C'est pour le compte de son ami Reese
que Walker, accompagné de sa femme, récupère dans la prison désaffectée
d'Alcatraz un magot de 93 000 dollars. L'opération réussit. Reese abat
Walker et emmène sa femme, qu'il convoitait depuis longtemps. Seulement
Walker n'est pas mort et n'a de cesse de châtier Reese et ses complices.
En 1964 Don Siegel réalisait
A bout portant mémorable remake du classique
Les Tueurs
de Robert Siodmak (1946) et faisait avec cette œuvre charnière la
bascule du film noir vers le polar urbain, nouvel étendard plus au gout
du jour du genre policier. On en retrouve deux protagonistes avec Lee
Marvin et Angie Dickinson dans
Point Blank
premier chef d'œuvre du genre signé John Boorman qui frappe un grand
coup avec ce qui est seulement son deuxième film. John Boorman adapte
ici
Comme une fleur, première
aventure de Parker, le héros dur à cuir d'une série de romans que lui
consacre Donald E. Westlake sous le pseudonyme de Richard Stark.
L'argument est simple : trahi par son ami Reese (John Vernon) et sa
propre épouse lors d'un coup, Walker (Lee Marvin) est abattu et laissé
pour mort mais il va revenir pour se venger et récupérer son butin.
Pitch simple pour un traitement qui l'est nettement moins. L'ouverture
montrant la préparation, la réussite du vol et la trahison se déroule
dans un kaléidoscope de scènes et d'images à la chronologie bouleversée
(on découvre d'abord le corps inerte de Marvin avant de comprendre la
raison de son état). Le mélange de polar nerveux et d'onirisme halluciné
prend d'emblée avec ce traitement et permet de soutenir une
interprétation qui tient tout au long du film : Walker n'a jamais quitté
l'île d'Alcatraz et toute l'intrigue est le long songe d'un homme
agonisant imaginant sa vengeance.
Les transitions surprenantes
nous embarquent dans un espace mental étrange qui nous fait douter de la
réalité de tout ce que l'on voit. Walker plus mort que vif parvient à
s'extirper de sa geôle et à nager tandis qu'en voix-off un speaker narre
l'histoire d'Alcatraz, voix venant du bateau touristique qui ramène
notre héros retapé en ville et bien décidé à faire payer la note à ses
ennemis. Boorman multiplie les idées de mise en scène alambiquées nous
plaçant dans l'esprit perturbé et déterminé de Walker, les attitudes
décalée de celui-ci renforçant le malaise.
Les bruit de pas envahissent
ainsi la bande son tandis que Walker cadré en biais avance vers
l'appartement de l'épouse indigne et y pénètre sans précaution pour
tirer dans le tas au ralenti. On navigue dans le psychédélique
expérimentale le temps d'une bagarre hargneuse dans une boite de nuit où
s'affirme l'invulnérabilité quasi surnaturelle du héros ("la ballade"
en voiture où il secoue un acolyte sans que lui-même n'ai la moindre
égratignure) ainsi que son caractère omniscient.
Une vieille amie
serveuse lui révèle tout ce qu'il veut savoir sans question, il traverse
tel un spectre (malgré un stratagème ingénieux) l'immeuble le
conduisant à Reese et cette détermination à récupérer son dû dont la
teneur ridicule étonne constamment ses adversaires (93 000 dollars pas
plus pas moins) font de lui un être presque abstrait et dévoué à son
seul but. Lee Marvin est un véritable monolithe dont l'humanité ne
s'exprime qu'à travers le regard des autres (le flashback de son épouse
sur leur rencontre, l'étreinte avec une Angie Dickinson peu avare de ses
charmes le provoquant alors qu'il n'a pas un regard pour elle),
taiseux, menaçant et cognant avant de discuter.
On retrouve aussi
cette dimension abstraite à travers cet insaisissable ennemi que
constitue l'Organisation, groupe de décideurs plus insignifiant les uns
que les autres anticipant l'idée largement utilisée par la suite d'une
pègre gérée comme une multinationale à col blanc où le sang versé tout
comme l'argent abondant circule dans l'ombre. Boorman filme Los Angeles
comme une ville aride et fantomatique où l'on aura plus aperçu les
villas abandonnées, les terrains vagues glauques et les parkings déserts
que les palmiers.
Le film oscille constamment entre une urbanité tout
de même assez prononcée et cet aspect parc d'attraction inquiétant. On
est définitivement convaincu d'être dans l'illusion lors de la dernière
partie de plus en plus étrange où la répétitivité et le mimétisme entre
les scènes qu'instaure Boorman rappelle la bizarrerie des rêves les plus
profonds. Naturellement tout s'achève là où tout a commencé, à
Alcatraz. Walker en retrait assiste à une relecture du vol d'ouverture
dont il n'est plus un acteur et alors qu'il peut enfin récupérer son
butin va se volatiliser.
Le rêve/cauchemar arrive à son terme et enfin satisfait, Walker va pouvoir retourner dans l'ombre. Quand le film
expérimental rencontre le vrai cinéma de genre divertissant, cela donne
cet ovni novateur auquel ne pourra jamais prétendre un Refn animé de
velléités voisines dans ses dernières productions. Loin de cette
sophistication, une autre adaptation fort divertissante verra le jour
plus tard avec
Payback (1999) de Brian Helgeland où un Mel Gibson teigneux reprend le rôle de Parker.
Sorti en dvd zone 2 français chez Warner
Bravo pour votre blog passionnant ! Je suis bien content que quelqu'un parle de ce film. Une grande claque quand je l'ai découvert. Quelle mise en scène !!!
RépondreSupprimerMerci ! Un des très grand Boorman effectivement vraiment un ovni du polar. Avez vous vu le remake avec Mel Gibson ? Je l'avais trouvé très efficace dans un style différent je serai curieux de le revoir surtout qu'un directo's cut parait il plus réussi circule en dvd...
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