Troisième film parlant de René Clair, À nous la liberté anticipe tout à la fois les idéaux libertaires d'un Boudu sauvé des eaux (1932) que le cinéma du Front Populaire mais aussi la dénonciation du capitalisme des Temps Modernes (1936) de Chaplin. Cependant le film de René Clair s'affranchit de tout message social trop appuyé (Boudu), d'un contexte réaliste (les œuvres contemporaines du Front populaire marquées par leur époque) et de la fable de gauche assumée (Les Temps Modernes) pour adopter une tonalité légère et sautillante. La liberté représente dans le film une existence au grand air, sans préoccupation du lendemain si ce n'est conserver cette fantaisie face à l'existence.
L'emprisonnement et le monde du travail représentent à l'inverse une oppression commune à laquelle vont se confronter les deux héros Émile (Henri Marchand) et Louis (Raymond Cordy). C'est leur caractère facétieux qui définit leur solide amitié, leur permet de survivre puis de s'évader de la prison où ils sont détenus. Louis se sacrifiera pour permettre la fuite d'Émile qui va parvenir à une spectaculaire réussite matérielle mais du même coup se construire une nouvelle geôle.
La mine ahurie et la naïveté de Louis vont pourtant dérider son ancien camarade avec là encore une remarquable séquence où René Clair fait confiance au spectateur, les mots traduisant le fossé social qui les sépare alors que le geste ranime magnifique leur complicité passée. S'il cède ponctuellement au dialogue durant le film, le réalisateur conserve donc une approche dans la veine du cinéma muet avec son jeu sur le burlesque (les nombreuses course-poursuites qui parcourent le film) où le son est moteur de l'atmosphère pour le drame (les chansons et musiques d'opérettes soulignant l'harassante existence en prison/usine) ou l'humour avec les gags enrichis d'effets sonores délirants (mais sans pousser la folie aussi loin que dans Le Million).
La dureté et l'hypocrisie d'un quotidien voué au attache matérielle et/ou sentimentale révèlera sa vacuité pour les deux héros avec les amours déçus de Louis et l'entourage néfaste d'Émile. Finalement ces deux-là ne sont jamais aussi heureux que réunis au grand air, sans responsabilité si ce n'est celle de s'amuser. Le film se conclut donc en pied de nez à toutes les formes d'autorités (du patronat, de la rentabilité, de la police) pour une belle et enivrante utopie. Un petit bijou.
Sorti en dvd zone 2 français chez LCJ
Extrait
bonsoir, je l'ai emprunté à la médiathèque suite à votre chronique et revu hier.Film excellent qui date d'une époque où René Clair était considéré comme un grand cinéaste, formé à l'école du burlesque et de l'avant-garde. Film prophétique, qui annonce les temps modernes de Chaplin, aussi sur l'automatisation du travail. le parallèle prison-travail est bien vu, d'autant qu'on et dans le visuel pur. Les décors monumentaux (usine, prison) font penser à l'esthétique allemande. Le final avec les billets qui s'envolent restaient dans ma mémoire.
RépondreSupprimerBref, un vrai classique du cinéma français,et qu'on montrait à mon époque dans les ciné-clubs.
Oui René Clair a perdu ce côté avant-gardiste avec le temps même s'il a signé d'excellent films quasiment jusqu'à la fin (j'adore Les Grandes Manoeuvres).Et effectivement comme vous le dites grosse influence de l'expressionnisme allemand dans les incroyable décors on en prend plein les mirettes !
RépondreSupprimerOui, sa carrière américaine est trés intéressante...Bonne soirée
SupprimerBonjour Justin,
RépondreSupprimerTrès bon choix de chronique. A nous la liberté est un film absolument épatant et qui mériterait qu'on lui porte plus d'attention.
Strum