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samedi 1 novembre 2014
La Fille du bois maudit - The Trail of the Lonesome Pine, Henry Hathaway (1936)
Lonesome Pine. Un coin perdu de l'Amérique sauvage où deux familles, les Tolliver et les Falin, se livrent un combat ancestral. Cette haine a été jalonnée de nombreuses morts, de part et d'autre. Un jour, Jack Hale, un ingénieur, vient construire une voie ferrée à travers le pays. Il trouve une conciliation avec les deux clans, qui lui permettent de traverser leur territoire respectif afin d'y poser les rails du futur chemin de fer. Mais Hale est un homme instruit qui amène avec lui les mœurs de la ville dans cette région où les hommes sont restés sauvages et illettrés et où le progrès n'a pas pénétré. Des tensions se font bientôt jour au sein de chaque famille, tensions qui vont les précipiter dans une tragédie dont chacun sortira anéanti.
La Fille du bois maudit est une des réussites méconnue de la prolifique carrière d'Henry Hathaway. Le film est la quatrième adaptation du roman The Trail of the Lonesome Pine de John Fox Jr. (paru en 1908) après celles muettes de 1914, 1916 (signée Cecil B. DeMille) et 1923) et sera une des premières productions hollywoodienne en Technicolor. Le film traite d'un des thèmes emblématiques du western, celle de la fin de l'ère des pionniers pour une bascule vers la modernité représentée ici par l'arrivée du chemin de fer. La tradition est ici synonyme de proximité et d'amour familial dans la description chaleureuse de la famille Tolliver mais aussi d'une perpétuation de la justice armée à travers le conflit ancestral qui les oppose à leur voisin les Falin.
Le film s'ouvre sur une fusillade opposant les deux familles et le scénario ne cherche pas à expliquer l'origine de l'antagonisme tant les deux parties semblent mutuellement fautive sur la longueur. Les hommes semblent être les moteurs de ce cycle de la violence quand les femmes doivent en souffrir, que ce soit la matriarche aux traits usés incarnée par Beulah Bondi et bien sûr la jeune fille impétueuse et sauvage jouée par Sylvia Sidney. Les premiers se complaisent dans leur démonstration de force à l'image d'un Henry Fonda aux traits durs et au regard glacial quand les femmes sont condamnées à ne jamais dépasser leur condition.
Les magnifiques extérieurs et la profondeur de champ filmée par Hathaway dès les premières minutes semblent pourtant nous dire qu'il y a plus à vivre, que notre regard et connaissance peuvent nous porter plus loin que cet insignifiant conflit local. Cet ailleurs sera représenté par Jack Hale (Fred MacMurray), un ingénieur venu apporter le chemin de fer dans la région et qui devra concilier avec la haine des deux familles.
Pour le benjamin des Tolliver Buddie (Spanky McFarland) il représente un monde inconnu fait de machines et d'invention qui élève son regard et l'incite à se cultiver, de même pour June auquel s'ajoute un désir pour cet homme élégant et cultivé bien loin des rustres qui l'entoure. Cette confrontation avec l'extérieur fera comprendre aux locaux leur ignorance (l'épisode du chèque que personne ne sait lire) et d'un côté les incitera à s'élever quand de l'autre il renforcera le repli sur soi. Ce sera le cas pour Dave (Henry Fonda) dont ce refus se mêle à la jalousie qu'il éprouve pour Hale dont l'aura éloigné June de lui. Il n'en faudra pas moins pour que la guerre recommence et menace les progrès à venir.
Le film est visuellement somptueux, Hathaway multipliant les vues majestueuses de cette contrée sauvage dont le Technicolor donne des allures féériques. Les teintes pastels et automnales sont assez éloignées de l'usage plus agressif du Technicolor qu'on verra à Hollywood à l'époque (le pétaradant Robin des Bois (1938) de Michael Curtiz en tête et sur lequel officie aussi le directeur photo W. Howard Greene présent ici, son travail sur le Hathaway se rapprochant du Brigand bien-aimé (1939) de Henry King) et évoquerait plus l'usage qui en sera fait dans le cinéma anglais. L'environnement prend ainsi un tour à la fois sauvage et stylisé, représentant parfaitement les hésitations de Sylvia Sidney entre nature et culture.
Elle dégage une érotisme et une sensualité palpable qui annonce la Jennifer Jones de La Renarde (1950) mais exprimant plus la candeur que la provocation dans l'expression de son désir. Fred MacMurray en amoureux qui s'ignore sous couvert d'éducateur offre une prestation subtile dont il a le secret et Henry Fonda en laissant progressivement son armure guerrière s'effriter est formidable. La dernière partie exacerbe ainsi les passions et les haines, la paix ne pouvant être rendue possible que par des pertes tragiques et absurdes faisant enfin prendre conscience au protagoniste e l'impasse où ils se trouvent. Les deux magnifiques chansons et leitmotiv du film Twilight on the Trail et The Trail of the Lonesome Pine (la première fut même nommée à l'Oscar) font ainsi autant office de renouveau que de nostalgie d'un monde amené à disparaitre.
Sorti en dvd zone 2 français chez Universal
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