérogative. Kirk Douglas par son allant et sa gouaille incarne ces temps heureux d’aventures et d’insouciance où les grands espaces appartenaient à chacun. Il inculque ses valeurs au jeune et fougueux Jeff (William Campbell) et nous fait ainsi découvrir cette existence dans une joyeuse première partie.

Avec l’arrivée du personnage de Reed Bowman surgit la sophistication (le running-gag de la salle de bain intérieure), la duplicité et l’individualisme à travers cette femme prête à tout pour imposer son élevage au détriment du bien collectif. Kirk Douglas incarne aussi à sa manière les personnages individualistes typique de Vidor, préférant la fuite en avant et la rébellion plutôt que de se soumettre aux nouvelles règles. Il anticipe là son rôle dans Seul sont les indomptés (1962) de David Miller même si le film de Vidor constitue un sursis à cette fin d’un monde. Kirk Douglas n’est pas encore un vestige d’un autre temps comme dans le film de David Miller mais seulement un doux-rêveur qui acceptera le changement (les barbelés plutôt que la tyrannie du plus fort) sans s’y soumettre comme le montrera le final.

La relation entre King Vidor et Kirk Douglas fut conflictuelle durant le tournage, le très interventionniste acteur-producteur se plaignant de la lenteur d’exécution et des choix du réalisateur – il se vantera d’avoir plus ou moins co-réalisé le film tandis que Vidor y verra une œuvre mineure de sa filmographie. L’aura de Vidor transparait pourtant à l’écran, la puissance des cadrages dans les grands espaces oscillant entre réalisme et stylisation dans de superbes morceaux de bravoures (l’épique assaut final du troupeau). L’érotisme brûlant et les éclairs de violence inattendus nous rappellent bien aussi que malgré les entraves c’est bien le réalisateur du Rebelle (1948) et La Furie du désir (1952) qui est au commande. On regrettera juste que le personnage passionnant de Jeanne Crain semble un peu sacrifié dans la résolution finale et empêche le film d’aller au bout de sa thématique. Il n’en reste pas moins un des grands westerns américains des années 50. 

Sorti en dvd zone 2 français chez Sidonis 

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