Mario Ravicchio, un attaché de presse financier
"légèrement" à court d'argent, accompagne une compagnie de production
italienne pour un voyage d'affaire en Argentine, afin de présenter un
film lors d'un festival. Quand ce n'est pas avec les femmes, il passe le
plus clair de son temps, a essayer de gagner un maximum d'argent, soit
aux paris, soit en soutirant de l'argent auprès d'un italien expatrié,
devenu un riche et prospère industriel...
Il Gaucho
est une des plus belles réussites du duo Dino Risi/Vittorio Gassman. Un
des atouts du film vient de son processus d'écriture singulier. Au
départ il y a le postulat imaginé par Dino Risi d'une satire de cinéma
se déroulant en suivant l'équipe d'un film durant un festival. Joignant
l'utile à l'agréable le réalisateur choisit pour cadre le Festival de
Mar Del Plata en Argentine durant lequel il tournera le film. La
production soutient le projet mais Risi n'a qu'un mois pour pondre son
scénario avant le début du festival et il s'envole donc pour l'Argentine
en compagnie de son scénariste Ettore Scola. En journée Risi parcours
le pays, repérant autant les lieux de tournages potentiels que les
personnalités rencontrées dont il rapporte la description à Scola qui
doit en alimenter son script. Le film débute sans scénario définitif et
la méthode improvisée se poursuit, Scola travaillant d'arrache-pied pour
alimenter Risi de scènes à filmer pour le lendemain, d'autant que les
comédiens s'ajoutent également au processus créatif. Ces conditions
amèneront une étonnante fluidité et spontanéité au film, la progression
dramatique naissant plus de l'évolution des personnages que d'une
construction narrative de séquences.
Vittorio Gassman retrouve
ici un de ses fameux emplois de "Mattamore" arrogant en incarnant Mario
Ravicchio, attaché de presse accompagnant l'équipe d'un film pour un
festival en argentine. La satire bat son plein dès la caractérisation de
l'équipe avec deux bimbos écervelées, une actrice vieillissante ou
encore un scénariste gauchiste. Mario mène la petite troupe par sa
truculence et sa fourberie. L'hypocrisie et les faux-semblants règne
ainsi dès le départ, le festival et l'Argentine au sens large
représentant une manne dont il faut profiter. On s'amuse ainsi de voir
Mario habilement négocier la meilleure suite, esquiver le moindre
d'hôtel frais supplémentaire et se faire payer tous ses repas avec une
gêne toute calculée. Les séquences grinçantes s'enchaînent sans
discontinuer et n'épargnent personne telle cette conférence de presse où
les réponses illustrent l’égo de l’actrice déclinante Luciana (Silvana
Pampani), la pédanterie intellectuelle du scénariste (Nando Angelini) et
la profonde bêtise des deux starlettes (Annie Gorassini et Maria Grazia
Buccella).
Tous représentent un instantané monstrueux de l'Italie mais
qui fait pourtant briller les yeux de la population locale. Une des
originalités du film est en effet de montrer la diaspora italienne
expatriée depuis plus ou moins longtemps (et ayant plus ou moins
réussie) en Argentine. Cette nostalgie du pays introduit donc des
personnages haut en couleur comme le riche industriel Maruchelli (Amedeo
Nazzari) forçant jusqu'à la caricature son italianité, mais offre aussi
des séquences hilarantes comme cette dispute routière achevée dans le
rire quand Mario comprendra que son interlocuteur est romain - la
dimension régionale est un élément fondamental de la culture italienne
dont les scénaristes savent toujours bien tenir compte.
Le film
est constitué ainsi d'une suite de moments épars fustigeant autant les
locaux que les nouveaux venus, la vraie découverte du folklore du pays
(le tango, les gauchos) s'entrelaçant toujours à cette moquerie. En
l'état et même par ce pur prisme cynique Il Gaucho
aurait déjà été une excellente comédie. Mais c'est mal connaître Risi
qui va bercer l'ensemble d'une vraie mélancolie. Endetté jusqu'au coup
au pays, Mario compte sur l'aide de son ami Stefano (Nino Manfredi)
depuis dix ans en Argentine pour le renflouer. Leur rencontre fait de
faux-semblants et fanfaronnades fuyantes avant de s'avouer leur
dénuement respectif constitue une des plus belles scènes du film.
Risi
désamorce le vrai drame de l'instant en les montrant rieurs (mais c'est
bien le rire du désespoir) sur leurs déconvenues, la scène amenant le
ton plus désenchanté de la deuxième partie du film. L'Argentine
représente une "terre promise" où tous sont venus chercher quelque chose
en vain, et Risi s'éloigne de la caricature initiale pour scruter leur
détresse. Le riche industriel s'accroche à une identité italienne qui
s'estompe avec le déracinement, Stefano végète dans ce pays où il était
venu réussir, Luciana sous ses airs hautain subira le camouflet d'un
prétendant, sans parler de Mario dont les créanciers l'attendent à son
retour.
La structure atypique du film laisse ainsi cette
mélancolie se diffuser imperceptiblement entre deux éclats de rire
(l'apparition hilarante d'un sosie d'Hitler) et sans jamais adoucir les
personnages (Mario couchant avec l'épouse de Maruchelli), leur nature
attachante naissant de cette imperfection. Toute l'histoire constitue
ainsi une parenthèse enchantée estivale, insouciante et illusoire avant
un retour au réel difficile. Risi conclut fort heureusement sur une note
rieuse avec un dernier coup de griffe tordant quand un autre italien
renommé s'apprête à débarquer en Argentine (piétinant au passage le
semblant de sincérité des adieux). Vittorio Gassman entre grotesque et
vraie belle nuance est une fois de plus grandiose et trouve un de ses
meilleurs rôles chez Risi. L'expérience le marqua durablement, tout
comme Ettore Scola pour lequel le tournage fut une vraie aventure.
Sorti en bluray et dvd zone 2 français chez ESC
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