En 1984, Augusto et
Michaela Odone apprennent que leur fils de cinq ans, Lorenzo, est atteint d'une
maladie rare, réputée incurable, l'adrénoleucodystrophie (ALD), qui provoque la
détérioration brutale et irréversible du système nerveux. Totalement étrangers
au monde médical et scientifique, les Odone vont se battre pour leur fils.
Incapables de dénicher un médecin qui pourrait traiter la maladie de leur fils,
un couple s'acharne à mettre au point leur propre traitement : l'huile de
Lorenzo...
Alors qu’il accompagnait dans le monde la sortie de son
cultissime Mad Max (1979), George
Miller pris conscience au fil des interviews et des analogies faîtes par les
critiques que sous le spectacle oppressant et nerveux, il avait créé une
véritable figure mythologique avec le personnage de Max. Prenant cet aspect en
compte de façon bien plus consciente dans Mad Max 2 (1981), George Miller fit de cette suite une véritable chanson de
geste où sous l’imagerie post-apocalyptique Max était définitivement paré d’une
aura légendaire dans la narration comme la mise en scène. Dès lors tous les
films du peu prolifique George Miller (neuf films en plus de trente ans de carrière)
constitueraient de véritables épopées dans les genres les plus inattendus, que
ce soit avec le manchot danseur du film d’animation Happy Feet (2008) ou le valeureux cochon de Babe, un cochon dans la ville (1992). Cette volonté n’aura jamais
été mieux assumée que dans Lorenzo’s Oil, dont le sujet certes poignant aurait
plus tendance à évoquer le téléfilm larmoyant et qui entre les mains de George
Miller devient une véritable odyssée intime.
Le scénario s’inspire de la véritable histoire d’Augusto
(Nick Nolte) et Michaela Odone (Susan Sarandon), deux parents dont le fils
Lorenzo fut atteint d’un mal rare et incurable, l'adrénoleucodystrophie. N’acceptant
pas le verdict pessimiste des médecins, le couple à force de volonté et de vraie
curiosité parvint réellement à faire avancer la recherche sur la maladie au point
d’être à l’origine du traitement pouvant la ralentir voire préventivement la stopper : l’huile
de Lorenzo. Le film s’ouvre sur des images élégiaques et fraternelles des Comores,
où séjourne la famille Odone avant de retourner aux Etats-Unis. Cette vision du
continent noir, berceau de l’humanité, annonce d’emblée la dimension mystique
du film et la croyance inébranlable qui guidera les protagonistes.
George
Miller expose d’abord la terrible impuissance des parents face au diagnostic et
aux symptômes qui altèrent progressivement le corps et la conscience de leur fils.
Motricité réduite et troubles du comportement isolent le jeune Lorenzo du monde
qui l’entoure à travers ce mal foudroyant supposé le terrasser au bout de deux
ans. Courant d’un spécialiste à autre tout aussi inefficace, le couple va faire
un terrible constat. Face à ce mal rare, le temps de la médecine tâtonnante n’est
pas le même que le leur, parent jouant une véritable course contre la montre
tandis que Lorenzo s’affaiblit de jour en jour. L’enfant n’est qu’un sujet d’études
parmi tant d’autres sur lequel on expérimente à l’aveuglette des traitements
sans effets. Dès lors Augusto et Michaela vont consulter toute la documentation
existante sur ce mal, faire des recoupements et tirer les hypothèses que les
médecins n’ont pas su faire. Comme tout les meilleurs films du réalisateur, Lorenzo est un film sur l'action plutôt que l'attente, où il s'agit d'avancer plutôt que de se soumettre à son sort, le bitume de Mad Max a simplement été remplacé par les bibliothèque et le chevet du malade.
George Miller montre des personnages en lutte à la fois
contre la maladie et contre la lenteur et le conformisme des institutions. Par
un simple sens pratique, une prise de risque et la curiosité, Augusto Odone
parvient à des recoupements permettant d’affronter la maladie avec l’usage d’une
huile traitée. En endossant le regard de néophytes dont on suit les découvertes
et l’acquisition de connaissances, George Miller rend limpide la manière dont
ils avancent. Le réalisateur oscille entre tonalité exaltée et résignation
selon qu’on adopte le point de vue de l’individu ou des institutions. Ces
dernières constituent des entités opaques destinée à forger une douloureuse
acceptation plutôt que l’espoir.
La prise de risque, la peur de l’échec et la
reconnaissance moindre incitent ainsi les médecins malgré toute leur bonne
volonté (le personnage de Peter Ustinov) à ralentir le processus, la recherche
prenant une lourdeur, une lenteur administrative peu adaptée à l’urgence de la
maladie. Même constat de résignation dans les associations dédiées aux ALD,
regroupement de souffrances commune, soumises au lobby de la médecine au lieu d’être
le moteur les poussant à accélérer la recherche. L’obstacle est donc tout
autant moral qu’organique pour les Odone qui harcèleront l’institution et la
remettront en cause.
La mise en scène de George Miller confère à l’ensemble une
force et une emphase aux antipodes d’une approche cafardeuse simpliste. L’imagerie
se fait opératique (accentuée par une bande-son usant de musique classique don un sublime Adagio d'Albinoni) autant pour plonger les parents dans des abimes de
désespoirs (bouleversante scène où Augusto lit les symptômes et le temps d’action
du mal jusqu’au décès, le mot « Death » envahissant peu à peu l’écran
en surimpression) que pour entretenir la flamme comme cette somptueuse nuit
étoilée où Nick Nolte narre à son fils encore conscient les origines de son
nom. Cette volonté du grandiose et de l’arrière-plan comme reflet des
sentiments des protagonistes se ressent par la profonde stylisation des décors,
tous les environnements hospitaliers par leur immensité et pâleur uniforme
reflétant la douleur anonyme et impuissante des Odone.
A l’inverse la maison
familiale est le lieu des souffrances les plus crues (les longues et
insoutenables crises respiratoires de Lorenzo) mais aussi de la proximité et l’espoir.
C’est là que Michaela épuisera famille, médecins et infirmières qui l’incitent
à lâcher prise et accepter l’inéluctable mais elle continuera avec un amour
farouche et inconditionnel à border et lire des histoires à Lorenzo, persuadée
qu’il saura y répondre un jour. Miller sait également se faire sobre en
équilibrant ce mysticisme à une échelle intime comme ce superbe moment où l’ami
africain entame un chant traditionnel pour Lorenzo.
Les deux acteurs délivrent des prestations exceptionnelles.
Susan Sarandon émouvante, vulnérable et déterminée est magnifique d’émotion
écorchée et Nick Nolte (doté d’un accent italien impeccable) dans sa quête de
savoir maladive revêt les doutes de l’Homme et l’exaltation de l’illuminé
avec une rare intensité. George Miller englobe toutes les croyances dans ce
mysticisme sans forcer le trait, tour à tour naïves danse cette attente d’une
étoile filante, ancestrale avec le chant africain et religieuse avec cette
ultime image sur une fresque où soudain se fait entendre la voix intérieur de
Lorenzo. Un véritable chef d’œuvre trop méconnu dont le générique apporte un
point final poignant à cette aventure inoubliable.
Sorti en dvd zone 2 français chez Universal
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