Les aventures oniriques d'un jeune
professeur de musique. Chaque nuit, Claude (Gérard Philipe) retrouve en
rêve les femmes qu'il connaît autour de lui. Chaque fois dans des
situations romanesques et périlleuses où il joue le héros qu'il aimerait
être… Hélas, le réveil le ramène à une réalité moins agréable.
René
Clair nous offre une féérie inégale où la magie des atmosphères est
contrebalancée par un récit un peu poussif. Claude (Gérard Philippe) est
un jeune professeur de musique qui ne trouve que dans le rêve l'évasion
et l'extase tandis que le réel n'est que frustration. Cette frustration
s'exprime par divers motifs dans l'approche de René Clair, le plus
superficiel nous menant à la vraie souffrance intime de notre héros.
C'est d'abord la nuisance sonore qui sera la plaie du musicien avec
cette scène d'ouverture où ses répétitions au piano sont interrompus par
le garage voisin, plus tard par les cris d'enfants de sa salle de
classe où les travaux alentours.
René Clair prolongera cette idée dans
d'amusants désagréments administratifs (l'épisode de la poste) ou
quotidien (les moqueries de ses amis) provoquant la colère d'un Claude
survolté et interprété avec une bel énergie par Gérard Philippe. Le
manque d'amour ou en tout cas celui qu'il ne sait pas voir, sa carrière
de musicien qui piétine, tout cela est résolu dès qu'il ferme les yeux,
traversant des environnements onirique envoutant, séduisant toute les
jeunes femmes qu'il croise sans succès dans le monde réel et composant
une musique qui captive les foules.
René Clair offre des
transitions virevoltantes et bourrées d'inventions où une astuce de
montage, un panoramique où un fondu enchaîné habile nous emmène soudain
très loin. Les sauts dans le temps rêvés convoque une Algérie sortie des
contes des Mille et Une nuit, la Révolution Française ironique et à
l'hystérie contagieuse le tout dans une atmosphère et des décors aussi
épurés que stylisés par une pure abstraction de songe. C'est dans ces
moments que le réalisateur excelle, laissant exploser son imagination.
Ce sera bien moins probant dans la description du monde réel même si il
réutilise nombre d'éléments marquant de ses œuvres précédentes. Les
milieux populaires avec cette bande de copains, quelques brillants jeux
comiques sur le son (le vif échange entre Claude et son facteur se
perdant dans le vacarme des travaux) rappelle par exemple les meilleurs
moments de Le Million (1931).
La
grosse différence est le manque d'implication. Si le côté abstrait,
gentiment érotique et archétypal des trois romances fonctionne dans le
rêve (et avec quelle prétendantes : Martine Carol, Magali Vendeuil, Gina
Lollobrigida) ce sera assez suranné et superficiel dès que l'on
retourne au réel. De même les manifestations d'amitié de la bande de
copain sont plus une caution comique mais ne nous y attache jamais. Tout
cela contribue à un désintérêt pour l'histoire, le spectateur étant
comme Claude impatient de le voir s'endormir pour retrouver un réel
souffle de magie. Un ennui poli dans la réalité et un émerveillement
dans le songe donc, tout cela se perpétuant à la prestation de Gérard
Philippe de plus en plus agaçant en héros boudeur alors que toujours
charmeur et bondissant en miroir assuré de lui-même.
Sorti en dvd zone français et bluray chez Gaumont
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