Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

Pages

mardi 24 mars 2020

Agent X27 - Dishonored, Josef Von Sternberg (1931)


A Vienne au début de la Première Guerre mondiale, Marie, une jeune femme qui a perdu son mari sur les champs de bataille, doit se prostituer pour survivre. Remarqué par le chef des services secrets austro-hongrois, elle est engagée pour servir son pays, en usant de ses charmes pour débusquer les espions adverses et obtenir des informations stratégiques. Parmi ses cibles, un officier russe avec lequel elle va entretenir une relation ambigüe.

Agent X27 est le troisième film de la mythique collaboration entre Marlène Dietrich et Josef von Sternberg. L’Ange bleu (1930) tourné en Allemagne au sein de la UFA fut le film de la révélation dans une œuvre dont la star était cependant Emil Jannings. Cœurs Brûlés (1930) introduisait Marlène Dietrich au sein du cinéma hollywoodien mais là encore il s’agissait avant tout d’un véhicule pour sa vedette masculine Gary Cooper. Agent X27 est donc la production qui va réellement poser les fondations du mythe Dietrich, au centre du premier contrat de trois films signés par l’actrice et Josef von Sternberg au sein de la Paramount. Le scénario est une évocation très romancée du destin de Mata Hari, espionne et séductrice à l’aura aussi sulfureuse que mythique ayant notamment exercé durant la Première Guerre Mondiale.

Le goût de l’exotisme et du rococo cher à Sternberg se prêtait bien à l’image de courtisane et aux talents de danseuse prêtés à Mata Hari. Le début du film surprend ainsi avec une stylisation au service du morbide ou s’entremêle l’érotisme (cette première image où Marie remonte ses bas) et la mort avec cette foule amoncelée devant un bâtiment où une prostituée vient de trouver la mort. C’est presque une forme de prophétie pour Marie (Marlène Dietrich) dont la séduction sèmera la mort, directement à ses victimes dupées ou indirectement (les inserts sur les scènes de guerre) suite aux informations qu’elle aura soutiré et transmise. Le récit apparaît ainsi comme une parenthèse où ce commerce de ses charmes peut avoir une valeur pour la nation (c’est un sursaut patriotique qui déclenche son recrutement par les services secrets) ou faire office de rédemption pour elle-même.
Ainsi le ton du film surprend avec cette amertume ressentie lors de certaines prouesse de Marie, comme lorsqu’elle démasque le traitre général von Hindau (Warner Oland).

Tout le côté badin et érotique qui précède dissimule de faux-semblants dans l’attitude, dans les objets à l’usage inattendu (cette cigarette contenant des informations). Le côté charnel est factice, et du moins s’il ne l’est pas il se doit d’être interrompu par le devoir de la nation. Cette facette sera nettement plus floue dans le duel que se livreront Marie et le lieutenant Kranau (Victor McLaglen étonnant dans ce registre séducteur). Ils défendent certes les intérêts de leur pays, mais leur affrontement représente un jeu de séduction ludique qui sous l’ironie (excellente apparition impromptue de Kranau dans la chambre de Marie) les humanise grandement. Le film bascule ainsi dans le serial d’espionnage aux atmosphères très différentes et où Marlène Dietrich fait véritablement office de caméléon. Entre la grâce sautillante de la scène de bal masqué et celle où elle est une femme de ménage dans une auberge logeant l’ennemi russe, il faut presque un temps pour la reconnaître, l’élégance mutine succédant au charme plus cru et agressif (et sans maquillage).

Les sentiments se devinent dans le refus d’en finir définitivement avec l’autre, le triomphe de l’un ou l’une appelant à des retrouvailles pour une revanche. Le travail formel de von Sternberg vise à façonner un cocon qui laisse exister cet entre-deux, notamment par l’onirisme qu’apportent les longs fondus enchaînés souvent vecteur de souvenirs où se mêle danger et plaisir (le chat bien évidemment). Seulement les enjeux de leur temps vont rattraper les personnages et la mort devra bien céder à l’un ou l’autre, dans la grande tradition des couples masochistes du cycle Dietrich/von Sternberg comme Shanghai Express (1932). C’est là le grand dessein de Marie, qui choisira de sauver son partenaire de jeu plutôt qu’une nation qui l’utilise et n’a jamais plus en elle que la prostituée qu’ils ont recrutée. L’écho entre le premier et le dernier geste du personnage au début puis à la fin du film, lorsqu’elle rajuste son bas, témoigne de cette conscience et affirme son individualité. 

 Sorti en bluray et dvd zone 2 français chez Elephant Films

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire