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lundi 29 octobre 2018

Les Tueuses en collants noirs - Ore ni sawaru to abunaize, Yasuharu Hasebe (1966)


La fiancée d'un photographe de guerre est kidnappée par la mafia car son père a autrefois caché un trésor sur une île... Le futur époux de la jeune femme part à sa recherche afin de la libérer. Un étrange groupe de meurtrières dont il croise la route lui offre son aide...

Les Tueuses en collants noirs est un des fleurons de la vague Nikkatsu Action produite par le studio durant les années 60. Ces films ciblaient à la fois la jeunesse par leur esthétique et bande-son psyché pop dans l’air du temps, mais également un public plus adulte par des récits revisitant le film noir et d’action dans cet écrin acidulé. Seijun Suzuki est évidemment le cinéaste le plus connu de cette vague où il parvint à imposer un regard de plus en plus personnel sous le cahier des charges avec des réussites comme Détective bureau 2-3 (1963), La Jeunesse de la bête (1963 ou Le Vagabond de Tokyo (1966). 

 Alors que les Nikkatsu Action (et notamment les films de Suzuki avec la star Jô Shishido) reposaient souvent sur des stars masculines présentées en icônes viriles, Les Tueuses en collants noirs vient changer la donne avec son groupe de meurtrières qui ne s’en laisse pas compter. Yasuharu Hasebe qui fut l’assistant de Seijun Suzuki façonne donne là une œuvre de transition, tout le bagage pop du Nikkatsu Action déclinant se conjuguant aux éléments du New Action où le studio mets scène des gangs féminins notamment dans la saga des Stray Cat Rock - qui révèlera Meiko Kaji et qui sera presque entièrement réalisée par Hasebe.

Nous avons donc encore ici un héros d’action avec le photographe de guerre Hondo (Akira Kobayashi, qui chante d’ailleurs la chanson d'ouverture  très yé yé dans l’esprit) tour à tour défié et secondé par un groupe de tueuses dans la recherche de sa petite amie kidnappée. On sent bien sûr l’influence de Suzuki dans l’approche d’Hasebe dans le travail sur les couleurs et la photo, le montage percutant, mais il ne cède vraiment à l’abstraction pop de son mentor que le temps d’une scène de rêve. Le reste du film navigue entre environnement relativement réaliste (même si pour certains reconstitués en studio) urbains et d’autres plus extravagants et stylisés. 

Cela correspond finalement à une volonté du réalisateur toujours dans la rupture de ton dans la gestion du récit. Le postulat n’est pas plus fantaisiste qu’un autre en matière d’action/aventures mais le traitement volontairement lâche de certaines péripéties amène une forme d’humour et distance assez plaisants. Cela se ressent notamment dans les scènes d’actions, les bagarres masculines faisant montre d’une brutalité prononcée et filmées au cordeau quand chaque démonstration des tueuses bouleverse la notion d’espace, joue sur les ellipses et s’appuie la gracilité des héroïnes. 

Hasebe par cette alternance annonce son travail sur Stray Cat Rock où le tourbillon psyché allait avec un cadre ancré dans le réel et de vraies problématiques adolescentes. Une fois que l’enjeu se clarifie (une chasse au trésor sur fond de sombre passé e la Deuxième Guerre Mondiale), le visuel bariolé se marie ainsi à une certaine gravité accentué par le côté finalement vaine la quête. Les tueuses (sans se départir d’une sensualité soft dans leur mise en image) deviennent les figures sacrificielles touchantes d’une cause noble quand les protagonistes masculins sont mus par la culpabilité. Yasuharu Hasebe étant l’auteur de certains Roman Porno parmi les plus controversés et brutaux (dont Harcelée (1978)), on n’ira pas jusqu’à en faire un réalisateur féministe mais dans ce premier film puis les Stray Cat Rock il fait preuve d’une vraie approche sensible sur le sujet. 

Sorti en Bluray et dvd zone 2 français chez Bach Films 

 

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