Un couple d'italiens
Walter et Eve Mancini, un journaliste ivrogne et sa très sensuelle épouse,
voyage au sud de la Californie en caravane. Ils prennent en stop un malfaiteur
en cavale, Adam Konitz, qui s'avèrera être également un peu psychopathe...
Pasquale Festa Campanile est une figure injustement oubliée
du cinéma italien qui sut amener une touche singulière et subversive dans une
filmographie s’attachant dans l’ensemble à des genres populaires/commerciaux du
cinéma italien. Cette sensibilité vient d’un parcours avant tout intellectuel
qui le verra s’imposer en tant qu’écrivain reconnu avant de signer des scénarios
pour des réalisateur aussi prestigieux que Mauro Bolognini pour (entre autres) La Viaccia (1961), Elio Petri sur L’Assassin (1961) ou encore Dino Risi
avec Pauvres mais beau (1957).
Lorsqu’il
passera à son tour à la réalisation Campanile s’attache dans ses meilleurs
films à des questionnements progressistes sur l’identité sexuelle avec Le Sexe des anges (1964) traitant des
castrats ou plus tard la notion
transgenre et l’homosexualité dans Personne...
n'est parfait ! (1981) ou Più bello
di così si muore (1982). C’est dans la comédie sexy que le réalisateur
donnera son meilleur avec les excellents L’Amour à cheval (1968) et Ma femme est un violon (1971). Campanile y traite des relations homme/femme, la notion de
domination/soumission au sein du couple et la manière dont une sexualité
différente peut le détruire et/ou le raviver. Le fantasme y est interrogé dans
sa facette pouvant être ludique ou oppressante selon qu’il est partagé ou
forcé.
La Proie de l’autostop
semble au premier abord détoner dans cet ensemble puisqu’il s’agit d’un pur
thriller, s’inscrivant de plus dans le sous-genre controversé du rape and revenge. Dès l’introduction où
en pleine partie de chasse la lunette du fusil de Walter (Franco Nero) hésite
entre un cerf et son épouse Eve (Corinne Clery) comme proie, le ton est donné.
Marié à la fille de son patron, Walter est un macho blessé dans sa virilité et
noie son dépit dans l’alcool ou en rudoyant sa femme. L’agressivité est autant
verbale que physique avec une sexualité brutale du couple où la frontière est
mince entre élans fiévreux et viol conjugal. Eve le soulignera d’ailleurs par
un dialogue cinglant quand elle verra de jeunes amoureux coucher ensemble dans
leur camping : « Eux ils couchent ensemble, nous on baise ».
Cette tension va s’accentuer lorsque le couple (roulant sur les routes
californiennes) va prendre en stop Adam Konitz (David Hess) malfrat en cavale
et inquiétant déséquilibré. La cohabitation forcée va façonner un triangle « amoureux »
des plus destructeurs.
Adam est un monstre imprévisible qui exacerbe les maux du
couple, son machisme n’étant qu’un avatar dément de celui de Walter et dont Eve
est à la fois la victime et complice pour se venger de son époux. Campanile
montre la graduation de ce schéma, d’abord dans la conversation durant le
trajet où Adam manipule les époux et les place face à leurs contradictions dont
il s’amuse. Le trio s’allie et s’oppose au fil d’un récit reposant sur la pure
tension psychologique mais aussi des mécanismes de thriller sous influence. La
présence de David Hess ravive ainsi le souvenir douloureux de La Dernière maison sur la gauche de Wes
Craven (1972) dont il était l’inoubliable méchant, l’angoisse latente sur fond
de grands espaces naturels et routiers rappelle le Duel (1971) de Steven Spielberg, le tout étant zébré d’élans
sanglants typiques du cinéma de genre italien.
Campanile ajoute à l’ensemble une
ironie éclatante dans l’hyper masculinité caricaturale des deux protagonistes
masculin, la monstruosité d’Adam donnant un mimétisme progressif à l’attitude
de Walter. Le réalisateur brise même les barrières morales dans la scène où
Adam abuse d’Eve, le choc étant démultiplié de façon inattendue : la
souffrance de la jeune femme se confond ainsi à une vengeance plus ou moins consciente
envers son mari dont la sacrosainte virilité est brisée en assistant impuissant
à l’acte.
Cette ironie se traduit aussi dans la distance que crée le
scénario quand Adam demande à Walter (qui est journaliste) d’écrire sa
biographie (amorçant leur étrange complicité) en y réclamant du « sang et
beaucoup de sexe ». Dès lors tous les rebondissements violents du film
semblent obéir à ce cahier des charges que le geôlier souligne dans les
dialogues avant chaque nouvelle exaction. L’excellent bande-original d’Ennio
Morricone alternant le registre du pur suspense avec la valse psychédélique
gorgée de chœurs féminins participe également à cette distance qui fait de l’ensemble
du film une fable grotesque et inquiétante sur les rapports de couple. La
citation finale d’Heinrich Böll est sans appel :
« Il n’y a pas de
problème de couple : il y a le problème d’un homme et le problème d’une femme.
Et il n’y a qu’une solution : la mort. »
Sorti en dvd zone 2 français chez Artus
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