Le petit Johnny Brent,
âgé d'une dizaine d'années, subtilise par malice à un garçon plus jeune que
lui, un imposant aimant en échangeant ce dernier contre une montre invisible
(!). Rapidement, il se sentira culpabiliser et voudra se débarrasser de l'encombrant
objet. Il finit par le donner à un scientifique collectant de l'argent pour un
hôpital désirant s'acheter un poumon d'acier, sans savoir les conséquences
incroyables de son geste...
C’est en explorant le monde de l’enfance dans l’Angleterre d’après-guerre
que le studio Ealing, sous la férule du scénariste T.E.B. Clarke, avait initié
sa mue vers la comédie sociale grinçante avec À cor et à cri (1947). The
Magnet sous ses charmants airs d’aventures enfantines fait entrer de plein
pied Ealing dans la virulence subtile qui sera sienne dans les années 50. Le
script de T.E.B. Clarke oscille ainsi constamment entre candeur juvénile et
profond cynisme, entre morale et provocation - équilibre sur lequel fonctionne
d’ailleurs Ealing entre le ton offensif des créateurs et celui plus
conservateur du patron du studio Michael Balcon - autant véhiculé par son héros
en culotte courte que par les adultes. Au lendemain de la guerre, l’Angleterre
en reconstruction est partagée entre l’image d’entraide ayant eu court durant
le conflit et un égoïsme et des préoccupations individuelles qui reprennent
leurs droit. Cette dualité concerne également la dimension morale et
conservatrice qui renaît au sein de la société mais qui s’oppose à une
fantaisie et excentricité typique de l’identité anglaise. Toutes ces
contradictions s’incarneront à travers le jeune Johnny Brent (James Fox),
garçonnet de dix ans lancé sur les rails d’une drôle d’aventure.
La bouille blonde du gamin se conjugue à une malice certaine
qui révèle dans la scène d’ouverture où on le découvre turbulent, inventif et
curieux du monde qui l’entoure. Contrairement aux enfants des quartiers pauvres
de À
cor et à cri, Johnny est issu d’un milieu bourgeois mais dont le comportement
est tout autant empreint d’innocence et de calcul. Après nous l’avoir montré
traversant les faubourgs de la ville et interpellant sans gêne les adultes,
Charles Frend marque la destinée de son héros à travers un acte discutable de
ce dernier. Envieux de l’aimant avec lequel joue un garçonnet sur la plage,
Johnny va le duper pour obtenir l’objet en lui échangeant contre une « montre
invisible. Rattrapé par la nurse de sa victime, Johnny s’enfuit néanmoins avec
le précieux aimant.
Pourtant dès le larcin commis, le poids d’une morale divine
et de la destinée réveillent sa culpabilité à travers une symbolique grossière
faite de pancarte aux slogans religieux lourdement inquisiteur. Tentant de se
décharger de l’aimant sans succès, Johnny va finalement en faire don à un
scientifique récoltant des fonds pour l’achat d’un poumon d’acier pour l’hôpital
local. Cet acte prenant pour source un vol et plus dicté par la peur que la
bonté va pourtant prendre des proportions immenses dans la communauté.
Cherchant à émouvoir la populace pour récolter le plus de dons possible, le
scientifique narre ainsi le récit de ce bambin plein de bonté ayant sacrifié
son jouet pour la bonne cause. Les trémolos larmoyant du narrateur face à un
auditoire ému permettent à Charles Frend de revisiter la scène de manière
hilarante avec un Johnny paré tour à tour comme un petit Lord Fauntleroy ou
comme un va nu pied dickensien en guenille.
Le scénario moque ainsi avec mordant les valeurs
emblématiques de la bonté par ce regard cinglant, mais en a tout autant à
revendre pour les dogmes contemporains comme la psychanalyse. Alors que toute
la ville recherche désormais émue « le garçon à l’aimant » pour le
récompenser, Johnny suite à un quiproquo prend cette quête pour une traque afin
de le punir de son crime initial. Alors que la mise en scène teinte cette
culpabilité d’une saisissante imagerie de peurs enfantines (où la forme de l’aimant
se confond avec celle d’objet du quotidien où surgit en fondu dans l’espace de
Johnny), les parents font du trouble de leur progéniture une interprétation
psychanalytique sexuée aux antipodes du vrai motif. Dès le début du film la
charge fait son effet avec une scène où le père psychanalyste interprète la
présence d’un animal dans le rêve d’une jeune patiente comme une métaphore du
père. Pourtant la séquence suivante enchaîne sur Johnny caressant un âne dans la
rue pour un effet destructeur qui nous rappelle que Charles Frend fut le
monteur d’Alfred Hitchcock avant de passer à la mise en scène.
Le film fait constamment le va et vient avec ce ton moqueur et
une sincère adhésion à ces valeurs morales bousculées. La récolte de don se
fait par un superficiel concours de maillots de bain et donc par une fable de
bonté reposant sur un vol. Johnny en « cavale » se perd dans les
bas-fonds de la ville, raillé puis aidé par les autres gamins une fois auréolé
de son statut de criminel en herbe. La distance et l’ironie concernera pourtant
toujours le monde des adultes et la vieille Angleterre. Johnny par son jeune
âge est un être en construction dont les errements vont définir un caractère
moins figé que ces aînés. L’aventure lui fera découvrir des sentiments néfastes
dont il sortira grandit, un ailleurs moins lisse que son existence bourgeoise
et finalement une bonté née de sa fraîche mais intense expérience.
Sans sombrer
dans le happy-end grossier, T.E.B. Clarke fait de l’ensemble un récit
initiatique plutôt qu’un jeu de massacre. Le côté lumineux rejailli ainsi quant
aux conséquences au bout du compte positive du vol de Johnny et revisite de
façon charmante cet acte dans la dernière scène. Le scénario jette un regard
chargé d’espoir sur le futur représenté par la jeunesse d’alors, capable de se
perdre et de s’améliorer contrairement à une Angleterre sclérosée qu’Ealing n’aura
de cesse de fustiger durant les années 50.
Sur des thèmes voisins, d’autres comédies anglaises d’Ealing et d’ailleurs
déchanteront vite de ce regard encore bienveillant avec les féroces œuvres des
frères Boulting (on pense au teigneux Heavens Above (1963)) ou pour rester dans l’enfance Les Belles de Saint Trinians (1954).
Sorti en dvd zone 2 français chez Tamasa
Extrait
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