mercredi 21 avril 2010
The Small Back Room - Michael Powell et Emeric Pressburger (1943)
Sammy Rice, un jeune chercheur pourtant brillant, manque singulièrement de confiance en lui. Spécialiste des armes de guerre, il laisse son supérieur, le colonel Waring, tirer parti de son travail alors que lui reste dans l'ombre. Cette mise à l'écart lui pèse et s'ajoute aux complexes que lui donne une amputation du pied. Son infirmité et sa propension à boire rendent ses rapports avec son amie Susan souvent houleux, jusqu'au jour où il est chargé d'une difficile et dangereuse mission de déminage...
Venant juste après la flamboyance et l'explosion de couleur des Chaussons Rouges, le duo opère un revirement surprenant avec ce film qui est presque son exact inverse. Là où le précédent n'était que sentiment exacerbé porté par un récit hypertrophié et fastueux, l'adaptation du roman de Nigel Balchin (qui signe le scénario en personne) les voie emprunter une voix plus intimiste.Le récit dépeint les tourments d'un jeune scientifique joué par David Farrar en pleine crise. Miné par le manque de confiance en soi suite à une infirmité du pied, il se laisse marcher sur les pieds dans le cadre de ses recherches et se réfugie dans l'alcool au grand désespoir de sa petite amie (jouée par Kathleen Byron la nonne meurtrière du Narcisse Noir).
Même si en apparence plus en retenue, la forme s'avère tout aussi spectaculaire, inventive et approprié à son sujet que pouvaient l'être les parti pris des Chaussons rouges. Powell confère à leur film une atmosphère étouffante et opaque, porté par une photo de Christopher Challis assez incroyable dans son jeu sur le clair obscurs, le côté absorbant des noirs et plusieurs idées folles destiné à nous faire partager l'état d'esprit perturbé de David Farrar.Le jeu sur les son notamment, avec un mix très agressif et déstabilisant tel cette séquence de réunion au sommet où des grincement et bruit de travaux viennent constamment interrompre les débats.
De même les séquences en club nocturne ou dans le bar où se saoule Farrar rendent le monde extérieur et l'agitation alentour menaçant, formant un magma sonore informe qui nous enfonce en permanence.
Powell et Pressburger se lâchent tout de même le temps d'une séquence digne de la scène d'hallucination de La Maison du Docteur Edwards (conçue par Dali et le film est sorti 2 ans plus tard Hitchcock aurait il été influencé ?) avec un David Farrar tentant de résister à l'appel d'un bouteille de whisky en évidence et qui hallucine : la bouteille se démultiplie, devient gigantesque, le décor devient totalement abstrait en forme de piège infernal, un grand moment de cinéma. David Farrar, parfois cantonné aux rôles très affirmé dans leur masculinité (le châtelain rustre de La Renarde forcément) est vraiment étonnant en homme handicapé et doutant de lui. Le couple formé avec Kathleen Byron qui le pousse à bout pour qu'il se prenne en main est vraiment touchant et réussi avec des échanges magnifiquement écrits.
La conclusion offre une des meilleurs scènes jamais filmée par Powell/Pressburger, lorsque Farrar décide de se mettre à l'épreuve et d'aller désamorcer un modèle de bombes allemandes qui à causer bien des dégâts depuis le début du film. Une séquence tendue à bloc et stressante à souhait, qui n'a absolument pas à rougir face à des scènes du même type dans le récent Démineurs.
Bref dans une veine moins spectaculaire ça fait autant son effet que leur titre plus ouvertement aguicheurs et reconnus.
Trouvable en zone anglais pour pas trop cher (mais sans sous titres) et dans une belle édition zone 1 de Criterion doté du copie somptueuse (noir et blenc incroyable voyez les captures).
La scène d'hallucination
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