Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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dimanche 29 août 2021

All's Well, Ends Well - Ga yau hei si, Clifton Ko (1992)

Trois frères infortunés finissent par comprendre, grâce à leurs exploits et mésaventures amoureuses, que l'amour ne s'acquiert que par un effort de longue haleine et qu'il peut se perdre rapidement.

All's Well, Ends Well s'inscrit dans la tradition de l'industrie cinématographique hongkongaise consistant à sortir une grande comédie populaire lors du nouvel an chinois. Le film appartient au sous-genre du Mo lei tau (absurde), comédie cantonaise déjantée et nonsensique se caractérisant par ses ruptures de ton et ses gags loufoques. On peut voir les comédies de frères Hui durant les années 70 (Games Gambler Play (1974), The Private Eyes (1976), Mr Boo fait de la télévision (1978) ...) comme précurseur, Jackie Chan ou Sammo Hung flirtent également avec le genre durant la décennie suivante. Le Mo lei tau va cependant exploser dans les années 90 avec l'avènement de Stephen Chow qui lui donnera ses lettres de noblesse. Stephen Chow joue justement dans All's Well, Ends Well, où la comédie romantique classique est littéralement dynamitée par cette tonalité loufoque du Mo lei tau.

On va suivre les amours tumultueuses des trois frères Seung Moon (Raymond Wong), Seung Foon (Stephen Chow) et Seung So (Leslie Cheung). Seung Moon trompe allègrement son épouse Leng (Sandra Ng), fanée par le quotidien harassant de femme au foyer, avec sa jeune maîtresse Sheila (Sheila Chin). Seung Foon est quant à lui un impénitent séducteur qui collectionne les conquêtes grâce à son attractif métier de DJ. Il trouvera un défi à sa mesure en tentant de séduire Holli-yuk (Maggie Cheung), jeune femme ne voyant son existence que par le prisme du cinéma, de ses tenues vestimentaires à ses petits amis. Et enfin Seung So, grand échalas maniéré, semble le plus raisonnable de la fratrie sauf lorsqu'il se trouve en présence de sa cousine Leung Mo-seung (Teresa Mo) son opposé complet par ses attitudes de garçon manqué, les deux cédant à un antagonisme qui dissimule bien sûr de plus tendre sentiment. 

Nous sommes dans le versant le plus décomplexé de la comédie cantonaise et il faut s'accrocher en termes de rythme, rupture de tons, références culturelles et gags tous azimuts. Si l'on accepte la proposition, c'est un bonheur de tous les instants où sont rondement menés chacun des enjeux amoureux. L'outrance du jeu dans le phrasé et l'enlaidissement physique sont des éléments majeurs de caractérisations, notamment pour la femme au foyer Leng dont les tenues informes, le laisser-aller (le léger duvet lui dessinant un semblant de moustache) et le mauvais goût trahissent l'abandon d'un époux qui ne la regarde plus. Stephen Chow est génialement odieux en séducteur et le rapprochement avec Maggie Cheung déroule un festival de détournement des succès cinématographique du moment, de Ghost (la scène de poterie évidemment) à Pretty Woman ou Misery. Les occidentaux n'ayant pas l'habitude de la voir que dans les rôles iconiques, glamour et papier glacé chez Stanley Kwan ou Wong Kar Wai seront très surpris par son jeu tout en fantaisie et outrance où elle tient la dragée haute à Stephen Chow.

Les écarts des trois frères entrainent un bouleversement de l'équilibre du foyer à travers des rebondissements rocambolesques (divorce, amnésie, le finale façon John Woo) et des gags qui ne se refusent aucun grand écart : splapstick, scatologie, quiproquos en tout genre. Cela fuse dans tous les sens jusqu'à l'épuisement tout en restant constamment inventif et hilarant. Parmi les idées les plus folles, la botte secrète séductrice de Stephen Chow avec son "baiser de la Tour Eiffel » qui soulève le cœur et les corps des femmes qui ne peuvent que lui succomber, les deux-beaux-parents irrémédiablement scotchés devant leur poste de télévision, ou le tai-chi de Leung Mo-Seung capable de provoquer les réactions les plus vives par un simple massage de pied. 

Malgré le chaos ambiant, les trois intrigues amoureuses s'entrecroisent et se rejoignent de manière fluide avec en sous-texte une vision sans fard du modèle familial hongkongais et la place de la femme. La résolution s'équilibre habilement entre retour au modèle traditionnel et sa remise en question. Excellent moment donc même s'il est susceptible de de désarçonner les non-initiés à la comédie cantonaise. Le film obtiendra un succès immense au point de générer pas moins de sept suites, la dernière datant de 2020.

Sorti en bluray et dvd hongkongais sous-titrés anglais

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