1875. L'intraitable Rodock, éleveur de chevaux,
n'hésite pas à lyncher tout voleur surpris sur ses terres. Mais un
jour, cerné par une bande de malfrats, il ne doit son salut qu'à
l'arrivée de Steve Miller. Reconnaissant, il l'engage dans son ranch…
Le touche à tout Robert Wise aura finalement peu donné dans le western, La Loi de la prairie constituant sa troisième (Ciel Rouge (1948) et Les Rebelles de Fort Thorn
(1950) ayant précédé) et dernière incursion dans le genre. La star
initiale du film est supposée être Spencer Tracy mais une mésentente
avec Wise ainsi qu'une difficulté à supporter le tournage en altitude
l'amène à jeter l'éponge au profit de James Cagney dont l'identité
filmique n'est guère associée au western non plus. Il va pourtant
brillamment s'insérer dans le genre dans le rôle de Rodock, impitoyable
éleveur de chevaux. Le scénario de Michael Blankfort développe une trame
assez classique mais assez démystificatrice du genre. C'est un
sentiment qui naît à travers le regard du jeune "pied-tendre" Steve
Miller (Don Dubbins), épicier à la ville et aspirant à la vie de cowboy.
Après l'avoir sorti d'un mauvais pas, Rodock le prend sous son aile
pour lui apprendre le métier.
La rigueur et l'excitation
s'incarne donc à travers le charisme de Rodock pour le jeune homme, mais
il va peu à peu en découvrir la face sombre. Son élevage se trouvant
loin de toute civilisation et donc autorité légale, Rodock a appris avec
le temps à se protéger des voleurs en appliquant sa propre loi. Il
n'hésite donc pas à impitoyablement pendre les voleurs de chevaux, la
sentence radicale servant de dissuasion aux autres comme le souligne les
dialogues :
It's fear that keeps men honest. And with that hangin' today, I laid fear like a fence ten feet high, around my property !
Rodock
est une figure ambivalente entre cette férocité qu'il applique à
l'extérieur et la sensibilité dont il fait preuve dans l'intimité avec
sa compagne Jocasta (Irène Papas dans son premier rôle hollywoodien)
symbolisé par ce piano, objet délicat incongru dans ces terres sauvages.
Cette dualité semble pourtant de plus en plus dure à tenir, Jocasta
sentant bien que chaque tuerie altère toujours un peu plus la facette
lumineuse de Rodock. La galerie de second rôles remarquables (Lee Van
Cleef, Stephen McNally, Royal Dano) jouant les associés passés ou
présent de Rodock représentent ainsi la dérive néfaste -et se reflétant
physiquement et dans les attitudes- de l'existence de cowboy, là encore
souligné par ce remarquable dialogue de Jocasta mettant en garde Steve :
This
is not your kind of life. Look at the men in the bunkhouse : Baldy, and
Fat Jones, and Abe. Never a chance for a family, or a home. In ten
years, you're gonna' be like them - a "nobody" on a horse. That's what a
wrangler is : a "nobody" on a horse. With bad teeth, broken bones,
double hernia, and lice !
Le déchirement représenté par la
schizophrénie de Rodock s'affirme d'abord par le déchirement de chaque
sortie pour le couple, avant la vraie scène choc de la pendaison qui
fait basculer le film et amorce un triangle amoureux. La mise en scène
de Robert Wise fait ainsi souffler sur toutes les scènes d'extérieur un
vent de menace, les grands espaces voyant leur splendeur altéré par la
photo contrastée de Robert Surtees qui imprègne ainsi le récit du
caractère tempétueux de Rodock.
Tout peut voler en éclat à tout moment
par la moindre de ses sautes d'humeurs si les évènements tournent en sa
défaveur, si une attitude lui déplaît à travers une violence physique
autant que psychologique. L'interprétation de James Cagney est
remarquable, culminant dans un long final où sa sentence ne sera pas
meurtrière mais particulièrement douloureuse dans une idée reprise plus
tard par Sergio Leone dans Le Bon, La Brute et le truand
(1966). Au bout de la souffrance et de la cruauté, c'est le moment de
vérité qui verra notre héros se remettre enfin en question. Une belle
réussite qui sur un postulat archétypal se montre finalement singulier
et captivant.
Sorti en dvd zone français chez Warner
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