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jeudi 20 novembre 2014

Plus on est de fous - The More the Merrier, George Stevens (1943)

La crise du logement qui sévit aux Etats-Unis pendant la dernière guerre, oblige la jeune Connie à louer un appartement à un vieux monsieur, Benjamin Dingle. Celui-ci, de son côté, le sous-loue au jeune officier Carter...

Un an après l'excellent La Justice des hommes (1942), George Stevens retrouve Jean Arthur pour une autre merveille de romance en huis-clos avec cet excellent The More the Merrier. S'il ne part pas dans les réflexions philosophiques de son prédécesseur, le film s'inscrit avec humour dans une réalité d'alors à savoir la pénurie de logement au sein de cette Amérique en guerre. La scène d'ouverture amuse ainsi par son décalage avec sa voix off vantant les vertus de l'accueil à Washington tandis qu'à l'image s'enchaîne les visions d'hôtels et de pensions saturées. C'est dans ce contexte que va se profiler une promiscuité inattendue entre nos trois héros. Benjamin Dingle (Charles Coburn) est un homme politique venu justement à Washington pour mettre en place un programme immobilier et va ironiquement se trouver à la rue le temps de son séjour.

Il va avec roublardise et insistance réussir à sous-louer une chambre à Connie (Jean Arthur) jeune célibataire qui aurait préféré la compagnie d'une autre femme. Les manières coincées et l'organisation rigoureuse de Connie s'opposent à la désinvolture rigolarde de Dingle et George Stevens par son sens du rythme et sa gestion de l'espace fait de l'appartement un hilarant théâtre de ces deux caractères opposés. Le procédé est poussé plus loin encore lorsque Dingle va sous-louer sa propre chambre à Carter (Joel McCrea) un jeune officier de passage, et à l'insu de Connie bien sûr. A ces mouvements perpétuels désordonnés s'ajoutera ainsi une hilarante partie de cache-cache où Charles Coburn est absolument génial dans ses efforts à dissimuler sa duperie tandis que ses deux colocataires vaquent à leurs occupations.

Après avoir introduit les personnages dans les entrechoquements de cet espace restreint, Stevens met la pédale douce sur les gros gags pour développer subtilement leur caractère. Charles Coburn s'avère aussi volontariste que désinvolte dans ses actions sociales et dans son rôle d'entremetteur goguenard qu'il interprète avec un plaisir non dissimulé. Jean Arthur est une nouvelle bouleversante quand se dessine peu à peu la solitude de Connie sous l'attitude psychorigide, "fiancée" à un homme surtout préoccupé par sa carrière et pour qui cette compagnie un autant un dérangement qu'un piquant dans son quotidien morne. Joel MCrea est également très subtil en soldat de passage à l'attitude détachée, ses responsabilité ne lui permettant pas de se lier trop longuement à qui que ce soit (la première rencontre avec Dingle où il est constamment allusif sur ses activités).

La fragilité et le charme de Connie vont pourtant faire vaciller progressivement cette froideur. Ce rapprochement se fait dans le quotidien, le temps de quelques séquences anodines (un petit déjeuner à trois, une séance de bronzage...) d'un charme fou où Dingle a recours à des procédés grossiers pour briser la retenue des deux jeunes gens. Connie est trop fière et distinguée pour faire le premier pas, Carter n'est même pas conscient d'être en train de tomber amoureux. Les dialogues sont tordants lorsque les deux hommes mettent à mal la patience de Connie (toutes les piques sur son fiancé) et l'on passe un vrai bon moment.

Comme La Justice des hommes, Stevens brise cet aparté de manière un peu artificielle dans l'avalanche de rebondissement de la dernière partie alors que le romantisme se développait bien mieux dans l'attente. Néanmoins les situations sont suffisamment drôles pour susciter l'adhésion, comme ce moment où se vérifie les tirades de Charles Coburn sur la pénurie d'hommes à Washington (huit femmes pour un homme) et où Carter est subitement assailli de prétendantes dans un restaurant. On pense aussi à la réaction ahurie du fiancé (Richard Gaines) lorsqu'il découvrira les liens curieux unissant nos trois héros. La magie opère définitivement dans les purs moments romantiques où le film se détache de sa mécanique et ose ralentir.

Deux moments de grâce fonctionnent ainsi en parallèle. Connie et Carter dans leurs chambres respectives, allongés, s'avouent leur amour, le mur séparant les deux pièces semblant disparaitre par la finesse du montage laissant croire qu'ils sont côté à côte. La dernière scène répond à ce moment, quand devant se séparer notre couple reprend une attitude distante pour cacher sa détresse. A l'inverse, la mise en scène de Stevens filmant ce passage de l'extérieur fait supposer qu'ils sont séparés et en fait le mur a cette fois (littéralement) disparu. Le rapprochement mutuel se sera fait en domptant leur cœur et cet espace, idée que conjugue avec brio le réalisateur par la seule image (et assez ironiquement l'aveu amoureux se fait dans une promiscuité indécente par le montage, l'hypocrisie revient alors que la relation est "régularisée" beau pied de nez au Code Hays). Un petit bijou de comédie romantique et Jean Arthur est définitivement la plus craquante des "girl next door" du cinéma américain.

Sorti en dvd zone 1 chez Sony et doté de sous-titres anglais (assez défaillants quand même)

Extrait

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