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mardi 6 juin 2017

Les Deux Anglaises et le Continent - François Truffaut (1971)

Au début du vingtième siècle, Claude (Jean-Pierre Léaud), un jeune Français dandy et collectionneur (de femmes autant que d'œuvres d'art), fait la connaissance d'une jeune Anglaise, Ann (la fille d'une amie de sa mère), qui l'invite à passer ses vacances dans sa famille, au Pays de Galles. Celle-ci va lui présenter sa sœur Muriel, et va pousser Claude à tomber amoureux de sa sœur. Les deux Anglaises, puritaines, sont surprises et charmées par ce jeune Français libertaire, qu'elles appellent « le Continent ».

10 ans après Jules et Jim, Truffaut adaptait à nouveau Henri Pierre Roché pour un second récit de triangle amoureux avec cette fois l'homme partagé entre deux femmes (et une certaine dimension fantasmatique du fait qu’elles soient sœurs). Le roman s'inspirait du vécu de Roché qui grand séducteur se sera souvent retrouvé dans ce type de situations et les éléments des films repris du livre maintiennent le rapprochement à travers le personnage de Jean Pierre Léaud séducteur, amateur d'art et de femmes. Grande différence avec Jules et Jim si ce dernier était en grande partie un film ouvert, aérien en forme d'ode à la vie Les Deux Anglaises explore lui d'une manière bien plus intimiste et intériorisée les tourments et douleur associés à l'amour.

Le récit étale cette romance à trois sur 20 ans, de l'indécision à la découverte puis le passage de l'une à l'autre des sœurs pour le héros. La première partie au Pays de Galles (et tournée en fait en Normandie) est remarquable, définissant les personnalités des sœurs et les motifs de l'attirance pour chacune d'elles : l'épanouie et aimante Ann tandis que la cadette Muriel fait preuve d'un tempérament bien plus passionné et torturé. Les scènes de première fois bien plus tard seront d'ailleurs à cette image. Une des plus belle séquences de Truffaut avec Ann où Claude prend son temps pour mettre en confiance la jeune femme le temps d'un séjour à la campagne tandis que ce sera fiévreux et intense avec Muriel lors de la conclusion. 

Le film reprend la structure épistolaire du livre entre lettre et extrait de journaux intimes pour chacun des personnages (sauf pour Ann étrangement) auquel il ajoute une voix off à la troisième personne dictée par Truffaut lui-même. Chez tout autre le procédé pourrait être très lourd notamment dans l'illustration visuelle très simple de ses échanges (personnage se répétant à voix haute le contenu de son courrier, voix off ou encore fondu enchaîné sur le visage de celui/celle qui écrit) mais Truffaut maîtrise comme personne cet art de mêler des éléments typiquement littéraire à une forme cinématographique.

Visuellement c'est sans doute un de ses films les plus aboutis et recherchés, aidés par la photo naturaliste de Nestor Almendros et l'élégante musique de Georges Delerue. Les scènes heureuses du début font ainsi preuve d'une grâce et d'une mélancolie nostalgique palpable, les moments les plus dramatiques étant eux porté par une intensité pesante à souhait. Jean Pierre Leaud dans son premier Truffaut hors du cycle Doinel est excellent, séducteur et immature à la fois en "continent" visé par les deux anglaises où Kika Marham serait la force tranquille et Stacey Tendeter (formidable alors que le rôle aurait pu être horripilant) en volcan éteint ou en éruption. Sortie en pleine période post 68 très politisée, la vision intimiste et désuète de Truffaut ne rencontrera pas son public malgré le profond investissement personnel qu'il y avait mis au point d'en couper 20 minutes qu'il réintègrera à la fin de sa vie.

 Sorti en dvd zone 2 français chez Mk2

 

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