Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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lundi 30 mars 2020

Le Grand embouteillage - L'Ingorgo, Luigi Comencini (1979)


Un embouteillage bloque sur une autoroute romaine des gens venus de tous les horizons, véritable microcosme de la société. Au cours de l'insupportable attente se déchainent les passions et les haines...

Le Grand embouteillage s’inscrit dans une tendance générale où, en cette fin des années 70, la comédie italienne et ses grands auteurs (Dino Risi, Mario Monicelli, Ettore Scola…) tendent vers une tonalité plus sombre, désenchantée voire nihiliste quant à leur vision la société italienne et la nature humaine au sens large. Luigi Comencini s’inscrit donc dans ce mouvement, même si finalement Le Grand embouteillage est l’aboutissement extrême d’un constat désabusé qu’il a dans nombre de ces films des années 70. L’Argent de la vieille (1972), Mon dieu,comment suis-je tombée si bas ? (1974), La Femme du dimanche (1975) ou encore Un vrai crime d’amour (1974) dessinent un Italie (contemporaine ou passée) rongée par l’idéologie, le consumérisme et l’individualisme (sans distinction de classe) qui éloignent les individus et mène la société vers une impasse où Comencini se montre même visionnaire avec l’écologie abordée en filigrane dans Un vrai crime d’amour.

Le Grand embouteillage réduit donc à l’essentiel la trame et le cadre d’un récit choral où il s’agit d’observer l’humain dans c qu’il a de plus vil. La nature même de cet environnement relève d’une absurdité bien moderne puisque cet embouteillage monstrueux résulte de deux projets industriels inaboutis, un lotissement immobilier pas construit qui laisse un sinistre no man’s land et une autoroute pas terminée qui explique l’engorgement insensé que nous observons. Comencini fait montre d’un brio narratif époustouflant pour nous promener d’un protagoniste à l’autre, de caractériser un personnage ou un groupe en quelques vignettes et parfois sans dialogues, semant des graines où un élément cocasse aboutira à l’horreur plus tard (le petit groupe de voyeurs qui s’avéreront abjects…). 

Le ton est d’abord celui d’une comédie italienne classique avec cette grinçante études de caractères où justement s’expriment les maux évoqués plus haut avec ce père napolitain honteux de sa fille enceinte qu’il souhaite voir avorter, ce patron cynique et méprisant collant une ambulance pour doubler la file de voiture. Les personnages sont soit d’une malveillance ordinaire, soit plus purs mais condamnés par le cynisme, la volonté de possession de leur congénère ou tout simplement le conditionnement capitaliste auxquels ils sont condamnés à céder. Le malheureux ouvrier transporté en ambulance pense ainsi plus à l’indemnité qu’il touchera qu’au retard pris qui retarde (fatalement au final) son arrivée à l’hôpital. L’innocence et la jovialité ordinaire sont balayées avec ce mari (Gérard Depardieu) se découvrant trompé, et surtout cette jeune musicienne à la beauté innocente violée. 

L’arrivée de la nuit signe l’éveil des bas-instincts les plus vils, la chronique amusée basculant dans le vrai cauchemar pour se conclure sur la gueule de bois du matin. Le casting prestigieux (justifiée par la coproduction) se mêle parfaitement aux anonyme et exprime des éléments parlants comme l’anxiété avec Patrick Dewaere, l’absence de communication dans le couple Annie Girardot (seule actrice française à jouer en italien, les autres sont postsynchronisés)/Fernando Rey. 

Le seul sortant du lot car jouant quasiment son propre rôle est Marcello Mastroianni, dans un des segments les plus cinglants illustrant à la fois la désinvolture des puissants (Mastroianni prêt à séduire la femme (Stefania Sandrelli) de l’homme qui l’héberge) et la déshumanisation des pauvres (cette même femme étant jetée en pâture par son époux dans l’espérance d’un poste). La durée invraisemblable du bouchon éloigne le film de toute notion de réalisme, l’embouteillage et ses multiples faux départs symbolisant l’impasse dans laquelle se situe une humanité engoncée dans ses travers, impuissante face à ses démons. 

Sorti en dvd zone 2 français chez Carlotta 

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