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dimanche 17 février 2019

The Chrysanthemum and the Guillotine - Kiku to Guillotine Onna Zumô to Anarchism, Takahisa Zeze (2018)


Le 1er Septembre 1923, le grand tremblement de terre du Kanto plongeait Tokyo et ses environs, dans le chaos. De ces ruines, naîtront les premiers signes d'une militarisation du pays qui va se poursuivre durant les décennies à venir. Par contraste, on observe l'épanouissement de cultures locales, encore méconnues aujourd'hui, telles qu'un circuit national de sumo féminin.

The Chrysanthemum and the Guillotine est une fresque historique intimiste qui se pose en miroir de la dérive droitière du Japon contemporain, tant au niveau sociétal que politique. Le film se déroule en 1923 au lendemain du grand tremblement de terre du Kanto. C’est une période qui suit les conflits russo-japonais et précède la guerre sino-japonaise, un moment où s’exacerbe un nationalisme fanatique qui aboutira à la militarisation et l’engagement dans la Seconde Guerre Mondiale. Côté masculin les personnalités rétives à cet autoritarisme ambiant s’incarnent dans le récit par l’opposition politique à travers de vraies figures de l’époque qui se fondent dans la fiction. Pour les femmes ce sera l’espace de la discipline désormais révolue (depuis 1955) du sumo féminin.

Les deux fonctionnent en parallèle tout au long du récit.  L’oppression politique plonge les opposants et intellectuels dans la clandestinité où ils échafaudent des projets d’assassinats contre les ténors de cette dictature. Les figures féminines fuient quant à elles une oppression plus spécifiquement sociale, l’héroïne trouvant dans l’équipe sumo un refuge à ses violences conjugales tandis qu’une autre y échappera au racisme envers les coréens au Japon. De mêmes contradictions les habitent, le verbe vain se substituant à l’action pour les sportives et inversement celle-ci dominant à tort la réflexion chez les militants. Nos combattantes sumos malgré leurs forces demeurent des êtres fragiles prompts à sombrer à nouveau dans une terrible soumission, à l’image de l’une d’entre elles se prostituant auprès de spectateurs de passages. 

Ces quêtes de liberté se rejoignent et s’opposent à travers les interactions des personnages. L’émotion fonctionne lorsque les luttes et douleurs se conjuguent momentanément, notamment cette magnifique scène sur la plage où l’éloquence de Tetsu (Masahiro Higashide) s’éteint face aux horreurs du parcours de la réfugiée coréenne jouée par Hane Kan. Plus tard impuissance à défendre la femme qu’il aime d’un protagoniste si vindicatif au départ ramène l’arrogance des intellectuels à cette même fragilité des femmes dans ce monde destructeur. Le film long de 3h observe pas à pas cette évolution intime des personnages passant autant par le dialogue que par de belles idées formelles. 

L’héroïne vaillante sort ainsi constamment perdante de ses joutes de sumos, l’abnégation à prochainement vaincre reflétant son désir de changer sa destinée de perpétuelle victime. En refusant d’être expulsée de la zone de combat, elle réfute aussi le déni que la société exerce sur elle en tant qu’individu.Toute la lente narration mène à cet accomplissement même si les humiliations seront nombreuses. La finesse du regard et une subtile esquive du manichéisme (les horribles miliciens tyranniques qui s’avèrent des traumatisés de guerre) rendent donc ce Chrysanthemum and Guillotine captivant, notamment par cette autocritique rare dans le cinéma (et la société) japonais contemporain. 

Découvert au festival du cinéma japonais contemporain Kinotayo

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