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dimanche 7 février 2016

Les Galettes de Pont-Aven - Joël Séria (1975)

Henri Serin (Jean-Pierre Marielle), un représentant en parapluies, de Saumur, mène une vie tranquille entre son travail, sa famille et sa peinture. Henri s'octroie, durant ses nombreux déplacements professionnels, quelques frasques amoureuses qui le changent du quotidien lassant dans lequel sa femme puritaine l'enferme. Un beau jour, Henri décide de tout laisser tomber pour vivre d'amour et d'eau fraîche. Il échoue à Pont-Aven et fait la connaissance d'Émile (Bernard Fresson), un peintre local fort en gueule et pervers…

Après une collaboration fructueuse sur Charlie et ses deux nénettes (1973), le réalisateur Joël Séria souhaite retrouver Jean-Pierre Marielle et lui écrire un rôle plus profond. Le souvenir de son père représentant de commerce, sa connaissance des atmosphères provinciales et ses velléités libertaires inspireront donc à Séria la trame très originale des Galettes de Pont-Aven. Séria avait provoqué un immense scandale avec son premier film Mais ne nous délivrez pas du mal (1970), interdit à sa sortie et après lequel le réalisateur maquillerait son regard cinglant sur la société (et notamment sur la religion dont fut imprégnée son éducation) dans un contour plus truculent mais non moins provocateur, dans la veine des Valseuses (1974) de Bertrand Blier.

D’ailleurs si Les Valseuses était emblématique de la jeunesse française post Mai 68, Les Galettes de Pont-Aven offre les mêmes questionnements pour les quarantenaires. La jeunesse des 70’s aspirait à un ailleurs éloigné d’une existence conformiste toute tracée et Séria dépeint lui comment les adultes souhaitent eux aussi à échapper à une vie réelle où ils sont déjà engoncés. C’est le cas d’Henri Serin (Jean-Pierre Marielle), fuyant un quotidien morne à travers les pérégrinations de sa profession de représentant en parapluie. La froideur de son foyer, les frustrations sexuelles dues à une épouse coincée et les aspirations artistiques (il est peintre amateur) se résolvent tant bien que mal durant les tournées. 

La gouaille et la présence chaleureuse du vendeur lui valent les faveurs (extraordinaire tension puis explosion érotique amusée lors de la scène avec Andréa Férreol) ou du moins l’envie (la bigote Martine Ferrière l’observant à son insu dans l’intimité de sa chambre) des femmes esseulées - on sent la crainte et l’excitation de la ménagère qu’incarne Andréa Férreol de transgresser l’interdit - de cette province terne, tandis que ses portraits peints lui permettent d’amadouer les client(e)s et de s’adonner modestement à son art. La première partie du film offre ainsi un roadmovie haut en couleur fait de rencontres délirantes et d’aventures sexuelles inattendues. Jean-Pierre Marielle est fabuleux pour exprimer le côté tourmenté et avenant du personnage, tenant merveilleusement l’équilibre rabelaisien mais jamais vulgaire du film dans ses envolées lorsqu’il se trouve face à un postérieur féminin généreux.

Lorsque l’ennui provincial se confond réellement avec une vulgarité monstrueuse, cela donnera la rencontre avec le double maléfique que représente le personnage de Bernard Fresson, également peintre et obsédé sexuelle. Ce qui faisait le charme des coucheries de Serin prend un tour sordide fait de perversité, Fresson lâchant les répliques machistes à la pelle quand une vraie poésie se dégageait du phrasé exalté et sexué de notre héros. Toi tu sens la pisse, pas l’eau bénite ! Pour Serin ce sexe sur la route est une libération quand pour Fresson ce refuge à l’ennui est surtout une soumission de la gent féminine qui en fait un être méprisable. Le film bascule ainsi quand Serin va se retrouver coincé dans « la cité des peintres », Pont-Aven où a notamment vécu Gauguin. Serin croit trouver l’amour et l’épanouissement artistiques pour lesquels il va tout quitter mais va tomber de haut. 

Après le ton nonchalant et bienveillant de la première partie, Séria alterne les hauts enflammés (Serin amoureux qui lâche ses répliques les plus exaltées sur les fessiers féminins, les superbes scènes romantiques en bord de mer) et les très bas pour son héros sombrant définitivement dans la dépression et l’alcoolisme. Le sordide (la seconde rencontre avec Bernard Fresson), le grotesque (Dominique Lavanant en prostituée portant le costume traditionnel breton et se payant un accent tordant) et l’espoir s’alterne donc au fil du chemin de croix désormais sans but d’un Serin ayant perdu travail, famille et inspiration pour la peinture. La candeur, bienveillance, beauté et bien sûr le fessier ferme et charnu de la douce Marie (Jeanne Goupil épouse, actrice fétiche de Joël Seria et à qui l’on doit les peintures de Serin du film) vont pourtant faire renaître peu à peu Serin. 

Séria trouve définitivement en Marielle l’interprète idéal à sa philosophie, pathétiquement drôle dans son alcoolisme désespéré, hilarant dans l’expression de son moral et sa vigueur retrouvée (ce Je bande ! scandé avec les yeux émerveillés d’un miraculé) et constamment touchant dans ce drôle de parcours initiatique. Tout ce qui aurait pu rendre certains moments douteux avec un autre interprète devient naturel avec la bonhomie et la vulnérabilité que dégage l’acteur, faisant naturellement comprendre que cette jeune fille en tombe amoureuse et lui cède. Même hors du contexte de la sexualité plus détendue des 70’s, la romance est limpide et magnifiée par la beauté virginale de Jeanne Goupil. Joël Seria signera là son film le plus populaire (qui masque un peu une filmographie très intéressante par ailleurs) avec un grand succès en salle et une aura culte au fil des rediffusions télés. Nom de Dieu de bordel de merde !

 Sorti en dvd zone 2 français chez Studiocanal

 

5 commentaires:

  1. Salut Justin (le stakhanoviste qui assure sa définition !), je dirais, et ce n'est pas un scoop, que pour Jean-Pierre Marielle c'est le rôle de sa vie; j'avais trouvé à la 1ère vision que ce film avait un gros fond de machisme et de misogynie bien lourd, mais comme tu le dis le personnage de Marielle se distingue de celui de Fresson par son intériorité plus riche, une fantaisie, une vrai quête de libertée, alors que Fresson est un balourd baveux...en gros.

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  2. Oui c'est ça Marielle est un rêveur qui ne veux vivre que d'amour et de peinture, Fresson est un vrai lourdaud machiste et Seria situe bien la différence grâce à un Marielle grandiose. De toute façon lui il pourrait lire le bottin et réussir à captiver quel acteur !

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  3. Il compose aussi un indépendantiste breton délirant dans "Que la Fête Commence", un vrai plaisir, et son couple avec Gérard Hernandez dans "Coup de Torchon", ils sont hilarants...

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  4. Et j'aime beaucoup ses rôles chez Georges Lautner aussi, l'espion amoureux de "La Valise" ou le producteur porno cynique de "On aura tout vu" sont assez mémorables également. Là j'ai "Comme la lune" autre Marielle/Seria sous la main que je n'ai jamais vu je sens que je vais enchaîner.

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  5. Et évidemment en Jean-Jacques Leroy-Martin dans "Le Diable par la Queue", reconnaissable à son pull jaune et à sa façon de passer sur la portière de sa voiture de sport !!

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