Le Dr Stewart McIver dirige une
clinique psychiatrique qui s'efforce de faire participer ses patients à
la vie quotidienne. Le sujet du moment est le remplacement de rideaux à
partir de motifs dessinés par l'un d'eux. Sa jeune épouse se sent
délaissée par son mari et s'oppose indirectement au projet. L'intendante
Mlle Inch perçoit tout cela comme une intrusion dans ses prérogatives.
Rapidement, tout ce petit monde se retrouve en porte-à-faux, se battant
pour des rideaux et au-delà, pour affirmer sa place dans ce microcosme.
Vincente
Minnelli aura su capturer le mal-être et les fêlures de ses personnages
de la manière la plus flamboyante qui soit dans ses meilleurs films,
avec un sens du lyrisme qui n'appartient qu'à lui. L'exercice est
différent avec ce nettement plus feutré The Cobweb,
adaptation éponyme du roman de William Gibson. Le film constitue une
étude de caractères subtile où le drame ne naîtra pas d'une destinée
cruelle mais au contraire de l'humain à travers une somme de petits
détails faits d'incompréhensions, de manque de communications et
d'ambitions. Le cadre du récit ne se prête guère pourtant à une telle
instabilité avec cette clinique psychiatrique dirigée par le Docteur
McIver (Richard Widmark).
Quelle que soit la volonté de bien faire et la
compétence, les vies personnelles et les conflits animant les
dirigeants constitueront un miroir de plus en plus dévastateur pour les
malades. On partira donc ici l'insignifiant et d'une démarche positive
pour tisser justement une toile d'araignée fatale à l'ensemble des
protagonistes. Adepte d'une thérapie par l'autonomie progressive des
patients, McIver profite du remplacement des rideaux de la clinique pour
en confier le projet à ses pensionnaires qui en dessineront les motifs
pour leur salle commune. L'initiative va pourtant susciter l'intérêt et
le conflit entre son épouse (Gloria Grahame) qu'il délaisse, l'ancien
directeur toujours en poste ne souhaitant pas perdre la face, une
employée historique se sentant dépassée (Lilian Gish) et bien sûr les
malades, en particulier le doué mais vulnérable Steven Holte (John
Kerr).
Minnelli tisse cette toile avec une grande finesse, les
séquences anodines du quotidien de la clinique s'enchaînant avant que la
vision d'ensemble ne révèle les problèmes à venir. L'intimité des
personnages offre également un reflet néfaste de leur dévouement à la
clinique, celle-ci finissant par constituer la seule planche de salut à
une vie sinistrée. McIver fuit ainsi le mal-être de son épouse peu
habituée à cette vie provinciale et tentant maladroitement de se mêler à
ses travaux. Lilian Gish incarne une figure historiquement attachée à
la clinique dont le grand-père fut le fondateur et la scène de la visite
nocturne de Widmark la montrant seule dans un foyer solitaire où trône
le portrait du disparu témoigne de cela. Le personnage en devient
émouvant en dépit de son caractère inflexible alors que Charles Boyer en
directeur déchu est plus pathétique, trompant dans les femmes et
l'alcool son dépit.
Quant à Lauren Bacall, ce sacerdoce lui permet
d'oublier la disparition tragique de ses époux et fils, son appartement
en désordre signifiant comme elle n'a plus rien à attendre de son foyer
désert. La facette la plus touchante concernera néanmoins les malades.
Minnelli illustre la fragilité psychologique de manière contrastée et
toujours juste. Spectaculaire avec les crises de violence de Holte, plus
feutrée avec cette malade souffrant d'agoraphobie ou encore cet adepte
du sarcasme qui s'avérera le plus fragile et en attente d'affection de
tous. C'est en capturant ce mal-être que Minnelli laisse s'exprimer
sobrement son lyrisme : la photo de George Folsey faisant disparaître
Widmark dans les ténèbres et la solitude de son foyer, Holte et la jeune
fille soufrant d'agoraphobie seuls au monde et confiant en sortant du
cinéma et l'échange de regard finissant en baiser entre Widmark et
Lauren Bacall.
L'ensemble du prestigieux casting est excellent de
bout en bout mais on retiendra plus particulièrement un Richard Widmark
formidable d'humanité, dans sa compassion comme dans ses erreurs. Il
prouvait une fois de plus que son registre était loin de se limiter aux
rôles de psychopathe qui ont fait sa renommée.
Sorti en dvd zone 2 français chez Warner
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