Sutter est un adolescent brillant, drôle, charmant... et très porté sur la boisson. Son quotidien est chamboulé par sa rencontre avec la timide Aimee, une jeune femme totalement différente de lui.
Le teen movie et la touche « indé » se marient
magnifiquement dans cette œuvre sensible et juste. Le film adapte le roman
éponyme de Tim Tharpe nominé par la National Book Award comme meilleure livre
de jeunesse en 2008. Le réalisateur James Ponsoldt se sera principalement
approprié ce matériau originel en déplaçant l’intrigue en Géorgie alors que le
roman se déroule en Oklahoma, imprégnant ainsi de ses propres souvenirs
adolescents la trame du livre et notamment en attribuant au héros nombre de
traits de caractère du jeune homme qu’il était alors.
C’est la voix-off narquoise de Sutter Keely (Miles Teller)
qui nous accompagne en ouverture, l’adolescent nous faisant découvrir sa vie
insouciante. Drôle, plein d’esprit et populaire, Sutter savoure chaque moment
d’un quotidien oisif qu’il traverse avec un détachement amusé. Sans doute un
peu trop puisque sa petite ami Cassidy (Brie Larson) lasse de cette
désinvolture finit par rompre. Voulant fêter cette rupture dont il se fiche
comme du reste, il va se réveiller le lendemain sur un gazon inconnu après une
nuit de beuverie. C’est là qu’il va rencontrer Aimee Finicky (Shailene Woodley) jeune fille de son
lycée qui est en tout point son opposé. Discrète et studieuse, elle évolue dans
une sphère bien éloignée du fêtard Sutter mais les deux vont pourtant
sympathiser, notre héros se voyant en pygmalion qui va socialiser la timide
Aimee.
On croit voir venir l’intrigue romantique adolescente
convenue et ces rebondissements éculés mais on contraire le film n’aura de cesse
de contredire nos attentes. Avant que la trame ne vogue vers des sentiers
inattendus, la caractérisation des personnages pas tout à fait dans les clichés
qu’il semble véhiculer nous aura mis la puce à l’oreille. Sutter sous son
assurance semble constamment dissimuler une fêlure plus secrète qui ne se
devinera dans un premier temps que par ce gobelet alcoolisé qu’il sirote en
permanence, l’ébriété quasi permanente lui évitant de s’impliquer à son
environnement de la plus futile (sa mère lui reprochant de ne pas avoir étendu
sa chemise) ou la plus concrète des manière.
C’est ainsi qu’il aborde
sa relation avec Aimee mais la fraîcheur et la sincérité de celle-ci vont
ébranler ce détachement apparent. Les solitudes des deux personnages se répondent
et se complètent, dans une tonalité sentimentale charmante pour Aimee
découvrant ses premiers émois amoureux et plus dramatiques pour Sutter placé
face à ses contradictions.
The Spectacular Now
est une œuvre représentative de la réalité des familles monoparentale, des
enfants ayant appris à grandir dans des couples divorcés. Hormis le rôle de
mère dépassée de Jennifer Jason Leigh, les parents sont donc ici en retraits et
défaillants (la mère d’Aimee lui faisant effectuer sa tournée de journaux quotidienne), aux jeunes livrés à eux-mêmes de réagir à
cette situation selon leurs personnalités. On découvrira qu’Aimee a vécu
également un drame personnel avec un père absent, mais sa force de caractère et
la connaissance des raisons de cette disparition lui ont fait accepter les faits
et c’est sereinement et avec assurance qu’elle envisage son avenir.
A l’inverse
le départ du père de Sutter est entouré de secret, il ne l’a pas revu depuis
son enfance et sa mère refuse qu’il communique avec lui. Notre héros révèle
ainsi par ce manque son angoisse et sa peur de l’avenir, expliquant son
attitude immature face aux études ou ses relations. Le pygmalion n’est alors
pas forcément celui que l’on croit, Aimee poussant Sutter dans ses
retranchements.
James Ponsoldt esquive avec brio les clichés, chacun des
éléments précités se dévoilant dans une tonalité feutrée, sans élans
dramatiques ni rebondissements forcés. Plus la relation devient sincère, plus
les fêlures de chacun se devinent, le triangle amoureux annoncé tournant court
avec l’ex Cassidy attachée à Sutter mais fuyant son influence néfaste. Une
gravité surprenante traverse ainsi le film avec ces adolescents coincés entre
l’enfance et l’âge adulte dans ce moment de transition (comme le Say anything de Cameron Crowe auquel on
pense beaucoup, l’histoire se déroule en fin d’année entre bal de promo, remise
des diplômes et futur choix d’université) où se dessine soi un avenir de tous
les possibles soi des portes déjà fermées.
La romance adolescente est une des
plus belles vues dans un teen movie, Miles Teller et Shailene Woodley exprimant avec une alchimie rare ce mélange de
maladresse, de gaucherie et d’abandon qui s’expriment dans ces premiers émois.
Miles Teller fonctionne dans les changements d’attitudes brusques, fendant
l’armure indifférente de Sutter pour le meilleur et pour le pire, amoureux
sincère ou autodestructeur. Shailene Woodley exprime elle une grâce inouïe, son
regard tendre et aimant se faisant constamment apaisant.
James Ponsoldt les saisit avec une vraie
délicatesse comme cette scène de première fois tout en douceur et
magnifiquement amenée. L’empathie est bien là et rend l’émotion d’autant plus
forte lorsque les nuages s’amoncèlent lors des désillusions de la dernière
partie. Mais là encore, plutôt que de jouer des clichés éculés, le réalisateur
préfère conclure sur une fin ouverte, un regard incertain et nous laisser y
croire. Un petit bijou.
En salle en ce moment
J'ai eu l'occasion d'apprécier The Spectacular Now en VO, petit bijou, bien que très peu connu en France... Merci pour votre excellente analyse ! Pour ma part, et, eu égard votre analyse, je rajouterai une petite connivence avec l'excellent film de Stephen Chbosky, "Le monde de Charlie". Ces deux excellents films, ne sont pas uniquement de simples "teen movies", en effet, ils permettent également de mieux comprendre la psychologie et la difficulté du passage "adolescent-adulte". Ils dépeignent des enjeux sociétales de toutes qualités (alcoolisme, sentiment, psychologie, philosophie, peur, névrose, stress)... Selon un avis purement personnel, il est temps d'anéantir l'idée reçue selon laquelle les "teen movies" ne sont voués qu'à un public d'adolescents.
RépondreSupprimerJ'avais beaucoup aimé aussi "Le monde de Charlie" beau film sensible et sobre. Après il mettait en scène un héros timide et introverti comme on a déjà vu beaucoup et c'est pourquoi je préfère The Sectacular now qui creuse vraiment un type de personnage qui se résume au côté antipathique et/ou superficiel dans d'autres teen movie l'approche est plus originale. Et Miles Teller (qui m'a épaté plus tard dans Whiplash aussi) est fabuleux pour faire passer tout cela. Bien d'accord avec vous su l'aura du teen movie un genre bien plus riche qu'on ne veut bien le penser. En réussite récente avez vous vu "The Myth of the american sleepover" ? Grand film aussi !
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