À bord d'un paquebot, des passagers se remémorent leur plus grande histoire d'amour...
The Story of Three Loves
est un charmant film à sketches où se dessine trois visages de l'amour
tour à tour tragique, éphémère, dangereux et rehaussé par le faste de la
MGM dans un somptueux et dépaysant (Londres, Rome et Paris) écrin
romantique.
The Jealous Lover de Gottfried Reinhardt
Charles
Coudray, directeur d'un célèbre corps de ballet et passager d'un
paquebot voguant sur l'océan, revoit sa douloureuse histoire d'amour à
Londres : pourquoi n'a-t-il mis qu'une seule fois en scène son
chef-d'œuvre Astarte ?
Un premier sketch sur lequel plane l'ombre des Chaussons Rouges
(1948) de Michael Powell et Emeric Pressburger. La présence de Moira Shearer
en danseuse étoile contribue bien sûr à l'analogie mais aussi le thème
de l'histoire avec une héroïne déchirée entre sa vocation et une
existence ordinaire. Quand Powell et Pressburger en faisait un enjeu
existentiel, le scénario y ajoute un élément plus concret avec la jeune
Paula Woodward (Moira Shearer) contrainte de renoncer à la danse à cause
d'un problème cardiaque. Assistant nostalgique à un ballet du célèbre
directeur Charles Coudray (James Mason), elle s'attarde pour exécuter
quelques figure après le spectacle et attire l'attention de ce dernier.
Un segment captivant qui sonne comme le rendez-vous manqué entre la muse
et son pygmalion. La romance s'amorce et se conclut tragiquement alors
que les protagonistes se subjuguent mutuellement.
Paula revit à travers
l'intérêt et le regard exalté de Charles, lui faisant la démonstration
de son talent au péril de sa vie. Un don de soi que ressent Charles
captivé et on devine que le lien naissant sera bien lus qu'artistique.
Moira Shearer intense et effectuant chaque pas comme s'il était le
dernier est fabuleuse d'intensité dans le geste et l'interprétation et
Gottfried Reinhardt (fils de Max Reinhard et qui devait en connaître
sans doute un lot sur la mise en valeur scénique) capture magnifiquement
par le montage et sa mise en scène le lien profond se créant entre
regardant et regardée : impossible de s'arrêter pour elle et de
décrocher le regard pour lui. La chorégraphie de Frederick Ashton
exprime bien cette dimension de grâce et de tragédie dans le décor
presque hors du temps de la demeure de James Mason. Malgré le côté
redite en format court des Chaussons Rouges une belle réussite qui frustre même pas sa conclusion abrupte.
Mademoiselle de Vincente Minnelli
Une
gouvernante française, Mademoiselle, se remémore son étrange romance.
La riche famille Clayton Campbell, séjournant à Rome, lui a confié
l'éducation de leur jeune fils Tommy âgé d'une douzaine d'années.
Mademoiselle s'applique à apprendre le français et la poésie à son élève
récalcitrant, mais rêve de rompre son monotone quotidien d'enseignante
ne serait-ce que pour quelques heures. Madame Pennicott, une dame âgée
qui n'est autre qu'une sorcière, a reçu le souhait de Tommy aspirant à
devenir rapidement adulte.
Ce deuxième sketch laisse à Vincente Minnelli la possibilité d'exprimer son attrait pour le conte avec ce Cendrillon
au masculin. Jeune garçon insensible à la douceur et l'âme romantique
de sa gouvernante française Mademoiselle (Leslie Caron), Tommy (Rick
Nelson) n'aspire qu'à devenir adulte pour faire ce qui lui plaît. Une
étrange sorcière (Ethel Barrymore) va exaucer son vœu et une fois adulte
(sous les traits du beau Farley Granger) il va succomber à des émotions
nouvelles en tombant amoureux de Mademoiselle le temps d'une nuit.
Minnelli filme une délicieuse rêverie, pleine d'urgence et de candeur où
une Rome de studio brille de mille feux pour accompagner cette brève
romance. La caméra aérienne et les idées visuelles en pagaille marque la rétine avec ce panoramique dévoilant la transformation de Tommy où le mouvement de grue nous introduisant dans l'histoire. Farley Granger, gauche et dépassé est très attachant, tout
comme une Leslie Caron à croquer de candeur juvénile tandis qu'un
scénario astucieux revisite les motifs de conflit entre l'enfant et sa
gouvernante pour en faire ceux du rapprochement des deux amoureux comme
l'utilisation (et la prononciation) du mot "suspendu" en français. Un
petit bijou là aussi un peu frustrant, une telle histoire avait le
potentiel pour un film à part entière.
Equilibrium de Gottfried Reinhardt
Accoudé
sur une rampe du paquebot, Pierre Narval se souvient de son histoire
d'amour à Paris. Acrobate, il s'est retiré du métier après le décès de
son partenaire au cours d'un numéro de trapèze et dont il se sent
responsable. Il sauve de la noyade Nina Burkhart, une jeune femme
italienne qui a voulu se suicider en se jetant du haut d'un pont.
Un
dernier sketch qui se déleste de l'imagerie féérique des deux
précédents, l'émerveillement venant des prouesses physiques des
protagonistes. Sauvant du suicide la jeune italienne Nina (Pier Angeli),
le trapéziste Pierre Narval (Kirk Douglas) voit en elle la partenaire
idéale à ses numéros. Retiré du métier suite à un drame, il voit en
cette jeune femme dépressive ne craignant pas la mort celle qui ne
cèdera pas à ses émotions dans les airs. Pourtant en se découvrant une
culpabilité commune face à un passé tragique, c'est précisément leurs
sentiments naissants et la confiance qui en découle qui rendra leur duo
fusionnel. Le film est vraiment impressionnant dans ses numéros de
voltige, si Pier Angeli semble constamment doublée par contre Kirk
Douglas (hormis des plans d'ensemble plus lointain et dangereux) donne vraiment de sa
personne avec brio.
Peu d'artifices narratifs ou d'ornement musical
pour ce sketch, Gottfried Reinhardt cherchant à faire partager le
détachement des personnages et décrivant méticuleusement le processus
d'apprentissage du trapèze. L'alchimie entre un intense Kirk Douglas et
une Pier Angeli plus flottante fait passer subtilement l'émotion (la
vraie romance des deux en coulisse se ressentant) qui culmine dans le
lâcher prise d'un ultime numéro vertigineux. Comme les deux autres
segments il y avait matière à un long mais ce sketch bien construit ne
laisse pas le petit sentiment d'inachevé des deux autres. Un beau
film à sketch à l'esthétique chatoyante qui lui vaudra d'ailleurs une
nomination aux Oscars pour sa direction artistique.
Sorti en dvd chez Warner dans la collection Warner Archives sans sous-titres
Un film assurément soigné, mais dans mon souvenir seul le troisième volet se détachait du lot. Moins compassé, abordant des sujets difficiles liés à la guerre, et proposant en effet surtout d'impressionnantes séquences de cascades.
RépondreSupprimerE.
C'est vrai que le troisième se détache par sa noirceur et la profondeur de ses thèmes mais les deux autres ne déméritent pas non plus ça s'équilibre bien tous ont leur charme. Le troisième est cependant le seul où le sujet semble exploité jusqu'au bout, on a pas la frustration des deux autres où on sent le resserrage dû au format court.
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