Une famille allemande, unie et
heureuse, se trouve divisée à l'avènement du national-socialisme. Le
père, professeur de faculté et savant renommé, la mère, et Martin, un
jeune paysan ami de la famille, sont pour la paix. Les deux fils et
Fritz, le fiancé de Freyda, sont tentés par l'aventure hitlérienne.
Frank Borzage réalise avec The Mortal Storm
un des premiers films hollywoodien fustigeant le régime nazi, alors que
la guerre fait rage en Europe et que les Etats-Unis ne sont pas encore
engagés dans le conflit. L'opinion publique est contre une entrée en
guerre, soutenue par la politique isolationniste du gouvernement et dans
un premier temps Hollywood suit cette logique malgré quelques
tentatives plus timides de film politisée. Les patrons de studios de
confession juive comme Louis. B Mayer et les émigrants germaniques ayant
fui le nazisme travaillant désormais dans l'industrie vont pourtant peu
à peu faire évoluer la tendance. C'est ce contexte plus favorable qui
amènera la MGM à adapter le roman de Phyllis Bottome, active militante
antinazie aux Etats-Unis. Malgré quelques maigres précaution (le fait
une le récit se déroule en Allemagne dit avec parcimonie tout au long du
film même si c'est évident pour le spectateur, les protagonistes
persécutés par les nazis qualifiés de non-aryens et pas de juifs) le
film s'avère puissamment virulent envers le régime hitlérien et
entraînera l'interdiction par Goebbels de tous les films MGM en
Allemagne. Le film échappe cependant en tout point à l'œuvre de
propagande grâce à la sensibilité de Frank Borzage qui inscrit
parfaitement ses thèmes à un cadre contemporain, lui qui avait déjà
situé certains de ses plus beaux mélodrames en Allemagne avec Et demain ? (1934) et Trois camarades (1936) où l'on retrouve déjà Robert Young et surtout Margaret Sullavan.
Le
film s'ouvre sur ce qui sera son seul moment de communion, où tous les
personnages partageront bonheur et complicité. La réunion se fait intime
mais aussi plus vaste à l'échelle de ce village des Alpes allemandes
pour célébrer les soixante ans du Professeur Roth (Frank Morgan), aimé
et respecté de tous. Toute cette ouverture chaleureuse évoque un paradis
perdu, symboliquement avec visions aériennes du village semblant issues
d'une boule à neige et bien sûr l'union de la famille du professeur et
l'attachement de ses élèves et collègues lors de l'hommage qu'ils lui
rendent au sein de l'école.
Ces lieux d'échanges serviront bientôt la
division, Borzage amorçant cette séparation lors du dîner d'anniversaire
interrompu par l'annonce de l'élection d'Hitler en tant que chancelier.
Les garçons de la famille (Robert Stack et William T. Orr) et le fiancé
Fritz (Robert Young) se ruent sur le poste de radio pour écouter sa
première allocution tandis que Roth, sa femme et sa fille Freyda
(Margaret Sullavan) et l'ami de la famille Martin (James Stewart)
demeurent à leur place.
Cette réaction différente face à la nouvelle va
ainsi laisser éclater à cette échelle modeste les futurs conflits du
film. Par son attitude mesurée, James Stewart tranche immédiatement avec
un enthousiasme qui se fait accusateur chez les convaincus et exprime
d'emblée l'adhésion extrémiste exigée par le parti nazi où tout opinion
divergentes est une trahison. On assiste ainsi progressivement à la mise
en place de ce régime, par détails qui se font de plus en plus
envahissant (le heil Hitler pour se saluer en tous lieux) et les lieux
vus en début de films devenant soudain irrespirables pour nos héros.
L'université voit son rôle bafoué par l'idéologie nazie reniant la
science si elle contredit la supériorité génétique aryenne, le foyer est
abrite désormais les nouveaux "amis" des fils et l'uniforme nazi se
fond dans le quotidien.
Borzage par cette intrusion exprime à
l'échelle du village le basculement tragique que vit l'Allemagne, les
comportements les plus abjects étant désormais la norme (terrible
passage à tabac de l'instituteur). Le drame et la mise au banc des
personnages peuvent ainsi se dévoiler dans ce contexte brillamment
introduit. Nos héros sont toujours présentés dans leurs individualités
quand les nazis ne semble qu'une entité collective opaque suivant
l'idéologie comme des automates.
Le procédé se répète sans cesse, le
professeur Roth assumant ses idées face à sa classe en uniforme, Martin
attendu par la milice après avoir accompagné Freya et ce glaçant moment
où il se sent isolé avec elle dans la taverne lorsqu'ils sont les seuls à
ne pas entonner le bras levé le nouvel hymne allemand avec ferveur. Les
personnages paraissent toujours être de frêles silhouette face à un mur
froid et intolérant qui les domine (l'entrevue de Roth et son épouse
dans une salle d'interrogatoire sombre) et ce n'est que lorsqu'ils sont
isolés que les nazis retrouve un semblant de conscience comme Fritz se
déridant pour aider Freya à voir son père emprisonné où le final où
Robert Stack ouvre enfin les yeux.
Seuls étincelles d'humanité dans ce
cauchemar, le couple James Stewart/Margaret Sullavan (réunis cette même
année dans The Shop Around the Corner
plus apaisé mais pas si éloigné sous sa légèreté) est magnifique
d'alchimie et d'émotion contenue, laissant enfin s'exprimer leur
sentiments alors tous leurs amis s'endurcissent dans un fanatisme sans
attache. La passion que sait si bien exprimer Borzage offre ainsi de
superbes moments où les détails et objets sont plus évocateurs que les
mots d'amour (le verre des mariés) interrompus par le danger si
ce n'est dans les instants où le drame explose.
Le premier "Je t'aime"
se dit ainsi avant l'ultime départ et les amoureux n'auront réellement
le temps de se regarder et d'échanger qu'au moment d'une terrible
séparation. La caméra retraverse la demeure familiale en conclusion avec
les échanges des jours heureux en échos pour bien nous signifier que
tous ces rires ne pourront rester qu'à l'état de souvenirs pour le pays
si rien change. Borzage alerte sur la tempête en marche dans cette œuvre
somptueuse par l'humain plus que par le message lourdement appuyé.
Sorti en dvd zone 2 français chez Warner dans la collection Trésors Warner
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire