Une petite ville entre Mobile (Alabama)
et La Nouvelle-Orléans, à l'aube du XXe siècle. Regina est mariée à un
banquier, Horace Giddens, qui se remet d’une crise cardiaque dans une
maison de repos à Baltimore. Regina a une passion dévorante pour
l’argent mais s'estime frustrée de ne pas disposer de l'aisance dont
elle rêve. Sur une proposition de ses deux frères Ben et Oscar, elle
veut réaliser une opération financière qui s’annonce des plus rentables,
mais elle a besoin de 75 000 dollars. Espérant obtenir cette somme
auprès de son mari, elle envoie leur fille Alexandra ramener son père. À
son retour, Horace, qui connaît les ambitions de sa femme, refuse
catégoriquement de lui donner l'argent.
Little Foxes
est un des sommets de la collaboration entre William Wyler et Bette Davis, une
adaptation de la pièce de Lillian Hellman jouée en 1939 et dans laquelle
on retrouve une grande part du casting scénique (Patricia Collinge, Dan
Duryea, Charles Dingle, Carl Benton Reid et John Marriott). Le titre
original quelque peu nébuleux évoque en fait la parabole biblique selon
laquelle « des petits renards iront manger la vigne du voisin », symbole
de la thématique de la cupidité et de l'appât du gain au cœur du film.
En effet si les premières images évoquent rappellent L'insoumise
(1938 et autre fameux titre Wyler/Davis) par son imagerie classique du
Sud des Etats-Unis, l'époque est différente (ici 1900) et aux enjeux
romanesque du film précédent succèdent d'autres plus pragmatiques liés
au capitalisme moderne.
C'est précisément ces questions qui déchirent
les familles Giddens et Hubbard. Les personnages du film peuvent se
diviser en loups et agneaux. Regina (Bette Davis) avec ses frères Ben
(Charles Dingle) et Oscar (Carl Benton Reid) se sont enrichis en
exploitant et dupant leur entourage, le mariage d'intérêt faisant partie
des moyens employés. Birdie (magnifique et touchante Patricia Collinge)
épouse d'Oscar et Horace (Herbert Marshall) mari de Régina, brisé
moralement et physiquement par ce rapport cruel sont donc les agneaux
subissant la loi des loups auxquels ils se sont liés. Cette même
division opère chez leurs enfants avec la douce et innocente Alexandra
(Teresa Wright) et le peu recommandable Leo (Dan Duryea fourbe comme à
son habitude). Lorsqu'une affaire juteuse nécessite pour Regina de
presser son époux malade pur qu'il y amène son support financier, rien
ne l'arrêtera ainsi que ses frères les plus faibles étant condamné à
être écrasé ou à se révéler.
Wyler instaure une atmosphère de
plus en plus claustrophobe et étouffante où sa mise en scène souligne la
violence des rapports de force. Regina et ses frères figure toujours
une meute face à un frêle adversaire, une entité unique et solidaire
prête à séduire (l'entrevue avec l'investisseur Marshall au début) où
fondre sur sa proie. Les trois écartent ainsi instinctivement Birdie
lorsqu'ils parlent affaire dans les premières scènes où elle semble
toujours légèrement isolée dans le cadre lors de leurs scènes communes.
De même la silhouette frêle d'Horace semble être un gibier idéal
lorsqu'ils le harcèlent pour obtenir son apport. Ben figure la pire des
fourberies sous ses allures avenant, Oscar et son fils l'absence total
de scrupule et Bette Davis se déshumanise de façon croissante au fil du
récit où s'estompe même son supposé amour filial.
La mise en scène joue
également sur la profondeur de champ pour représenter ce rapport
dominant/dominé, les plus faibles s'effaçant et se fondant en
arrière-plan notamment le moment le plus dramatique où Bette Davis
laisse son époux s'écrouler, frappé par une crise cardiaque. A l'inverse
l'éveil des agneaux se fait de manière moins sophistiquée, Wyler le
capturant avec une simplicité égale à l'innocence de ses personnages, à
l'image de la magnifique scène où Birdie s'avoue le désastre qu'est sa
vie et le futur s'annonçant pour Alexandra.
Si Richard Carlson
est un peu fade en prétendant et révélateur pour Alexandra, celle-ci est
interprétée avec charme et détermination par Teresa Wright qui prend de
l'assurance. Leur scènes romantiques sont tombent parfois un peu à plat
quand celles entre Alexandra et son père sont très touchantes amorçant
la prise de conscience et la rébellion finale.
Le final reprend ainsi ce
motif de la meute où Alexandra stupéfaite découvre les manigances de sa
mère mais cette fois Wyler ne la place pas au centre en proie du trio
de méchants, elle sera en arrière-plan les laissant à leur négociations
et l'image nous soulignant bien toute la différence avec eux. Une
rupture se manifestant dans la conclusion où Alexandra choisit l'amour
sincère et s'écarte de la solidarité familiale ne reposant que sur le
profit. Là seulement, dans ces derniers instants, le doute semble traverser la froide détermination de Bette Davis. Un drame puissant et sans doute la matrice de pas mal de grands
soap financiers et familiaux à la Dallas.
Sorti en dvd zone 1 chez MGM et doté de sous-titres français
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