Parce qu'il peut passer pour un Russe, A.J. Fothergill est engagé en 1913 pour espionner le mouvement révolutionnaire en Russie. Hélas pour lui, il est lui-même pris pour un révolutionnaire et il se retrouve emprisonné en Sibérie. Il y reste jusqu'aux insurrections de 1917. Dans la tourmente de la guerre civile opposant Armée rouge et Armée blanche, il tâche de fuir la Russie en même temps que la belle comtesse Alexandra.
Le Chevalier sans
armure est une des productions les plus ambitieuses et onéreuses d’Alexander
Korda et qui constituera aussi un de ses échecs les plus cinglants au
box-office. Korda avait pourtant mis tous les atouts de son côté, tout d’abord
en adaptant le roman éponyme de James Hilton, l’un des auteurs les plus populaires
des années 30 dont seront également transposés plus tard Goodbye, Mr. Chips (1940) et Horizons
Perdus (1937) de Frank Capra. Il engagera également à grand frais Marlène
Dietrich qui avec ce rôle fait la transition entre sa première carrière placée
sous le signe de son mentor Joseph Von Sternberg et la seconde où elle saura
montrer un registre plus vaste que l’icône de L’Ange Bleu (1929) et demeurer une des plus grandes stars
hollywoodiennes. Pour la petite histoire, Marlène Dietrich pas encore complètement
détachée de cette influence exigera de Korda en contrepartie de son cachet qu’il
ne pouvait régler entièrement de produire le film suivant de Von Sternberg.
Ce
sera le mythique et inachevé I, Claudius
jalonné de péripéties houleuses qui en interrompront définitivement le
tournage. Ultime exigence de la star, la présence du beau Robert Donat, alors l’acteur
le plus populaire du cinéma britannique mais dont la constitution fragile perturbera
grandement le tournage, Korda envisageant sérieusement de le remplacer sans l’intervention
protectrice de Dietrich. Pour parachever cette équipe prestigieuse on aura l’apport
de Jacques Feyder sortant du triomphe de La Kermesse Héroïque (1935) et dont le brio formel ainsi que le sens du drame
sont pour beaucoup dans la réussite de ce Chevalier
sans armure.
Des derniers feux du tsarisme à l’idéologie oppressante et
inhumaine de la Révolution Russe, l’intrigue nous emmène dans l’Histoire du
pays par une voie romanesque mais où le réalisme cru est constant. Nous serons
à la fois extérieurs et impliqués aux évènements qui se révèlent à nous durant
cette période charnière autant du côté du peuple oppressé puis revanchard que
de la noblesse arrogante puis traquée. Ce regard distant se fera par le
personnage de Fothergill/Peter Orounov (Robert Donat), agent des services
secrets britanniques infiltré en Russie afin d’observer la montée du mouvement
révolutionnaire. On découvre donc par son biais l’indignation grimpante au sein
de la population, les privations ordinaire et l’autoritarisme du régime
tsariste qui culminera avec l’exil de notre héros en Sibérie.
Ce contexte historique renvoie les camps dos à dos, nous
perdant avec les héros au fil des scènes d’arrestations, d’interrogatoires et d’exécutions
dans une barbarie commune. Tout comme dans La
Kermesse héroïque, le rapprochement des êtres est pour Jacques Feyder la
possibilité d’oublier les conflits idéologiques pour s’abandonner à ses sens.
Un sentiment traduit dès la magnifique scène de rencontre où les héros sont
mutuellement subjugués en s’observant à travers le reflet d’un miroir.
Orounov
comme Alexandra représente une ouverture par rapport à ce qu’ils ont connus
jusque-là dans cette Russie clivée. Orounov découvre ainsi un être fragile,
vulnérable et loin de la foi inébranlable où la doctrine domine le
libre-arbitre notamment lorsqu’Alexandra exige avec fougue d’être exécutée. Celle-ci verra en Orounov un
être plus réfléchi et profond que les laquais insipides de son milieu ou des
automates acteurs de la Révolution.
Tout ce qui semble se fondre dans cet
environnement agité est illustré de manière anonyme par Feyder : les
gardes revenant attaquer le couple à la gare reste à l’état d’ombre et de
silhouette, les soldats arrêtant Robert Donat la première fois restent de dos
et Marlène Dietrich toute de blanc vêtue fera face à une foule hostile indistincte
sur son domaine.
Feyder ne semble s’attarder
sur les visages et les magnifier que pour privilégier l’individu et
magnifier les sentiments. Le rapprochement des amants se fait progressivement, par
les mots lorsque séparés dans l’espace la composition de plan et les mots les
rapprochent lors de la scène où ils se récitent de la poésie dans un hall de
gare désert.
La féérie s’invite lors de ce moment digne du Songe d’une nuit d’été de Dieterle où Marlène Dietrich se cache
sous les feuilles et en ressurgi telle une nymphe dont le visage et la
chevelure se confondent avec la végétation. Les scènes d’amours en forêt semblent
comme isoler hors du temps et de l’agitation le couple avec une mise en scène
de Feyder lorgnant vers Borzage par cette manière d’isoler en un véritable
tableau des visages rapprochés, apaisés et aimant d’Orounov et Alexandra.
Ce
traitement concernera aussi les personnages secondaires les plus fouillés tel
ce commissaire rouge quittant la rigidité de sa fonction pour s’avérer un
amoureux fragile et maladroit d’Alexandra. Le lien protecteur qui unit Robert
Donat et Marlène Dietrich durant le tournage se ressent particulièrement à l’écran.
La vulnérabilité de Donat participe à perdre sa silhouette frêle et son visage
anxieux à l’écran, contredisant son personnage héroïque et astucieux sur le
papier pour mieux l’humaniser.
A l’inverse la demoiselle en détresse jouée par Marlène Dietrich impose une présence et une détermination (à nouveau la scène où elle fait face fièrement à la foule de révolutionnaire hargneux qui hésite même à lui fondre dessus) qui va en s’accentuant alors qu’elle semblait si effacée dans les somptueuses premières scènes à la cour du tsar.
A l’inverse la demoiselle en détresse jouée par Marlène Dietrich impose une présence et une détermination (à nouveau la scène où elle fait face fièrement à la foule de révolutionnaire hargneux qui hésite même à lui fondre dessus) qui va en s’accentuant alors qu’elle semblait si effacée dans les somptueuses premières scènes à la cour du tsar.
C’est cette passion inamovible qui nous guidera dans une
véritable odyssée dans cette Russie en pleine débâcle. Le ton est
essentiellement intimiste mais les passages impressionnants ne manquent pas
cependant. Au faste habituel des
productions Korda privilégiant le luxe et l’apparat dans sa reconstitution on
aura ici de nombreux extérieurs et mouvements de foules où la désolation et la
misère s’étendent à perte de vue.
Dans cette dualité constante entre romanesque et réalisme brutal (où on devine une des influences de David Lean pour son Docteur Jivago), Feyder fera son choix pour le premier dans une conclusion aussi invraisemblable que parfaitement romantique.
Sorti en dvd zone 2 français chez Elephant Films
Dans cette dualité constante entre romanesque et réalisme brutal (où on devine une des influences de David Lean pour son Docteur Jivago), Feyder fera son choix pour le premier dans une conclusion aussi invraisemblable que parfaitement romantique.
Sorti en dvd zone 2 français chez Elephant Films
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