Un député meurt dans un accident
d'automobile. Mais le commissaire Lombardozzi découvre qu'on l'a
assassiné un peu plut tôt, dans un motel. Le coupable est inculpé. Un
peu trop vite ?...
Il commissario
est une œuvre semble-t-il assez méconnue de Luigi Comencini mais qui
s'avère des plus captivante par son mélange surprenant en comédie
italienne, film noir et satire grinçante. Le film anticipe grandement la
trilogie que consacrera le réalisateur à l'enfance et à la perte
d'innocence dans classiques comme L'Incompris (1967), Casanova, un adolescent à Venise (1969) et Les Aventures de Pinocchio
(1972 pour la série tv et 1975 pour la version cinéma). Dans chacun de
ces films, Comencini confrontait ces jeunes héros à l'imperfection et la
noirceur du monde adulte à travers des expériences de deuil et de
corruption qui allaient les marquer à jamais, pour le meilleur et pour
le pire. Dante Lombardozzi (Alberto Sordi) a lui quitté l'enfance depuis
bien longtemps mais Comencini lui confère une forme de candeur et de
naïveté qui en font un être bien trop pur pour l'atmosphère corrompue à
laquelle il va se confronter. Cette ironie est soulignée dès la scène
d'ouverture où sur une musique inquiétante on le voit suivre une jeune
femme dans la nuit urbaine, avant que sa maladroite tentative de
séduction ne désamorce la tension. Ce sera toute la problématique du
personnage tout au long du film, ne pas être pris au sérieux.
Le
cadavre d'un député (une scène de meeting où des prêtres trônent aux
premiers rangs laisse deviner qu'il s'agit de la Démocratie Chrétienne
bien qu'elle ne soit jamais nommée) vanté pour sa morale et vertu est
découvert sur un terrain vague abandonné. Pour ne pas salir la mémoire
du disparu, il est occulté d'un commun accord entre le parti et la
police le fait qu'il se trouvait en galante compagnie avant sa mort et
l'enquête est rapidement bouclée avec un automobiliste comme coupable
involontaire passant rapidement aux aveux et de toute façon acquitté
pour ce qui semble être un malheureux accident. Tout n'est cependant pas
si simple pour le sous-commissaire Lombardozzi qui espère bien obtenir
une promotion en trouvant le fin mot de l'affaire. Il ne va pas tarder
en effet à repérer d’étranges incohérences dans les preuves et les
témoignages divers. Pourtant son zèle semble gêner auprès de ses
supérieurs et des personnages haut placés ayant côtoyés la victime.
Comencini mêle brillamment comédie et fait polar dans un équilibre
surprenant. Cela tient grandement à la formidable prestation d'Alberto
Sordi.
Son rôle n'est pas sans rappeler celui qu'il tenait dans Une Vie difficile
(1961) de Dino Risi à savoir un personnage à contretemps du monde qui
l'entoure et là un militant engagé perdu dans l'Italie cynique du boom
économique. Dans Le Commissaire
le zèle acharné de Lombardozzi est un motif comique permanent pour ses
supérieurs qu'il gêne aux entournures. Les rendez-vous manqués avec sa
belle-famille d'un Lombardozzi absorbé par son enquête forment également
un savoureux running gag. Parallèlement, la trame policière est traitée
avec le plus grand sérieux et notre héros mis en valeur par son
intuition et ses capacités de déductions. C'est l'occasion de découvrir
un envers sordide de ce cadre urbain fait de prostituées, de proxénètes
répugnants et d'escroc à la petite semaine, une population dont Sordi va
découvrir les liens troubles avec la politique. Comencini s'avère
d'ailleurs particulièrement doué pour instaurer une atmosphère urbaine
oppressante.
On pourrait s'attendre à ce que le récit tourne vers
une dénonciation de la corruption politique mais plus qu'un pamphlet,
Comencini orchestre surtout un grand film sur l'hypocrisie. La
résolution du crime est moins importante que les efforts faits pour
l'étouffer. Pas de grand secret ou de complot mais juste une volonté de
maintenir les apparences morales intactes. Lombardozzi va ainsi voir sa
propre intégrité questionnée lorsqu'en ayant relancé l'enquête il est
effectivement promu alors qu'un innocent croupit sans doute derrière les
barreaux. Entre se ranger au tableau d'ensemble et gravir les échelons
ou s'opposer mais tout perdre, notre héros va devoir choisir. Le final
est d'un tel cynisme que le faux coupable s'avère par ailleurs peu
recommandable et mériterait presque son sort. La conclusion est un
renoncement pathétique où l'énergie, la vivacité et l'intelligence
d'Alberto Sordi s'estompent pour laisser place à son regard éteint et
absent.
Sorti en dvd zone 2 français chez Studio Canal
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