Pages

lundi 20 avril 2015

La Toile d'araignée - The Cobweb, Vincente Minnelli (1955)

Le Dr Stewart McIver dirige une clinique psychiatrique qui s'efforce de faire participer ses patients à la vie quotidienne. Le sujet du moment est le remplacement de rideaux à partir de motifs dessinés par l'un d'eux. Sa jeune épouse se sent délaissée par son mari et s'oppose indirectement au projet. L'intendante Mlle Inch perçoit tout cela comme une intrusion dans ses prérogatives. Rapidement, tout ce petit monde se retrouve en porte-à-faux, se battant pour des rideaux et au-delà, pour affirmer sa place dans ce microcosme.

Vincente Minnelli aura su capturer le mal-être et les fêlures de ses personnages de la manière la plus flamboyante qui soit dans ses meilleurs films, avec un sens du lyrisme qui n'appartient qu'à lui. L'exercice est différent avec ce nettement plus feutré The Cobweb, adaptation éponyme du roman de William Gibson. Le film constitue une étude de caractères subtile où le drame ne naîtra pas d'une destinée cruelle mais au contraire de l'humain à travers une somme de petits détails faits d'incompréhensions, de manque de communications et d'ambitions. Le cadre du récit ne se prête guère pourtant à une telle instabilité avec cette clinique psychiatrique dirigée par le Docteur McIver (Richard Widmark).

Quelle que soit la volonté de bien faire et la compétence, les vies personnelles et les conflits animant les dirigeants constitueront un miroir de plus en plus dévastateur pour les malades. On partira donc ici l'insignifiant et d'une démarche positive pour tisser justement une toile d'araignée fatale à l'ensemble des protagonistes. Adepte d'une thérapie par l'autonomie progressive des patients, McIver profite du remplacement des rideaux de la clinique pour en confier le projet à ses pensionnaires qui en dessineront les motifs pour leur salle commune. L'initiative va pourtant susciter l'intérêt et le conflit entre son épouse (Gloria Grahame) qu'il délaisse, l'ancien directeur toujours en poste ne souhaitant pas perdre la face, une employée historique se sentant dépassée (Lilian Gish) et bien sûr les malades, en particulier le doué mais vulnérable Steven Holte (John Kerr).

Minnelli tisse cette toile avec une grande finesse, les séquences anodines du quotidien de la clinique s'enchaînant avant que la vision d'ensemble ne révèle les problèmes à venir. L'intimité des personnages offre également un reflet néfaste de leur dévouement à la clinique, celle-ci finissant par constituer la seule planche de salut à une vie sinistrée. McIver fuit ainsi le mal-être de son épouse peu habituée à cette vie provinciale et tentant maladroitement de se mêler à ses travaux. Lilian Gish incarne une figure historiquement attachée à la clinique dont le grand-père fut le fondateur et la scène de la visite nocturne de Widmark la montrant seule dans un foyer solitaire où trône le portrait du disparu témoigne de cela. Le personnage en devient émouvant en dépit de son caractère inflexible alors que Charles Boyer en directeur déchu est plus pathétique, trompant dans les femmes et l'alcool son dépit.

Quant à Lauren Bacall, ce sacerdoce lui permet d'oublier la disparition tragique de ses époux et fils, son appartement en désordre signifiant comme elle n'a plus rien à attendre de son foyer désert. La facette la plus touchante concernera néanmoins les malades. Minnelli illustre la fragilité psychologique de manière contrastée et toujours juste. Spectaculaire avec les crises de violence de Holte, plus feutrée avec cette malade souffrant d'agoraphobie ou encore cet adepte du sarcasme qui s'avérera le plus fragile et en attente d'affection de tous. C'est en capturant ce mal-être que Minnelli laisse s'exprimer sobrement son lyrisme : la photo de George Folsey faisant disparaître Widmark dans les ténèbres et la solitude de son foyer, Holte et la jeune fille soufrant d'agoraphobie seuls au monde et confiant en sortant du cinéma et l'échange de regard finissant en baiser entre Widmark et Lauren Bacall.

L'ensemble du prestigieux casting est excellent de bout en bout mais on retiendra plus particulièrement un Richard Widmark formidable d'humanité, dans sa compassion comme dans ses erreurs. Il prouvait une fois de plus que son registre était loin de se limiter aux rôles de psychopathe qui ont fait sa renommée.

Sorti en dvd zone 2 français chez Warner

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire