Pendant la Seconde Guerre mondiale,
près du village de Bastogne, dans les Ardennes, un groupe de soldats
américains livre bataille contre les Allemands. Pendant cet hiver
brumeux et neigeux, chacun des deux camps va devoir garder le moral afin
de continuer le combat. Les allemands, face aux américains cernés qui
refusent de se rendre, décident alors de lancer des missions de
sabotage.
William A. Wellman réalise un des plus grands film consacré à la Seconde Guerre Mondiale avec ce Bastogne,
sa propre expérience de la Grande Guerre le rendant toujours aussi
juste pour dépeindre le quotidien des hommes au front. Le projet naît de
la volonté du producteur Dore Schary de consacrer un film à l'héroïsme
de la 101° Division aéroportée, qui tint valeureusement tête aux
allemands en infériorité numérique près du village de Bastogne, dans les
Ardennes. Schary tentera sans succès de monter le film au sein de la
RKO dont il dirigeait le département production mais tout s'écroule
lorsque Howard Hughes prend possession du studio. Engagé dans les même
fonctions à la MGM, Dore Schary peut enfin réaliser son rêve, bien aidé
par le scénario de Robert Pirosh, un ancien de Bastogne, et par
l'illustrateur hors-pair qu'est Wellman qui venait de marquer les esprit
dans cette veine avec The Story of G.I. Joe (1945).
Nous
sommes donc en décembre 1944, en France où l'armée américaine progresse
difficilement face aux troupes allemande. Le champ de bataille des
Ardennes s'avère un des plus harassants par ses conditions climatiques
difficiles. Wellman nous plonge dans le quotidien de la 101° Division,
une unité déjà à bout de force et qui voit sa possible permission à
Paris s'envoler à cause d'une nouvelle incursion des allemands. Wellman
rend à la fois intime et universel sa description de cette entité.
Chaque soldat est suffisamment caractérisé pour l'identifier et s'y
attacher mais c'est plus par les archétypes de leurs traits de
caractère, par leurs visages et réaction que chacun s'imprègnera dans
l'esprit du spectateur. S'ils sont bien sûr nommés, cette identité reste
finalement assez noyée dans cette volonté de dépeindre un collectif.
On
reconnaîtra ainsi au choix la nouvelle recrue qui a du mal à trouver sa
place (Marshall Thompson), le soupe au lait au grand cœur (Van Johnson
excellent), le vieux sage (George Murphy) ou encore le doux rêveur
(Ricardo Montalban en adepte du baseball). Wellman les capture dans une
monotonie faîte d'urgence, de privation et frustration diverse avec
cette absence de confort, ces corvées quotidiennes à chaque arrêt et des
ordres leur enjoignant de progresser toujours plus loin. Cela se fait
d'abord avec un certain amusement, notamment via le personnage de Van
Johnson, trop las pour tenter une séduction avec la jolie et pas
insensible française (Denise Darcel) qui les loge, son seul plaisir en
ces temps difficile lui étant privé avec une fichue omelette qu'il
n'aura jamais le temps de cuire car toujours réquisitionné par des
supérieurs sur le qui-vive.
L'ennemi ne se résume pas aux
allemands, la neige, le froid et l'humidité en constituant de tout aussi
redoutable. Wellman traduit cette monotonie par la répétitivité des
environnements traversés, le film semblant se résumer aux quatre ou cinq
mêmes décors dans lesquels les personnages font des allers-retours.
C'est de cette monotonie et de la lassitude qui en découle que peut
survenir le danger, la vigilance de nos soldats se trouvant trompées par
la fourberie des allemands, par leur guerre psychologique et par ses
bombardements incessants pouvant se manifester à tout moment. Dans sa
torpeur volontaire, le film dégage ainsi de saisissant éclairs de
tension et de désespoir avec ces troupes allemandes semant la mort en se
faisant passer pour des américains, cette radio diffusant message et
chanson propre à effriter la détermination et de tract aérien enjoignant
à abandonner le siège.
Ce dernier point est une des originalités du
film, cette méthode de brisure psychologique n'ayant pas été vue si
souvent dans un film de guerre (de mémoire les japonais recourent à
cette même technique dans l'excellent Trop tard pour les héros
(1970) de Robert Aldrich. L'épais brouillard fait l'effet d'une prison à
ciel ouvert pour nos héros qui y voient surgir des silhouettes ennemies
sans prévenir et rendant l'horizon (et donc l'espoir de s'en sortir)
indistinct.
Une idée qui fonctionne au propre comme au figuré puisque c'est
ce même brouillard qui rend le terrain invisible et empêche le
bombardement et le ravitaillement espéré. Bastogne
nous narre ainsi un pur récit de survie. Survie face à l'ennemi, face
aux éléments, face à soi-même et ses peurs mais aussi et surtout survie
pour l'autre. La solidarité, la camaraderie et le sens du sacrifice est
magnifique observé par le réalisateur qui montre nombre d'exemple
d'abnégation et d'entraide mutuelle tout au long du film. Cela se
traduira autant par des scènes explicites de sauvetage (ou du moins
tentative), d'un simple regard (le visage fermé de Pop après la
disparition de Roderigues) ou d'une phrase (John Hodiak reprenant la
phrase qui l'agaçait tant dans la bouche de son camarade disparu dans la
dernière scène) ou d'une image avec cette mais inerte surgissant de la
neige. La fierté et l'unité de l'entité triomphe et ragaillardira ainsi
magnifiquement les survivants dans la poignante marche finale de cette
œuvre inoubliable.
Sorti en dvd zone français chez Warner
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