Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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mardi 15 mars 2016

The Magnet - Charles Frend (1950)

Le petit Johnny Brent, âgé d'une dizaine d'années, subtilise par malice à un garçon plus jeune que lui, un imposant aimant en échangeant ce dernier contre une montre invisible (!). Rapidement, il se sentira culpabiliser et voudra se débarrasser de l'encombrant objet. Il finit par le donner à un scientifique collectant de l'argent pour un hôpital désirant s'acheter un poumon d'acier, sans savoir les conséquences incroyables de son geste...

C’est en explorant le monde de l’enfance dans l’Angleterre d’après-guerre que le studio Ealing, sous la férule du scénariste T.E.B. Clarke, avait initié sa mue vers la comédie sociale grinçante avec À cor et à cri (1947). The Magnet sous ses charmants airs d’aventures enfantines fait entrer de plein pied Ealing dans la virulence subtile qui sera sienne dans les années 50. Le script de T.E.B. Clarke oscille ainsi constamment entre candeur juvénile et profond cynisme, entre morale et provocation - équilibre sur lequel fonctionne d’ailleurs Ealing entre le ton offensif des créateurs et celui plus conservateur du patron du studio Michael Balcon - autant véhiculé par son héros en culotte courte que par les adultes. Au lendemain de la guerre, l’Angleterre en reconstruction est partagée entre l’image d’entraide ayant eu court durant le conflit et un égoïsme et des préoccupations individuelles qui reprennent leurs droit. Cette dualité concerne également la dimension morale et conservatrice qui renaît au sein de la société mais qui s’oppose à une fantaisie et excentricité typique de l’identité anglaise. Toutes ces contradictions s’incarneront à travers le jeune Johnny Brent (James Fox), garçonnet de dix ans lancé sur les rails d’une drôle d’aventure. 

La bouille blonde du gamin se conjugue à une malice certaine qui révèle dans la scène d’ouverture où on le découvre turbulent, inventif et curieux du monde qui l’entoure. Contrairement aux enfants des quartiers pauvres de  À cor et à cri, Johnny est issu d’un milieu bourgeois mais dont le comportement est tout autant empreint d’innocence et de calcul. Après nous l’avoir montré traversant les faubourgs de la ville et interpellant sans gêne les adultes, Charles Frend marque la destinée de son héros à travers un acte discutable de ce dernier. Envieux de l’aimant avec lequel joue un garçonnet sur la plage, Johnny va le duper pour obtenir l’objet en lui échangeant contre une « montre invisible. Rattrapé par la nurse de sa victime, Johnny s’enfuit néanmoins avec le précieux aimant. 

Pourtant dès le larcin commis, le poids d’une morale divine et de la destinée réveillent sa culpabilité à travers une symbolique grossière faite de pancarte aux slogans religieux lourdement inquisiteur. Tentant de se décharger de l’aimant sans succès, Johnny va finalement en faire don à un scientifique récoltant des fonds pour l’achat d’un poumon d’acier pour l’hôpital local. Cet acte prenant pour source un vol et plus dicté par la peur que la bonté va pourtant prendre des proportions immenses dans la communauté. Cherchant à émouvoir la populace pour récolter le plus de dons possible, le scientifique narre ainsi le récit de ce bambin plein de bonté ayant sacrifié son jouet pour la bonne cause. Les trémolos larmoyant du narrateur face à un auditoire ému permettent à Charles Frend de revisiter la scène de manière hilarante avec un Johnny paré tour à tour comme un petit Lord Fauntleroy ou comme un va nu pied dickensien en guenille. 

Le scénario moque ainsi avec mordant les valeurs emblématiques de la bonté par ce regard cinglant, mais en a tout autant à revendre pour les dogmes contemporains comme la psychanalyse. Alors que toute la ville recherche désormais émue « le garçon à l’aimant » pour le récompenser, Johnny suite à un quiproquo prend cette quête pour une traque afin de le punir de son crime initial. Alors que la mise en scène teinte cette culpabilité d’une saisissante imagerie de peurs enfantines (où la forme de l’aimant se confond avec celle d’objet du quotidien où surgit en fondu dans l’espace de Johnny), les parents font du trouble de leur progéniture une interprétation psychanalytique sexuée aux antipodes du vrai motif. Dès le début du film la charge fait son effet avec une scène où le père psychanalyste interprète la présence d’un animal dans le rêve d’une jeune patiente comme une métaphore du père. Pourtant la séquence suivante enchaîne sur Johnny caressant un âne dans la rue pour un effet destructeur qui nous rappelle que Charles Frend fut le monteur d’Alfred Hitchcock avant de passer à la mise en scène.

Le film fait constamment le va et vient avec ce ton moqueur et une sincère adhésion à ces valeurs morales bousculées. La récolte de don se fait par un superficiel concours de maillots de bain et donc par une fable de bonté reposant sur un vol. Johnny en « cavale » se perd dans les bas-fonds de la ville, raillé puis aidé par les autres gamins une fois auréolé de son statut de criminel en herbe. La distance et l’ironie concernera pourtant toujours le monde des adultes et la vieille Angleterre. Johnny par son jeune âge est un être en construction dont les errements vont définir un caractère moins figé que ces aînés. L’aventure lui fera découvrir des sentiments néfastes dont il sortira grandit, un ailleurs moins lisse que son existence bourgeoise et finalement une bonté née de sa fraîche mais intense expérience. 

Sans sombrer dans le happy-end grossier, T.E.B. Clarke fait de l’ensemble un récit initiatique plutôt qu’un jeu de massacre. Le côté lumineux rejailli ainsi quant aux conséquences au bout du compte positive du vol de Johnny et revisite de façon charmante cet acte dans la dernière scène. Le scénario jette un regard chargé d’espoir sur le futur représenté par la jeunesse d’alors, capable de se perdre et de s’améliorer contrairement à une Angleterre sclérosée qu’Ealing n’aura de cesse de fustiger durant les années 50.  Sur des thèmes voisins, d’autres comédies anglaises d’Ealing et d’ailleurs déchanteront vite de ce regard encore bienveillant avec les féroces œuvres des frères Boulting (on pense au teigneux Heavens Above (1963)) ou pour rester dans l’enfance Les Belles de Saint Trinians (1954). 

Sorti en dvd zone 2 français chez Tamasa 

Extrait

 

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