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jeudi 15 septembre 2016

Né pour tuer - Born to kill, Robert Wise (1947)

Sur le point de quitter Reno pour gagner San Francisco, où l'attend son riche fiancé, Helen Brent découvre que deux des clients de l'hôtel où elle est descendue ont été assassinés pendant la nuit. Elle choisit de se taire pour protéger sa réputation et conserver la considération de son fiancé. Dans le train qui la conduit en Californie, elle fait la connaissance de Sam Wilde, un homme étrange et brutal, qui la séduit malgré elle. Helen, qui ne veut pas renoncer à son mariage, accepte néanmoins de revoir Sam. Après avoir fait la connaissance de la famille de la jeune femme, celui-ci séduit Georgia, la demi-sœur d'Helen...

Born to kill se situe dans la première période de Robert Wise où au sein de la RKO il enchaîne les réussites à l'économie et dans tous les registres, du film fantastique La Malédiction des hommes-chats (1943) au drame en costume (Mademoiselle Fifi (1944) ou le western Ciel Rouge (1948) et dont le sommet sera Nous avons gagné ce soir (1949), classique du film noir qui conclut cet phase. Né pour tuer est donc un objet singulier, définitivement délesté de "l'héroïsme" relatif ou prononcé des criminels dans les polars et film de gangsters des années 30 pour nous montrer des psychopathes en puissance auxquels il est impossible de s'identifier. Sam Wilde (Lawrence Tierney) est de ceux-là, homme taciturne, séduisant et brutal qui s'illustre dans une mémorable introduction. Furieux de voir sa petite amie sortir avec un autre, il s'introduit chez elle et la tue avec une violence froide ainsi que son rival. En fuite vers San Francisco il fait la rencontre de la fraîchement divorcée Helen Brent (Clair Trevor) dans laquelle il semble trouver son égal au féminin.

La mise en scène de Robert Wise, entre élégance et crudité s'adapte ainsi au mélange de séduction et de férocité qui caractérise son personnage principal. Le meurtre initial choque ainsi par son filmage heurté tandis que les plans macabres et stylisés s’illustrent lorsqu’Helen découvrira les cadavres dans la maison, en particulier celui laissant deviner le corps inanimé de la jeune femme dans la pénombre. C'est aussi dans cette dualité que se développent les enjeux du récit. Sam Wilde par sa virilité marquée et le danger qu'il émane offre un attrait différent aux protagonistes féminins. L'oie blanche et richissime Georgia (Audrey Long) est sous le charme sans voir l'attirance intéressée de Sam qui y voit l'occasion de s'élever. Helen voit plus clair dans son jeu mais malheureusement ne se reconnaît que trop en lui puisqu'elle aussi nourrit une même frustration et ambition.

La face noire de Sam est donc aussi séduisante que repoussante, Claire Trevor exprimant bien ce désir coupable à travers les étreintes intense partagée avec Lawrence Tierney. Ce dernier, carrure épaisse, visage fermé taillé en lame de couteau et voix de stentor est sacrément intimidant et imprévisible. La moindre contrariété, le plus infime doute sur l'autre semblent prêts à réveiller la bête en lui par cette personnalité écorchée et paranoïaque.

Il est dommage que l'intrigue soit par moment assez poussive notamment avec l'enquête du détective privé joué par Walter Slezak (qui amène certes un contrepoint plus léger avec ce personnage facétieux) mais dès qu'il s'agit d'instaurer la tension et de zébrer l'ensemble d'éclairs de violence saisissants, Robert Wise excelle. La tentative de meurtre sur la plage ou encore le final particulièrement vicieux - où Sam se perd pour de bon en cédant à ses instincts les plus primaires - offrent des moments sacrément dérangeant. Imparfait mais très intéressant.

Sorti en dvd zone 2 français aux Edtions Montparnasse 

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