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mardi 19 avril 2016

Au nom du pape roi - In nome del papa re, Luigi Magni (1977)

En 1867, l’Etat pontifical romain en guerre contre les troupes de Garibaldi subit un attentat dans lequel 23 zouaves trouvent la mort. La comtesse Flaminia, mère naturelle de Cesare Costa, un des trois terroristes immédiatement arrêtés, vient trouver Monsignor Colombo, un juge du Sacré Conseil, pour qu’il lui vienne en aide. Pour le convaincre, elle lui révèle qu’il est le père de Cesare, né d’une relation éphémère. Colombo fait libérer Cesare mais se trouve confronté à un cas de conscience : peut-il favoriser un accusé et laisser condamner les deux autres ?

Au nom du pape roi est dans la filmographie de Luigi Magni le point central d’une trilogie constituée de Les Conspirateurs (1969) et le plus tardif Au nom du peuple souverain (1990). Ces trois films se caractérisent par une thématique qui court sur toute la filmographie de Magni à savoir l’histoire romaine, l’unité du cycle étant symbolisé par la présence de Nino Manfredi. Magni situe son récit dans l’Italie agitée d’avant la réunification de 1870 et prend comme point de départ l’ultime exécution réalisée par l‘Etat Pontifical romain sur les deux révolutionnaires Gaetano Tognetti et Giuseppe Monti, coupable d’un attentat ayant décimés 23 zouaves. Le réalisateur introduit de manière assez limpide ce contexte historique complexe auquel va rapidement se mêler la fiction.

Il ajoute un troisième comparse aux deux terroristes, Cesare Costa (Danilo Mattei), fils naturel de la comtesse Flaminia (Carmen Scarpitta). Pour sauver son fils de l’échafaud, elle va apprendre sa filiation à Monseigneur Colombo (Nino Manfredi), juge du Sacré Conseil et apte à faire libérer le jeune homme. La prestation truculente de Nino Manfredi (notamment dans la relation d'amour vache avec son domestique) ramène le récit à une dimension plus humaine et intimiste. Colombo las de cette tâche ingrate et conscient de la fin de cet état de fait s’apprête au début de l’histoire à donner sa démission pour redevenir simple curé. Cette attitude dénote un détachement face au chaos et les évènements vont constituer un éveil et un engagement face aux injustices en cours.

Alors que ses relations vont rapidement lui permettre de placer Cesare à l’abri, il culpabilisera face à la justice sommaire initiée par le Vatican pour les deux autres prisonniers abandonnés à leur sort. Le début film dévoile déjà le dégoût de son ordre du personnage (l’anecdote sur des zouaves ayant égorgés une révolutionnaire enceinte) mais cette implication personnelle va le forcer à affronter la situation plutôt que de s’en éloigner. Le pragmatisme éteint de Colombo est bousculé par la fougue révolutionnaire de Cesare lors d’intenses et amusantes confrontations. Quand Colombo mais aussi la comtesse Flaminia par son mariage noble auront traversé ces années d’agitation en rentrant dans le rang, Cesare prêt à mourir pour la cause semble bien plus vivant que ses deux parents. 

Au détachement de Colombo qui lui conseille la fuite et à l’amour aveugle ne cherchant qu’à le sauver répond donc la colère et l’ardeur juvénile de Cesare guerroyant et aimant (la scène d’amour aussi charnelle que candide dans la cave) avec une égale intensité. A cette jeunesse s’oppose l’entité sclérosée et tyrannique du Vatican. Luigi Magni en fait une description où s’affirme une satire mordante et glaçante le temps d’une scène de procès où des vieillards séniles décident de la vie d’autrui dans une connivence détachée. Cela s’exprimera aussi par la seule force des images avec les tableaux oppressants et guerriers de l’ordre des jésuites, notamment l’entrée des quartiers du « pape noir » dominée par deux immenses statues de squelettes armés - et cela annoncé dès le générique dessiné avec ses images de prêtre se livrant à la violence.

Appartenant à ce Vatican où il ne se reconnait plus et lié par cette filiation inattendue à ces révolutionnaires qui le méprise, Colombo fera le choix du cœur plutôt que d’une cause. Luigi Magni scrute ce contexte du passé en ayant à l’esprit celui plus concret de l’Italie d’alors rongée par les soubresauts des Années de Plomb. Même si dans le film toutes les violences mèneront à une impasse morale ou mortelle, Magni fait bien la différence entre ayant pour but d’écraser les faibles de l’église et celle cherchant simplement à se défendre de cette tyrannie des jeunes révolutionnaires. 

Leur inconscience les rapproche des militants d’extrêmes gauche de l’Italie des 70’s qui pensaient se trouver dans une même situation d’oppression et renouaient avec un terrorisme qui ne se sera finalement justifié (comme l'explique très bien Jean A. Gili dans les bonus du dvd) que pendant l’Occupation allemande lors de la Deuxième Guerre Mondiale. Sans renvoyer tout le monde dos à dos, Magni explicité subtilement la situation et les motivations notamment lors de la superbe scène de discours de Colombo au tribunal. Ce n’est pas pour une cause que s’engage Colombo mais contre la barbarie, ramené à une prise de conscience par ce fils mais aussi par CES fils lorsqu’il est confronté à la détresse d’une mère et d’une épouse voyant leurs hommes condamnés. La scène finale magistrale montre le chemin parcourus après les drames, Colombo affirmant son libre arbitre et sa compassion pour les morts injustes. 

Sorti en dvd zone 2 français chez SNC/M6 vidéo

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