Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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vendredi 13 mars 2020

Exte: Hair Extensions - Ekusute, Sono Sion (2007)


Lors d’une inspection, des agents des douanes découvrent le cadavre d'une jeune femme dont la chevelure continue de croître. Cet étrange phénomène n’échappe pas au gardien de la morgue qui entreprend de fabriquer des extensions pour les revendre aux salons de coiffure. Mais tous ignorent que ces extensions, douées d’une vie propre, sont muées par des pulsions meurtrières. Accompagnée de sa nièce, une apprentie coiffeuse va tenter de démêler le mystère avant que d'autres décès ne surviennent ...

Exte voit Sono Sion s’aventurer sur les terres de la J-horror tout en y prolongeant nombre de thématiques récurrentes de son œuvre. Ici se rejoignent l’observation d’une cellule familiale malmenée avec un questionnement sur la place de la femme dans la société japonaise. Le surgissement de l’élément surnaturel de la chevelure meurtrière relève d’une souffrance et exploitation féminine exacerbée par son origine morbide. Ainsi le cadavre d’une jeune femme mutilé par des trafiquants d’organes survit par la force du seul élément qui n’a pu lui être totalement arraché, ses cheveux qui repoussent indéfiniment. Pourtant, une fois de plus cette douleur va être exploitée par une perversion masculine, la tricophilie (attirance sexuelle pour la pilosité) qui avive les sens d’un médecin légiste (Ren Osugi) qui va répandre la chevelure maudite en ville pour le pire.

En parallèle nous suivons l’apprivoisement mutuel de Yuko (Chiaki Kuriyama), apprentie coiffeuse prenant en charge sa nièce Mami (Miku Sato). Cette dernière est particulièrement vulnérable face aux abus d’une mère abusive et violente, et ancienne tourmenteuse de sa propre sœur Yuko. Dès lors Sono Sion fait de des manifestations meurtrières de cette chevelure meurtrière une émanation à la fois organique et psychologique. La première victime se faisant des extensions capillaires avec est ainsi assaillie de flashback sordides sur le calvaire initial de la maudite avant de basculer dans la folie. Par la suite le réalisateur convoque l’imagerie J-horror (où le célèbre Ring d’Hideo Nakata a popularisée ces figures macabre à cheveux longs) qu’il fait vriller sur les rives de l’Ero-guro, mais également du dégoût organique d’un Cronenberg tout en confectionnant des tableaux graphiques qui n’appartiennent qu’à lui. Les cheveux émanent ainsi des yeux, de la bouche, des plaies et s’étendent avec la souffrance et la haine sans limite de disparue pour déborder du cadre, envahir l’espace et confectionner un cocon abstrait.

La lente caractérisation de Yuko et sa nièce sert à montrer comme une douleur initiale peut être matérialisée en amour, le métier de coiffeuse de Yuko offrant un parallèle lumineux à ce même élément de la chevelure. Avoir subi à une échelle également traumatisante la violence et la domination d’autrui, les deux personnages frôlent le précipice sans jamais y tomber. La candeur naturelle de la fillette (toujours à ouvrir son cœur à cette mère qui la malmène tant) rejoint la vulnérabilité et l’innocence dégagée par Chiaki Kuriyama et donne un récit les contours d’un vrai beau mélodrame auquel s’ajoute brillamment l’élément horrifique. 

La dimension grotesque ou vaine des protagonistes masculins (l’amant violent de la mère, le médecin légiste pervers, les policiers) ne sert donc qu’à appuyer cette vaillance féminine. Ce n’est qu’en opposant sa souffrance à l’oppression masculine que le « monstre » retrouve son statut de victime et la rédemption dans un final totalement fou dont Sono Sion a le secret. Cet équilibre se tient formellement entre l'imagerie lumineuse des extérieurs de la ville et les vues sur la mer, et l'ambiguïté de la créature dont les manifestation s'amorce par la ritournelle Douce nuit. Malgré de petites longueurs, un objet singulier, fou et captivant. 

Sorti en bluray et dvd zone 2 français chez HK Vidéo

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