La vie de célibataire d'âge mûre de Maura
Prince prend une tournure inattendue lorsqu'elle rencontre le bricoleur
Billy Jarvis, un homme étrange et émotionnellement instable. Pendant ce
temps, un tueur en série est pris de folie dans la campagne, il viole et
tue des femmes avant d'enterrer leur cadavre au bord de la route...
The Night Digger
est une œuvre oppressante à souhait mais dont les prémisses relèvent
pourtant des meilleures intentions. Demeurée célèbre pour son rôle dans Le Rebelle
de King Vidor (1949), Patricia Neal poursuit par la suite une solide
carrière hollywoodienne qui connaîtra un nouveau pic avec un Oscar de la
meilleure actrice pour Le Plus sauvage d'entre tous
de Martin Ritt (1963). C'est peu après que le destin la frappe
lorsqu'elle subit une rupture d'anévrisme en 1965 alors qu'elle est
enceinte de son cinquième enfant. Après trois semaines de coma elle en
ressort vivante mais grandement handicapée, boitant et incapable
d'apprendre un texte ce qui assombrit son avenir d'actrice. C'est sans
compter la détermination de son époux d'alors, l'écrivain anglais Roald
Dahl qui la soumet à un régime d'exercice sévère qui lui permet de
retrouver peu à peu ses facultés. Le point d'orgue de cette volonté de
Roald Dahl sera l'écriture du scénario qui signera le retour à l'écran
de Patricia Neal. Il adapte donc le roman Nest in a Fallen Tree de Joy Cowley dont il refaçonne l'intrigue et les personnages afin d'en faire un écrin sur mesure pour son épouse.
Maura
Prince (Patricia Neal) est une vieille fille vivant avec une mère
abusive (Pamela Brown pourtant seulement 11 ans d'écart avec Patricial Neal) et aveugle dont elle est obligée de s'occuper
dans leur demeure délabrée au cœur d'une campagne sinistre. Une rupture
d'anévrisme passée aura façonnée la prison de Maura puisque c'est suite à
cet incident qu'elle est revenue vivre auprès de sa mère qui l'a
soignée, et désormais les rôles s'inversent sans qu'elle puisse mener sa
propre vie. La rupture d'anévrisme est ainsi le prétexte à une relation
abusive métaphore de la soumission et dépendance dans laquelle nous
place la maladie. Le récit s'éclaircit pourtant légèrement lorsque Maura
embauche le jeune Billy (Nicholas Clay le futur Lancelot d'Excalibur)
comme homme à tout faire au sein de la maison. La candeur et la bonne
volonté du jeune homme égaient la vie de Maura et laisse croire à une
possible romance malgré leur différence d'âge. Seulement Billy dissimule
lui aussi un terrible secret.
Le personnage de Billy constitue
l'autre versant du handicap, cette fois mental, qu'on ne pourra jamais
surmonter. L'existence morne de Maura s'illustre dans une ambiance
mortifère et statique, la photo d'Alex Thomson faisant de la demeure un
mausolée grisâtre tandis que les extérieurs font dans le filtre terne et
l'atmosphère pluvieuse pour prolonger la sinistrose - pas sans rappeler The Offence (1972) ou La Panthère Noire (1977) autres fleurons du polar britannique glauque. Le malaise qui se
dégage avec Billy s'exprime autrement, d'abord quand il conserve son
mystère avec des contre-plongées, des gros plans saisissant où sa
bonhomie juvénile s'estompe pour laisser place à une expression
inquiétante. Nicholas Clay excelle à exprimer cette dualité ange-démon
qui ne rend que plus inquiétants ses élans criminels.
La mise en scène
d'Alastair évite tout effet choc pour jouer sur la longueur dans sa
manière de faire basculer Billy, notamment la scène où il s'introduit
dans la chambre d'une jeune femme. La grammaire filmique change avec
l'attitude de Billy, les cadrages, compositions de plan et jeux sur la
profondeur de champ s'amorçant tandis qu'il observe sa victime puis se
rapproche d'elle en se déshabillant. Une fois les pulsions du personnage
ainsi illustrées, toutes les autres manifestations de sa nature passent
par l'ellipse sèche et un "après" glacial (dans le filmage neutre comme
le jeu détaché de Clay) sur les conséquences.
Aucun jugement
cependant, le scénario faisant se rejoindre les deux handicaps (reposant
sur un abus et un manque d'amour) possiblement guérissable à travers la
romance entre Maura et Billy. On y croit jusqu'à un épilogue ravivant
les vieux démons et un ultime face à face déchirant. Les vrais monstres
restent cependant les vieux bigots hypocrites pour lesquels on n'a
aucune compassion et qui servent l'ironie mordante de Roald Dahl (qui
sorti de ses livres pour enfants était capable d'une vraie noirceur
notamment dans ses nouvelles). Si l'on est pas certain que le film aura
réussi à ressouder le couple Patricia Neal/Roald Dahl (qui divorceront
en 1983), il aura au moins permis l'existence de ce thriller assez
unique.
Sorti en dvd zone 2 français chez Warner
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