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mercredi 30 juillet 2014

Les Belles de St. Trinian - The Belles of St. Trinian's, Frank Launder (1954)


A St. Trinian, un pensionnat de jeunes filles britannique où les jeunes élèves sont plus intéressées par les courses que par les livres, en même temps qu'elles essayent de trouver le meilleur moyen pour devenir riches rapidement.


Les pensionnats anglais, leurs uniformes et leur discipline qui préparent des élèves à devenir des gentlemen et des ladies, toute cette imagerie bien connue se voit balayée avec fracas dans The Belles of St. Trinian's qui reste la plus grosse réussite commerciale du duo Frank Launder / Sidney Gilliat. Le tandem avait déjà malmené avec humour l’univers scolaire anglais dans The Happiest Days of Your Life (1954) et son école mixte improvisée bousculant les mœurs d’après-guerre. Le générique dessiné du film était signé Ronald Searle, qui y reprenait les motifs de son célèbre comic strip, St. Trinian's. Ronald Searle publie les premiers dessins dépeignant les péripéties du pensionnat imaginaire de St. Trinian's en 1941 dans la revue Lilliput. L'artiste fut mobilisé peu de temps après, officiant à Singapour durant la Deuxième Guerre mondiale où il sera fait prisonnier et subira nombre de privations dans les camps japonais. A son retour en 1946, forcément sa vision du monde a changé et lorsqu'il revient à l'univers de St. Trinians le ton évolue radicalement pour se faire plus sombre avec des adolescentes rétives à l'autorité, délinquantes et à la sexualité précoce.
L'humour noir et la cruauté sont plus prononcés, certaines jeunes filles mourant dans d'horribles tourments suite à leurs mauvais penchants et leurs fréquentations douteuses. Tout cela baignerait dans une imagerie esthétiquement respectueuse des collèges anglais tout en la dynamitant, Searle s'inspirant des célèbres Perse School for Girls et St Mary's School de Cambridge, sa ville d'origine où il eut l'occasion d’assister aux passages bruyant des élèves. Searle tire donc son pastiche d'une vraie réalité, le nom de l'établissement imaginaire détournant d'ailleurs celui de la St. Trinnean's Girls' School d'Edimbourg où il fit ses classes en 1941 et croisa deux élèves particulièrement effrontées qui l'inspireront.

Le succès de la bd devait rapidement intéresser le cinéma et en 1954, Frank Launder et Sidney Gilliat en acquièrent les droits, les deux signant le scénario tandis que Launder s'attèle à la réalisation. Le matériau original se voit parfaitement respecté et le film s'avère aussi drôle qu'irrévérencieux, le changement principal étant de faire passer tous les outrages par l'humour et en atténuant la noirceur. Symbole de ce virage, le double rôle absolument génial d'Alastair Sim qui joue à la fois la directrice Millicent Fritton ainsi que son frère et parent d'élève escrocs Clarence Fritton. Tout comme le village d'Astérix dans l'empire romain, le pensionnat de St. Trinians nous apparait comme un îlot de rébellion irrépressible et source de tourment pour le Ministère de l'éducation et plus généralement pour une Angleterre paisible. Avant de voir les élèves en action, on va d'abord les entendre dans une mémorable scène d'ouverture où elle font figure de ruche bourdonnante et terrifiant les quidams sur leurs passage, ces derniers se rendant compte après coup d'un de leur mauvais tour comme cet agent de gare attaché à un chariot de bagage.

Launder détourne aussi les codes du film d'horreur pour figurer l'épouvante que suscite les school girls en usant de la vision subjective pour le bus les transportant et avançant comme une menace indicible tandis que les commerçant du village voisin de la pension ferment boutique en panique comme avant un duel de western. Et une fois qu'elles apparaissent, c'est le chaos absolu, un ouragan de couettes, socquettes et jupettes qui transforment l'espace calme du pensionnat en véritable champ de bataille. On apprendra que le projet initial de la directrice Millicent Fritton était de créer un modèle d'éducation original et novateur et comme le soulignera un dialogue, d'ordinaire les jeunes filles issues de pensionnat ne sont pas préparées au monde extérieur et là au contraire ce sera le monde extérieur qui ne sera pas préparé aux furies de St. Trinian.

La description du quotidien de l'école est tout aussi tordant : on fabrique du gin de contrebande en cours de chimie, le cours d'histoire-géographie consiste à désigner les meilleures années et régions pour ce qui est des crus de champagne. Les professeurs sans salaires depuis des mois et coincés dans cette galère ont abandonnés la partie et l'école est au bord de la faillite. Le salut viendra avec l'arrivée d'une élève étrangère, la princesse Fatima (Lorna Anderson) dont le père souhaitait offrir le meilleur de l'éducation occidentale. Cette nouvelle élève va attirer les vautours et notamment Clarence Fritton (Alastair Sim) ayant un cheval en compétition dans le même challenge que celui du père de Fatima et qui tentera de soutirer des informations par sa propre fille Arabella (Vivienne Martin).

Parallèlement le Ministère de l'éducation (dont les deux inspecteurs dépêchés ne sont jamais revenus, on découvrira leur sort) tentera enfin de faire fermer St. Trinians en envoyant un policier infiltré en professeur pour mettre à jour les agissements douteux de l'établissement. Parmi les élèves va également se mener une redoutable partie d'échec entre les élèves, les plus jeunes et amis de Fatima ayant pariés sur la victoire du cheval de son père alors que les plus âgées soutiennent Arabella et les manigances de son père.

Le scénario est parfaitement équilibré pour entremêler ses différentes sus-intrigues tout en réservant son lot de dérapages et gags délirants. On aura entre autre une partie de hockey très particulière avec une école extérieure où nos teignes ont un lot d'astuces pour ne pas gagner dans les règles comme réduire la taille de leurs cages ou assommer l'arbitre. Alastair Sim est grandiose dans son double emploi, roublard et carnassier en père de famille gangster et hilarant avec cette Millicent Fritton à l'attitude précieuse et délicate mais ne manquant pas de pragmatisme pour exploiter à merveille les mauvais penchants de ses élèves.

Le seul défaut pourrait être le manque de caractérisation spécifique d'élève, ces derniers étaient d'ailleurs déjà en retrait et réduits à des silhouettes dans The Happiest Days of Your Life. Launder rectifie pourtant ce défaut du film précédent en jouant à fond de l'origine comic-strip de St. Trinian. Sans forcément retenir leur nom, on s'attache aux personnages à travers les vignettes de leur méfaits les plus mémorable, les bouilles enfantines se retenant plus vite par le gag et faisant ainsi filer l'intrigue à toute vitesse. Dans l'opposition même de caractère et de génération on constate même une grande fidélité aux cases de Ronald Searle.

Les plus jeunes (The Four Form, préadolescente et toute jeunes fillettes) sont les plus mignonnes et attachantes et se rapproche le plus du dessin originel de Searle dans sa première mouture de 1941 tandis que les plus âgées (The Six Form déjà femmes et pour certaines trop vieilles pour être encore accueillies dans le pensionnat) s'avèrent les plus dépravées, néfastes et dangereuses et correspondent à la seconde vision plus noire que donna le dessinateur de sa création durant l'après-guerre. Frank Launder trouve ainsi un prolongement amusé à certaines thématiques de ses films plus sérieux où il s'interrogeait sur le devenir de la société anglaise face aux conséquences de la guerre, que ce soit avec la jeune femme mobilisée de Ceux de chez nous (1943) ou le couple de Waterloo Road (1945). Ici c'est un questionnement sur la jeunesse pervertie par une enfance vécue sous l'ère du marché noir et des privations et qui prolongent cet état d'esprit des adultes dans le monde l'enfance.

Le constat pourrait être très noir d'autant que Launder ne censure guère la bd, les Six Form n'hésitant pas à jouer de leurs charmes pour parvenir à leur fin et la sexualité précoce et agressive étant bien appuyée dans leur attitude et poses lascives. C'est cependant la débrouillardise et le bagout des Four Form qu'on retient et c'est elles que l'on souhaite voir sortir gagnante, Launder parvenant à susciter tendresse et empathie notamment grâce à Alastair Sim reflétant ces deux facettes (la perversion et la tendresse "pratique") avec ses deux personnages, la plus mémorable étant bien sûr celles travestie en Millicent Fritton.

Courses-poursuites, rebondissements inattendus et trouvailles géniales peuvent donc exploser dans une dernière partie de haut vol où le pensionnat devient un véritable champ de bataille où circulent les individus louches en tout genre. L'équilibre parfait du film lui évitera les mailles de la censure anglaise malgré les multiples outrages et The Belles of St. Trinians sera le troisième plus gros succès de 1954 au box-office. Trois suites verront le jour (Blue Murder at St Trinian's (1957), The Pure Hell of St Trinian's (1960), The Great St Trinian's Train Robbery (1966)) toutes signées Frank Launder et Sidney Gilliat et contribuant à installer St. Trinian dans la culture populaire anglaise au point de générer deux tentative de revival récent avec St Trinian's (2007 et où Rupert Everet reprend le flambeau de Alastair Sim) et St Trinian's 2: The Legend of Fritton's Gold (2009). Un classique de la comédie anglaise toujours aussi drôle en tout cas et très tenté d'attaquer toutes les suites.

Sorti en bluray chez Studio Canal

Extrait : They're back !!!!

2 commentaires:

  1. Je ne veux pas médire des suites, mais j'ai bien l'impression que le premier de la série est celui qui laisse le meilleur souvenir.

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  2. Argh j'ai déjà commandé le coffret pour la totale qui n'était pas cher ^^. Ceci dit d'après les commentaires clients sur amazon le 3e "The Pure Hell of St Trinian's" semble valoir le détour aussi, on verra bien. Moi c'est plutôt les remakes récent qui me font peur j'ai jeté un oeil aux bandes annonces tout l'esprit originel semble évaporé...

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