William Scott, un maître de forges de Pittsburgh, engage Mary, la
fille de l'un de ses ouvriers, comme domestique. Paul Scott, son fils,
s'en éprend, la séduit et la demande en mariage.
The Valley of Decision
est une œuvre passionnante mêlant romanesque Hollywoodien à un propos
social progressiste et habile. Le début du film évoque le roman de D.H.
Lawrence Amants et Fils (d'ailleurs Dean Stockwell futur héros
de l'adaptation de Jack Cardiff tiens ici un petit rôle) dans le
panorama et la division qu'il offre de la vallée en titre. D'un côté le
monde industriel avec les aciéries détenues par la famille Scott
symboles des nantis, de l'autre celui des ouvriers loin de cette
modernité et richesse et vivant dans des conditions très modestes. Mary
Rafferty (Greer Garson), fille d'un ancien ouvrier estropié est engagée
comme domestique au sein de la famille Scott. Tout tend au départ à
signifier la séparation de ces et paradoxalement bien plus du côté des
pauvres à travers la rancœur tenace que tient le père de Mary (Lionel
Barrymore ) à son ancien employeur qui continue pourtant de lui verser
un salaire.
La différence finalement avec Amants et Fils, c'est
l'environnement américain de cette cité de Pittsburgh qui ne peut
reproduire l'injustice des clivages de classe de la vieille Europe. On
apprendra au fil du récit que l'aciérie de la famille Scott a été
façonnée par un ancêtre ouvrier et émigrant irlandais, traduisant la
bienveillance du patron actuel William Scott (Donald Crisp) et de son
fils Paul (Gregory Peck) qui a grandi dans la proximité des
travailleurs. Dès lors les premiers pas de Mary dans la luxueuse maison
seront intimidants de façon charmante mais jamais oppressante, faisant
progressivement d'elle un membre de la famille plus qu'une simple
domestique.
Greer Garson gagne ainsi en assurance pour dompter et
finalement s'imposer aux cadets plus capricieux et inconstants que sont
Constance (Marsha Hunt) et Ted Scott (Marshall Thompson). Tay Garnett
nous le fait ressentir par sa mise en scène, perdant la silhouette frêle
de Mary dans l'immensité luxueuse de la demeure, en étirant les
séquences anodines où se ressent la gêne du personnage (les hésitations
pour annoncer le dîner) avant de jouer de l'ellipse où l'implication
domestique et personnelle de Mary prend de plus en plus d'ampleur. Cela
se caractérisera par le rapprochement progressif avec Paul pour une
romance contenue très attachante, le charme et la photogénie du couple
Greer Garson/Gregory Peck (qui fait un fringant et charismatique jeune
premier pour ce qui est seulement son deuxième rôle au cinéma) aidant.
Si
l'Amérique semble faire fondre les clivages de classes anciens, elle en
façonne de nouveaux avec le capitalisme moderne mettant à mal
l'organisation chaleureuse de l'aciérie. On en verra les prémisses au
début du film que William Scott refusera d'intégrer un plus vaste
conglomérat, mais aussi par l'approche différente entre Paul soucieux
des ouvriers et William jr (Dan Duryea) simplement soucieux du profit
immédiat, ce qui conduira au conflit final. Le film évite tout
manichéisme dans ce clivage de classe où les obtus comme les âmes de
bonnes volontés se trouve tant chez les ouvriers que les nantis.
L'immaturité de la jeunesse riche justifie ainsi la rancœur tenace du
prolétariat (Lionel Barrymore impressionnant en vieil infirme aveuglé
par la haine), mais à l'inverse la relation quasi filiale entre Mary sa
patronne (Gladys Cooper) démontre l'inverse tout comme bien sûr la
romance entre Mary et Paul. L'histoire d'amour manque de s'épanouir à la
fois à cause de ses conflits anciens qui n'ont plus lieu d'être dans le
Nouveau Monde (les origines irlandaises des personnages nous étant
rappelés plus d'une fois) mais aussi aux nouveaux maux qu'il fait naître
par cette lutte entre le syndicat et le patron. L'utopie de la
conciliation et du compromis à l'ancienne se confronte donc à la
brutalité du capitalisme sauvage et des briseurs de grève, Garnett ayant
pourtant longuement exposé la proximité irlandaise et l'amitié qui
lient ces deux mondes. En passant toujours subtilement par cette belle
histoire d'amour, le film n'est jamais lourd dans son propos tout en
respectant les préoccupations sociales du roman de Marcia Davenport -
présentes dans une autre adaptation de ses romans avec le Ville haute, Ville basse (1949) de Mervyn LeRoy.
Visuellement
Tay Garnett manie habilement l'intime et les envolées romanesques,
l'élégance et une certaine crudité s'alternant constamment. Les gros
plans scrutent avec autant d'acuité le visage monstrueux et déformé par
la haine de Lionel Barrymore que les détestables airs hautains de la
prétendante Louisa Kane (Jessica Tandy bien fielleuse). Les vues
impressionnantes de l'usine en font un havre de paix puis un champ de
bataille, la maison des Scott constituera un cocon chaleureux puis un
lieu de division au final, chaque rupture possible étant brisée dès que
Greer Garson et Gregory Peck s'enlacent. Une belle odyssée sociale et
intime, prenante de bout en bout et très touchante.
Sorti en dvd zone 2 français chez Warner
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