Suite à un
bombardement lors du Blitz de Londres, l'école de garçons de Nutbourne doit
subitement accueillir les élèves de St Swithin, école pour filles. Cette erreur
administrative, considérée comme une catastrophe par la direction, fera la joie
de certains...
Le duo formé par Frank Launder et Sidney Gilliat s’était au
départ fait connaître dans le thriller en signant le scénario d’Une femme disparait (1939) d’Alfred
Hitchcock puis en en réalisant le brillant décalque avec Train de nuit pour Munich (1940). Partageant parfois la réalisation
ou se répartissant le plus souvent la mise en scène, le scénario et la
production les duettistes montrèrent pourtant le meilleur de leur talent à
travers des vignettes où ils posaient un regard juste et attachant sur
l’Angleterre et ses évolutions sociales. Cela se fit tout d’abord à travers le
mélodrame et le prisme de la guerre avec beau récit d’émancipation féminine
dans Ceux de chez nous (1943) où une
jeune fille quittait son foyer pour participer à l’effort de guerre en usine.
C’est l’imagerie du couple ensuite qui serait ébranlée avec une rocambolesque
histoire d’adultère sur fond de Blitz avec Waterloo Road (1945). Le tandem crée sa société de production en 1945 et la suite de
leur carrière s’orientera plus franchement vers la comédie, sans pour autant
remettre en cause leurs préoccupations sociales comme le montre The Happiest Days of Your Life.
Bien que sorti en 1950 et que la nature contemporaine du
cadre du film ne soit jamais clairement indiquée, on peut estimer que
l’histoire se situe encore durant la guerre ou du moins l’immédiat
après-guerre. Le postulat relève ainsi de situations souvent rencontrées lors
du Blitz avec ce rapprochement forcé entre une école de garçons et de filles
pour une mixité inédite et alors immorale. Le scénario de John Dighton – fameux
dramaturge et scénariste anglais auquel on doit les classiques Ealing Noblesse Oblige (1949) et L’Homme au complet blanc (1951) – place
certes le prétexte de l’erreur administrative pour l’imbroglio mais plusieurs
éléments inscrivent le film dans un contexte proche de la guerre comme la photo
de Churchill trônant dans le hall de l’école ou ce nouveau professeur d’anglais
fraîchement démobilisé.
L’Angleterre d’alors est en pleine mutation, entre
respect des traditions qui ont permis l’unité du pays dans les épreuves mais
aussi velléités d’ailleurs et de changement justement après ces épreuves. Un
reproche que l’on pourrait faire au film est de mettre les enfants et adolescents
très en retrait, simples figures mutines dont on n’exploite pas toute la
tension sexuelle des premiers émois que provoquerait ce rapprochement. Mais en
fait le sexe opposé est finalement un camarade de jeu comme un autre pour les
plus jeunes et chez les adolescents cette promiscuité signifie une première
initiation au marivaudage innocent. La guerre des sexes ne jouera pas
contrairement à la screwball comedy américaine sur le tourbillon amoureux mais
plutôt en opposition à la tradition. Forcément le film tourne donc autour des
chantres de cette tradition avec le directeur de l’école de garçon Wetherby
Pond (Alastair Sim) et celle de l’école de fille Miss Whitchurch (Margaret
Rutherford).
Ils représentent chacun à leur manière une vieille
Angleterre dépassée et coincée qui malgré leur différence se rapprochent dans
leur gêne extrême et leur crispation face à toute promiscuité garçon fille.
Dans un savoureux montage alterné, Launder les montre ainsi égaux dans leur
idéologie poussiéreuse. Pond, directeur de son établissement depuis quinze est
ainsi raillé en douce par ses collègues tant il est pétri d’une routine
immuable qu’il ne faut surtout pas perturber. A l’inverse Miss Whitchurch est
une figure énergique et autoritaire mais dont le féminisme de façade se rapproche
en fait d’une vision passéiste. On devine que l’éducation qu’elle envisage pour
ses élève est surtout une préparation au mariage : être une bonne ménagère
(les cours de cuisine et de tricot), entretenir un corps sain et surtout ne pas
approcher un homme avant d’avoir tissé des liens plus sacrés et officiels avec
lui.
Rien pour stimuler l’intellect, cet aspect tout comme la compagnie masculine étant tuée dans l’œuf lors de la scène où elle expulse un professeur homme profitant d’un cours de littérature pour réciter un extrait de Roméo et Juliette à sa jolie collègue. Un comportement inadmissible devant les élèves évidemment. On rit donc beaucoup de l’affrontement entre les deux personnages, Alastair Sim étant hilarant de machisme blasé. La féminité qui envahit son école est comme un virus qui le crispe et l’atterre, ce dégout amenant même une amusante dimension homoérotique par certaines répliques trop véhémentes par leur désir de rester « entre hommes ». Margaret Rutherford n’est pas en reste avec un langage truffé d’expression désuètes, son mépris devant le contenu d’une alcôve masculine (magasine et photo de charmes et ultime horreur un exemplaire des Mémoires de Casanova) et le regard à l’affut de la moindre trace d’indécence.
C’est en partant d’eux que Frank Launder tisse le désordre
de cet établissement surpeuplé et bruyant, multipliant les situations
hilarantes avec des scènes de classe totalement décalées dans leur déroulement
comme dans leur environnement –cours de grammaire dans le va et vient du hall,
de math à l’extérieur pour les garçons alors que les filles font du sport et
forcément font tourner les regards. Le tout culmine lors du charivari final où
il s’agit de dissimuler aux parents d’élèves et inspecteurs en visite la
situation scandaleuse de l’école sous peine de sanctions.
Montage alterné alerte, gag de répétition grandiose (la jeune fille recroisant ses parents dans toutes les classes) et rythme alerte font tout le sel de ce climax éreintant. Au final l’Angleterre semble totalement accepter le changement dans la conclusion, condamnant ses fossiles à l’exil. Le film sera un des grands succès de l’année au box-office anglais mais en prépare un autre bien plus immense encore. Quatre ans plus tard, Frank Launder adaptera les comics strip de Ronald Searle (responsable du générique dessiné de Happiest days of your life) avec The Belle of St Trinians, un pendant plus fou extravagant et outrancier de ce galop d’essai paisible et bon enfant.
Sorti en dvd zone 2 français chez Tamasa
Montage alterné alerte, gag de répétition grandiose (la jeune fille recroisant ses parents dans toutes les classes) et rythme alerte font tout le sel de ce climax éreintant. Au final l’Angleterre semble totalement accepter le changement dans la conclusion, condamnant ses fossiles à l’exil. Le film sera un des grands succès de l’année au box-office anglais mais en prépare un autre bien plus immense encore. Quatre ans plus tard, Frank Launder adaptera les comics strip de Ronald Searle (responsable du générique dessiné de Happiest days of your life) avec The Belle of St Trinians, un pendant plus fou extravagant et outrancier de ce galop d’essai paisible et bon enfant.
Sorti en dvd zone 2 français chez Tamasa
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