Sur les autoroutes
désertées d'une Australie méconnaissable, une guerre sans merci oppose motards
hors-la-loi et policiers Interceptor, qui tentent de triompher de la vermine au
volant de voitures aux moteurs surgonflés. Dans ce monde en pleine décadence,
les bons, les méchants, le manichéisme disparaissent...
Invention d’un personnage culte, d’un univers à l’imaginaire
les plus influents de la science-fiction contemporaine, révélation d’une
immense star et d’un génie de la mise en scène, tout cela est contenu dans Mad Max. Sans cette combinaison de
talents et d’idées, Mad Max n’aurait
pu être qu’une série B semi-amateur parmi tant d’autre. Le film naît de l’imaginaire
conjoint de George Miller alors médecin et de son ami Byron Kennedy, cinéaste
amateur. Amené à assister aux ravages des accidents de la route dans le service
d’urgences où il travaille mais aussi de
vrais carambolages dû aux fous du volant de sa région rurale de Queensland,
Miller se découvre une sorte de fascination pour cette violence de l’asphalte. La
première démonstration filmique de cet attrait sera le court-métrage Violence at the Cinema, Part I sorti en
1971 et qui tournera dans plusieurs festivals, y remportant de nombreux prix.
Dès lors le duo souhaite passer à la vitesse supérieure en développant ces
idées dans le cadre d’un long-métrage.
Aidé du scénariste James McCausland (qui
intégrera l’idée des effets du choc pétrolier de 1973 dans le récit et cette
quête d’une essence désormais rare), Miller et Kennedy décident de placer le
récit dans le cadre d’un futur proche, d’une dystopie où règne la barbarie. Les
aides au financement du cinéma australien d’alors étant plutôt orientées art et d’essai, le duo fort d’une rigoureuse présentation de 40 pages réussit
à lever auprès de particuliers un budget de 400 000 dollars. Un
investissement heureux pour les bienfaiteurs puisque Mad Max sera jusqu’à la
sortie du Projet Blair Witch (1999)
inscrit au livre Guinness des records comme le film le plus rentable de tous
les temps récoltant 8 millions de dollars aux Etats-Unis et 100 millions lors
de sa longue exploitation dans le reste du monde.
Dès la saisissante scène d’ouverture, c’est un choc. Sur des
routes australiennes désertiques, l’aigle de la route, un dangereux fou du
volant, nargue la police. Nous découvrons ainsi les bronzes, unités de
policiers tout de cuir vêtus, au volant de leur bolide Interceptor chargé d’appréhender
les hors-la-loi. La mise en scène nerveuse capture à merveille le danger, l’adrénaline
et le parfum de mort qui se joue entre poursuivant et poursuivis tandis que décors, obstacles véhiculés et malheureux quidams manquent d’être pulvérisés. L’aigle
de la route tout à sa folie semble bien inarrêtable. Pourtant en montage alterné, calmement et loin de
cette confusion, une silhouette sans visage écoute le déroulement des
évènements et attend son heure, se préparant méticuleusement. Le mythe Mad Max
est lentement façonné par cette caractérisation iconique et fétichiste qui
définit la menace dégagée par le personnage avant son entrée en action. A peine
a-t-il reconnu son nouveau poursuivant que le voyou fond en larmes, sachant qu’il
ne pourra jamais relever le défi de celui qui le traque désormais et mourra
dans une peur panique. Ce n’est que là que nous découvrons enfin le visage juvénile
et poupin de Max, pas encore mad mais semblant jouir plus que de raison des
poussées d’adrénaline que suscitent ces rodéos motorisés.
L’imagerie western dans un cadre contemporain n’est pas
nouvelle (de Un homme est passé (1955)
de John Sturges à Inspecteur Harry (1971)
de Don Siegel) mais George Miller par ce futur incertain et barbare invente réellement
une nouvelle imagerie, devant autant au western spaghetti qu’au road movie
américain. Il poussera la logique plus loin encore avec l’univers
post-apocalyptique de Mad Max 2
(1982) et ses légions armées aux allures de défilé SM mais dans ce premier
volet la proximité de ce monde envahi de motards psychopathes crée déjà un
sacré malaise. Telle une meute de loups assoiffés de sang, les motards menés
par le terrifiant Toecutter (Hugh Keays-Byrne) sème la terreur par simple
plaisir sadique.
Max est pourtant bien conscient d’être plus proche qu’il ne le
devrait de ceux qu’il pourchasse et trouve l’équilibre à travers une paisible vie de famille. Mel
Gibson fut recruté par George Miller dans des circonstances rocambolesques.
Impliqué dans une bagarre de bar la veille du casting, Gibson le visage tuméfié
et les vêtements en lambeaux décide de s’y présenter quand même sans trop y
croire. Miller frappé par son allure effrayante le recrute aussitôt. Il y a
ainsi chez Gibson un éclair d’incertitude, de démence contenue qui se dégage
constamment avec plus ou moins d’intensité. Cela fonctionne à merveille avec ce personnage de Max, faux
héros et psychopathe en puissance qui cherche à fuir ses instincts. Le monde
furieux dans lequel il évolue ne lui en laissera pas l’opportunité.
Mad Max rencontra
beaucoup de problèmes avec la censure à l’époque en raison de son extrême
violence. A l’instar d’un Massacre la tronçonneuse tout aussi controversé,
le film reste tout de même souvent dans la suggestion et loin de la pure
violence graphique mais c’est par son atmosphère lourde qu’il suscite l’effroi,
en laissant imaginer le sort qui attend les victimes. Les conséquences des
souffrances du malheureux Goose (Steve Bisley), brûlé à vif glace bien plus que
si l’on avait assisté la scène entière.
De même on imagine le pire pour l’épouse de Max (Joanne Samuel) plusieurs fois
menacée et lorsque l’inéluctable arrivera, la sobriété et la gratuité de son
agression sera d’autant plus terrible. Miller orchestre une lente
montée de tension où la violence frappe comme la foudre, incertaine et
inattendue. L’aparté bucolique du couple ne laisse donc en fait aucun répit,
persuadé que nous l’avons été que ceci ne peut durer.
Puisqu’on lui a refusé la paix, Max
acceptera enfin d’y laisser éclater sa furie. George Miller développe une
imagerie mythologique et funèbre autour de Max, chevalier noir brûlant le
bitume au volant de son Interceptor noire. Quand les affrontements de début de
film gardaient une facette ludique l’image
du plaisir qu’y prenait Max, le final frappe par sa brutalité sèche où notre
héros le regard glacial abat ses ennemis avec une férocité méticuleuse. Max
Rockatansky disparait en même temps que son véhicule sort du champ dans la
dernière scène, ne reste plus que celui qui a semé impitoyablement les cadavres
derrière lui. Il est Mad Max. Un
sacré tour de force à l’intensité de tous les instants (le thème anxiogène de
Brian May), sacrément impressionnant au vu des moyens et à la mise en scène
virtuose. Et dire que le meilleur était
venir avec l’incroyable Mad Max 2.
Sorti en dvd zone 2 français et bluray chez Warner
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