Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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lundi 2 mars 2020

The Green Man - Robert Day (1956)


Quand il n'est pas horloger, Hawkins est un assassin professionnel, un maniaque de l'explosif. Mais en ces temps d'après-guerre, le travail ne court pas les rues. Lorsqu'on lui demande d'assassiner le prétentieux homme d'affaires Gregory Upshott, il saute sur l'occasion et profite d'un week-end de ce dernier à la campagne... lorsque surgit un étrange représentant en aspirateurs !

Si le studio Ealing fait office d’éclaireur avec des œuvres comme Noblesse Oblige (1950) ou Tueurs de dames (1955), le duo de scénaristes/producteurs/réalisateurs formés par Frank Launder et Sidney Gilliat les accompagnent et leur emboitent le pas avec brio pour ce qui est d’égratigner la british way of life. Dès leur activité de scénaristes, ils viennent perturber la trame criminelle de Une Femme disparait d’Alfred Hitchcock avec les personnages de Charters et Caldicott qui survolent les enjeux très premier degré du film pour ne se soucier que de leur future partie de golf. Par la suite ils dynamiteront les honorables institutions scolaires britanniques dans The Happiest Days of Your Life (1950) et surtout The Belles of St.Trinians (1954), puis ce sera celle du mariage dans Un mari presque fidèle (1955). The Green Man n’a pas de cible spécifique mais fait feux de tout bois dans une réjouissante comédie noire.

La scène d’ouverture offre un clin d’œil savoureux à The Happiest Days of Your Life avec le personnage d’Alastair Sim qui remonte à sa période scolaire sa vocation de tueur professionnel lorsqu’il assassinat un professeur. Par la suite il nous narre en voix-off ses plus hauts faits avec des cibles grotesques mais qui illustrent une arrogance toute britannique se voyant encore comme gendarme du monde (élément traité avec plus de premier degré dans les James Bond) via le meurtre d’un pseudo Mussolini, et l’objectif principal sera un chantre de la finance et de la politique histoire de démontrer une vertu locale plus prononcée. Le film est adapté de la pièce de théâtre Meet a Body écrite par Frank Launder et Sidney Gilliat et qui en signent le scénario mais délèguent la réalisation à Robert Day (officieusement secondé par Basil Dearden). Cette origine scénique joue à plein dans la partie centrale du film où les vas et vient, quiproquos et malentendus jouent autant sur la trame policière qu’une vraie dimension de vaudeville. 

Ce mélange des genres permet ainsi de savamment égratigner différents aspects d’une certaine imagerie britannique institutionnelle. Alastair Sim sous ses airs de vieux garçon horloger dissimule ainsi un tueur imbu de lui-même, qui pour éliminer un fâcheux témoin de son meurtre à venir l’invite dans la maison voisine encore inoccupée. William Blake (George Cole) un vendeur d’aspirateur insistant, vient perturber l’affaire en s’immiscent dans la mauvaise maison, bientôt rejoint par les futurs mariés et propriétaires des lieux Ann (Jill Adams) et le très guindé Reginald (Colin Gordon). Les doutes sur le possible crime commis en ces lieux viennent rejoindre ceux sur l’infidélité et souiller ainsi symboliquement comme physiquement (du sang sur la moquette, un cadavre dans le piano) le futur foyer conjugal. Ces éléments perturbateurs amènent une facette meurtrière qui assombri le cadre bienveillant mais permettent également de faire imploser un futur conventionnel funeste. Reginald s’avère l’archétype du bourgeois anglais coincé et sans imagination quand Jill, dans sa façon de croire toute les théories criminelles de William, semble dissimuler un tempérament plus fantaisiste et aventureux. Le côté prolo de William avec son modeste métier de colporteur jure aussi avec le prestige d’animateur de la BBC de Reginald. 

Cela passe également par la disposition des deux maisons voisine. Celle d’Alastair Sim, tout en bibelots horlogers et aménagement cossu de célibataire masque ainsi sa face meurtrière et c’est la mise en scène, à travers ses arrière-plans coupable où l’on transporte des cadavres, qui fait passer par l’image la vérité vicieuse du personnage. A l’inverse la maison des futurs mariés n’est qu’un chantier en construction du futur cocon conjugal, encore à même d’être bousculé à travers l’attirance que l’on devine entre Jill et William. Néanmoins l’envers criminel se révèle par les même motifs formels dans les deux maisons, un contrechamps vers l’extérieur nous montrant le transport d’un protagoniste que l’on croit mort via le regard stoïque et calculateur d’Alastair Sim, puis plus tard dans le même contrechamps (et la même valeur de plan) lorsque ce même personnage réapparait bien vivant mais mal en plan, cette fois vu par le regard surpris mais bienveillant de Jill et William. Dans le premier cas Alastair Sim regarde vers l’extérieur, signe de son indifférence aux autres, et dans le second Jill et Vincent observe le revenant entrer à l’intérieur, exprimant ainsi leur ouverture au monde.

La dernière partie à l’hôtel est moins riche de symboles et joue plus sur la course-poursuite policière. Néanmoins quelques éléments grinçants viennent s’y introduire pour notre plus grand plaisir. Le banquier joué par Raymond Huntley, cible de l’assassinat, y est en séjour clandestin avec une maîtresse trop jeune piochée parmi ses dactylos. La paranoïa du couple illégitime et mal assorti traduit la rigueur morale de l’époque (la fébrilité au moment de signer le registre) mais c’est finalement la condescendance de classe du nanti envers sa maîtresse modeste qui frappera. C’est d’ailleurs cette haute opinion de lui-même qui manquera de causer sa perte (la bombe fatale étant contenue dans une radio qui diffuse un de ses discours). 

Une nouvelle fois la nature facétieuse et inconsciente du duo Jill/William, indifférent des regards quant à leur présence dans ce temple de l’adultère (on croisera un autre couple illégitime entre Terry-Thomas et la réceptionniste) et qui déploient leur énergie à empêcher le meurtre. Alastair Sim excelle dans en ces lieux du péchés, alternant regard en coin calculateur et œillades séductrices fausses pour un trio à cordes de vieilles filles. Ultime pied de nez, c’est le poste de radio, outil de recueillement et de compagnie de tout foyer et ménagère qui se respecte, qui sera l’agent explosif des conventions, au propre comme au figuré.  Sous ses dehors de simple comédie noire ludique, Sidney Gilliat et Frank Launder nous livrent ainsi un nouveau récit grinçant dont ils ont le secret. 

Sorti en dvd zone 2 français chez Tamasa 

Extrait

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