Fanny Trellis, la femme la plus
séduisante et la plus courtisée de tout New York, est mariée par simple
intérêt à Job Skeffington, homme d'affaire juif plus âgé qu'elle. Elle
s'abîme dans la mélancolie lorsqu'elle perd son frère à la guerre, le
seul être qu'elle ait jamais aimé. Bientôt son mari la quitte. Esseulée,
Fanny se met à multiplier les soirées mondaines et les amants.
Mr. Skeffington
est un des rôles emblématiques de la figure de garce capricieuse que
Bette Davis su si bien jouer dans des films aussi mémorables que
L'insoumise
(1939). Elle pousse très loin cette figure dans le film, sa prestation
outrée étant peut-être lié au drame personnel qu'elle vit parallèlement
avec la mort accidentelle de son époux Arthur Farnsworth,
Mr. Skeffington
étant le film tourné à la suite de cette tragédie. Le tournage ne sera
pas sans heurts bien qu'elle y soit dirigée pat Vincent Sherman qui fut
un temps son amant. Bette Davis incarne donc ici la belle et narcissique
Fanny Trellis, la femme la plus courtisée de New York et dont tous les
hommes se disputent les faveurs.
Cette facette est d'abord montrée dans
son aspect le plus comique avec ce hall d'entrée constamment encombré de
prétendants balourd. Cela nourrit l'égo de Fanny ravie de cette
adulation, cette tare se prolongeant à son frère Trippy (Richard
Waring), viveur dépensier et inconscient. La réalité les rattrape
pourtant lorsque Job Skeffington (Claude Rains) patron de Trippy, les
avertit des malversations de ce dernier. Par chance Skeffington tombé
sous le charme de Fanny va l'épouser et annuler la dette. Trippy jaloux
et outré s'engage alors pour la guerre 14-18.
Bette Davis est
épatante, apportant de nouvelle nuances à un type de personnage qu'elle a
déjà incarné. Fanny est ici cruelle et égocentrique sans même s'en
rendre compte, totalement consacrée à sa propre personne et jamais
naturelle. Tous ces gestes et paroles ne sont que minauderies et
séduction, le regard toujours aguicheur et en quête d'admiration.
L'actrice malgré son charme était consciente de ne pas
être l'incarnation de beauté éclatante supposé figurer son personnage mais
son jeu maniéré est parfaitement étudié, ses afféteries caractérisées avec brio par la sophistication de ses tenues et coiffures.
La mise en scène de Sherman, la photo délicate d’Ernest Haller offrent
aussi un écrin idéal propre à magnifier l'actrice avec notamment une
première apparition mémorable et l'idée de ce tableau reflet puis
souvenir de son éclat dont l’image plane constamment.
Les comportements
expansifs ne semblent ici que dissimuler l'hypocrisie et le personnage
le plus sincère sera donc Claude Rains qui campe un Mr Skeffington sobre
et discret, son amour s'exprimant dans une retenue à l'opposé des
prétendants aux déclarations spectaculaire qui ravissent Fanny.
Conscient que celle-ci ne l'a sans doute pas épousé par amour, il va
également déchanter en constatant que ce narcissisme se prolongera dans
le quotidien du couple. Lorsqu'elle apprend qu'elle est enceinte, Fanny
ne se soucie ainsi que des dégâts physiques de son futur état plutôt que
du bonheur d'être mère, continue à recevoir les louanges de ses
admirateurs...
Le scénario gère excellemment la notion du temps
qui passe, l'égoïsme de Fanny semblant même la protéger de l'outrage des
ans et son immaturité pouvant s'affirmer sans complexe puisqu'elle a
éloigné mari et enfant pour prolonger sa folie adolescente. Lorsque la
maladie fait soudainement paraître son âge voire au-delà la déchéance
sera cruelle et lui rappellera tous ces errements passé. C'est quand
arrive ce moment que l'on se demande s'il fallait bien 2h25 pour
raconter cette histoire tant l'épilogue rédempteur est d'une rare
lourdeur.
Bette Davis si juste jusque-là en fait des tonnes grimée et si
l'émotion fonctionne pour exprimer l'écart entre ses manières
inchangées et son physique décrépis, les situations le surlignent avec
si peu de subtilité qu'elles finissent par lasser. La cruelle scène de
dîner où les anciens prétendants ont un mouvement de recul face à celle qui fut l'objet de leur affection était suffisamment forte pour ne pas en
rajouter avec carrément les bouts de perruques qui se détachent dans
une autre séquence.
En voulant rendre la chute à la hauteur de
l'arrogance passée, le scénario en fait un peu trop et on a l'impression
que Bette Davis fait son numéro (son maquillage grossier semblant par moment échappé de
La Vie Privée d'Elisabeth d'Angleterre (1939)) alors qu'il y avait une belle prise de
risque (elle y gagnera une nouvelle nomination à l'Oscar). Du coup les
tant attendue retrouvailles finales laissent presque froid et ajoute
encore une touche de pathos avec une astuce assez malhonnête pour
préserver l'égo pas tout à fait éteint de son héroïne. Un beau mélodrame
qui s'égare un peu par manque de finesse dans sa dernière partie,
dommage.
Sorti en dvd zone 2 anglais et zone 1 et doté de sous-titres français
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